
Sur le blog d’Alexis CORBIERE, secrétaire national du Parti de Gauche, un papier, en date du 7 mai dernier, nous recommande chaudement la lecture du dernier ouvrage de Jean-Luc MELENCHON, intitulé « le hareng de Bismarck, le poison allemand » dont il dresse un tableau dithyrambique et dont il est dit qu’il convient de le « lire absolument ».
En attendant de m’atteler à cette lecture de cette œuvre soi-disante indispensable, je me contente pour l’heure d’examiner le contenu de l’article qui en fait l’éloge, en soi déjà amplement source d’étonnement autant que de consternation. A titre préventif, celui-ci tente de désamorcer à l’avance les critiques que le pamphlet (ainsi nommé) pourrait essuyer, en l’occurrence celui de germanophobie : avec un titre pareil sans doute soigneusement choisi, c’est mal parti.
VRAIMENT, QUE LA DROITE ALLEMANDE ?
Première surprise : les droites européennes, à l’exception de l’allemande, sont mises hors de cause dans la politique européenne actuelle : c’est à la CSU-CDU d’Angela Merkel qu’incombe la responsabilité de la politique de rigueur de Bruxelles et à elle seule (pourtant, Hollande vient de rappeler à Cameron qu’il n’est pas question de revenir sur les traités qui y président … et il n’est pas de droite, ou pas encore entièrement !) L’austérité, c’est l’Allemagne, et pas Manuel Valls, ni Barroso, ni Jüncker et l’acharnement contre la Grèce vient d’elle et pas d’ailleurs (pourtant, à côté des 17 banques allemandes qui font leur chou gras de la dette d’Athènes, se trouvent 20 banques françaises à rafler le juteux gâteau … ?). A‑t-on entendu un dirigeant européen intercéder pour une autre gestion de la crise hellénique ?
Et que penser d’une telle affirmation (à propos de l’Allemagne) : « Leur système éducatif est en crise. Leur service public à l’abandon. Leur système fiscal est de plus en plus injuste et de moins en moins redistributif ». En France, chacun le sait, c’est juste le contraire.
A lire ce qui est écrit, ils ne le pourraient pas, car marchant au pas de l’oie sous « la schlague » teutone (écrit : « chlague », mais bon, passons, d’ailleurs les fautes de français elles aussi abondent dans cette chronique publique dont l’auteur, comme son mentor, doit être un grand défenseur de la langue française et de sa supériorité).
La droite française se contenterait, elle, d’être servilement à la remorque de l’Allemagne (et on exhume sous-jacemment et au passage le spectre de la « collaboration »).
(SURPRENANTE) REVELATION: LA RETRAITE ALLEMANDE SERAIT BASEE SUR LA CAPITALISATION !
Suit une autre surprise, de taille : c’est le retraité allemand qui est cause de tous nos maux, car avide de dividendes pour alimenter les caisses de l’assurance retraite qui, en Allemagne, seraient, au contraire de la France, fondées sur la capitalisation et non sur la répartition.
Car l’auteur n’hésite pas, à l’appui de sa thèse, de produire un gros vilain mensonge : en effet, si, depuis 2000, le recours à la capitalisation pour assurer les retraites est plus avancé en Allemagne qu’en France –où l’on n’a de loin pas renoncé à en faire autant – elles restent pour l’essentiel servies par les organismes d’Etat sur un système dont la France s’est inspiré, et dont le maître d’œuvre a été, près d’un demi-siècle avant la France, … Bismarck, précisément.
Bien sûr, le Junker Bismarck n’avait pas concédé de gaieté de cœur les avantages sociaux (à la couverture vieillesse s’ajoutait la protection maladie) dont les travailleurs allemands ont bénéficié bien avant les autres ; il s’agissait pour lui de prendre de court la montée de la social-démocratie d’alors (qui, même si investie par le réformisme, ne ressemblait pas pour autant à celle, élargie à tout le continent, d’aujourd’hui).
Au-delà, ce doigt accusateur pointé sur le retraité allemand participe d’une curieuse et troublante démarche : car ce retraité est avant tout un salarié. Et voici donc allègrement les salariés (certes, allemands !) désignés comme les responsables de l’austérité capitaliste : mon grand-père, cheminot communiste, cégétiste, et qui est mort en 44 de l’avoir été, qui a perdu ses économies placés dans un fonds de pension pendant la crise de 29, doit s’en retourner dans sa tombe.
LE BOUC-EMISSAIRE IDEAL ?
En outre, on peut s’étonner du fait que non seulement des responsables « progressistes » dénoncent des salariés comme suppôt du capitalisme, mais également qu’ils livrent à la curée populaire, de manière aussi caricaturale, un nouveau bouc émissaire, certes, politiquement plus correct pour la gôche-de Gosch que l’immigré – qui a, plutôt bien assuré ce rôle jusqu’à présent – mais qui remplit exactement la même fonction.
Doit-on se préparer à une nouvelle guerre ? Que nenni, dit le responsable du Parti de Gauche, d’ailleurs le peuple allemand est un peuple frère, inventeur du socialisme, et d’évoquer Oskar (Oscar aurait été encore mieux) Lafontaine – voilà un patronyme prussien au moins civilisé et qui n’écorche pas la gueule.
Néanmoins … Et là, surgissent deux phrases qui laissent rêveur et dont il reste à explorer le sens profond :
« Les trois guerres qui nous ont tragiquement opposé à l’Allemagne ne sont pas nées de la seule folie d’un Hitler ou je ne sais trop quels arguments psychologisants mettant l’économie et la politique à distance. N’ayant rien appris de cette histoire tragique, l’ultra libéralisme et les fanatiques qui l’impulsent, par leurs égoïsmes, exacerbent les vieux nationalismes se qui réveillent. » La coquille est volontairement maintenue.
L’auteur de ces lignes ira-t-il jusqu’à rappeler que la première de la série doit beaucoup aux ambitions du troisième Napoléon de main-mise sur la rive gauche du Rhin héritées de son oncle qui lui-même les a reprises au 14è Louis ? Non, bien évidemment : mais une chose est sûre, de tels écrits ne peuvent que contribuer à l’exacerbation pourtant dénoncée.
« LE CAPITALISME PORTE LA GUERRE COMME LA NUEE PORTE L’ORAGE »
Jean Jaurès
La tentative de distinguer « les Allemands » d’un « peuple allemand » désincarné ou rêvé (c’est-à-dire « soumis » et calqué sur l’hexagone-modèle absolu) a ici échoué lamentablement, car si les retraités ne font plus partie du « peuple », surtout dans une Allemagne vieillissante et qui traite pour cette raison les immigrés mieux qu’on ne le fait en France, il ne reste plus grand monde.
On ne peut qu’exprimer ici que la crainte de voir dans un tel texte l’attisement de causes de conflit dont on ne sait quelle forme il pourrait prendre, et ce, bien que l’auteur s’en défende. On ne peut s’empêcher de penser à ces Girondins qui ont poussé en leur temps à la guerre contre l’Europe entière, en ce temps où la France, à défaut d’inventer le socialisme, a inventé en lieu et place la bourgeoisie prenant les rênes du pouvoir politique.
Et tiens, quand même, pourquoi pas une bonne vieille guerre, mais une belle, hein ! de celles menées jadis au nom de la Liberté (d’exploiter le travail) et des Lumières à apporter aux peuples forcément un peu crétins et arriérés puisqu’ étrangers, avec toute la prétention et suffisance dont la France post-coloniale est capable : pour inculquer, par exemple, à nos (faux-) frères germains les bienfaits d’une retraite par répartition dont ils ont été les concepteurs ?
Non, décidément, Mélenchon n’est pas le successeur de Jaurès.
Daniel Muringer
L’auteur de cet article avoue lui-même ne pas avoir lu le livre de Jean-Luc MELENCHON.…c’est fou le nombre de « critiqueurs littéraires » qui s’expriment sans avoir lu le livre ! Chacun a le droit d’être d’accord ou non avec JLM. Mais, là il ne s’agit pas d’une critique mais d’un parti pris sectaire.
Il est regrettable que de tels articles ne répondent pas à la ligne éditoriale que l’ALTERPRESS68 s’était donné.
La publication de cet article répond absolument à la ligne éditoriale de L’Alterpresse68. Notre existence est basée sur le pluralisme de l’information, des faits, des événements, des analyses. Et donc d’une approche dans laquelle la contradiction et la controverse ont totalement leur place.
Accepter la critique est une des valeurs fondamentales de tous ceux qui se réclament du progressisme. Certains pays qui l’avait bannie de leurs moeurs l’ont payé assez cher.
Le livre de Jean-Luc Mélenchon suscite effectivement des commentaires très négatifs, surtout à gauche.
Refuser de les publier serait une entorse à notre ligne éditoriale. Comme nous publierons sans problème une critique positive du Livre de Mélanchon. C’est cela l’information pluraliste. Notre ligne éditoriale, en somme.
Evidemment, il y avait « belle lurette » que l’on ne pouvait plus taper sur Mélenchon et là, Hallelujah (excellente chanson de Leonard Cohen, reprise par bon nombre de chanteurs …), ça repart, comme en 14 ! « Libé », financé par des banquiers et le « Monde », Hollandolâtre avéré et assumé, sont des « abonnés » du Mélenchon-bashing ! OK, c’est leur droit, mais en étant toujours à la recherche de la « petite phrase », sans aller au fond des choses, tenter d’analyser (un peu) les idées et les propositions, sans être obligé de sortir l’artillerie lourde, ce n’est pas dans l’ADN de ces « journalistes » et ça devient gênant pour la déontologie professionnelle en général. Même le « Figaro » qui n’est pas Mélenchon-compatible, loin s’en faut, ne va pas aussi loin dans le dézinguage contre-productif et, tout en étant en désaccord avec les propositions du monsieur, laisse son lectorat (je lis le « Figaro », tout en étant de gauche) libre de faire son choix du moment ! C’est ça l’information et le journalisme. La confrontation, argumentée et non pas le dézinguage permanent et haineux, est enseignée à l’école de journalisme. Mais peu, une fois en possession de leur sésame (carte-presse) appliquent cette règle d’or du célèbre Albert Londres ! Du coup, je me demande de quel journalisme l’Alterpresse se fait l’écho !
Mes amis, posez-vous la question suivante : Que représente réellement Miss Duflot en % électoraux ? Le club des écolos, avec leurs courants divers et variés, de la bande à Dany, en passant par celle de François (de Rugy), celle encore de Mamère (le plus lucide du club avec Joly et Hulot), à force de courants ne font que des courants-d’air !
Qui a lu le pamphlet – car un pamphlet est forcément une caricature, comme un dessin de « Charlie-Hebdo » ou du « Canard » – et qui peut dire, après lecture, de manière honnête, que ce pamphlet est anti-allemand ?
Mélenchon n’attaque pas l’Allemagne, mais la politique de cette dernière. Il n’attaque pas le peuple allemand, mais la politique de Monsieur Schäuble, Madame Merkel, des libéraux bavarois, de la BCE … tous ceux qui serrent la gorge à la Grèce aujourd’hui et prônent l’idée qu’il n’y a pas d’alternative, autre que l’ordolibéralisme ; bref il attaque les mêmes gens qui sont attaqués par les syndicats et la gauche allemande ! Marx, Engels, Kant … sont les maîtres à penser de tout homme de gauche, de tout humaniste et on ne dit jamais l’allemand Kant, l’allemand Marx … !
Tout est bon pour dézinguer Mélenchon. On fait même un parallèle entre le FN et lui !Néanmoins, il y a quand même une nuance de taille : les « patriotes » de droite et d’extrême droite, ne rendent jamais responsables les banquiers, les délocalisateurs d’usine, les optimisateurs fiscaux … des difficultés du/des peuple(s), mais l’immigré qui, c’est bien connu, ferme les boîtes et met son fric dans les îles Caïman, Man, Monaco, Suisse, Luxembourg, Belgique etc. !
Miss Duflot, c’est mon point de vue, est en recherche de notoriété, le Congrès du PS a donné quitus avec une majorité de 60 % (voire si il n’y a pas eu encore des pressions et des magouilles …) pour le gouvernement et comme dit Mélenchon, Hollande a bien manoeuvré. Il laisse sous-entendre qu’il y aurait (peut-être, peut-être pas …) une petite place de strapontin pour ceux qui seront « gentils » .… Du coup, il divise les « frondeurs », les abstentionnistes (des coûteaux sans lame, comme dirait Mélenchon), les écolos pour un changement de gouvernance et les autres, ceux qui ont voté la motion A, c’est à dire, les traine-savates accrochés à leur strapontin et leurs privilèges, à l’affut d’une planque ou d’un maroquin. Alors Miss Duflot va « aux charbons » (pour une écolo, c’est bizarre) et se re-positionne au cas où, en 2017, il y aurait à nouveau un petit porte-feuille ou un siège-éjectable de libre.
L’important ce n’est pas d’avoir des idées pour le club des écolos qui peut se réunir bientôt dans une cabine téléphonique (encore que, bientôt, il n’y en aura plus de cabine téléphonique), l’important c’est d’être présent dans les médias et de rester entre eux ! Les « Verts », pas tous, heureusement, ne sont décidément pas murs pour gouverner à gauche. Ils y étaient, au gouvernement. Ils ont fait quoi ? D’accord, ou dehors !
Si Mélenchon, comme les « intellectuels » (sic) laissent entendre, ne disait que des inepties, croyez-vous que la classe politique, au grand complet, lui tirerait dessus ? Si Mélenchon, quand il propose des trucs sérieux dans les débats est sempiternellement interrompu et qu’il est dans l’impossibilité flagrante de pouvoir développer ses idées (écolos aussi, ne vous en déplaise, mes amis), est-ce par hasard ?
« Le Hareng de Bismarck » est un pamphlet joyeux et nécessaire pour sortir de l’idolâtrie germanophile des « élites », souvent auto-proclamées et des médias aux ordres de la finance internationale, qui donnent quitus à un pays qui sur-exploite ses ouvriers et qui n’a même pas (encore) de salaire minimum mais, qui propose des petits boulots et des jobs à 1 euro de l’heure ! Et si ce boulot n’est pas accepté, on sucre les indemnités … Vive la méthode TINA (There is no alternative, dixit Mme Thatcher). Il est quand même curieux que l’Alterpresse souscrive, implicitement à ces théories !
C’est cette dérive et cette interprétation que Mélenchon met sur la table et ce n’est pas anti-allemand, au contraire.
Quand on ne connait pas son sujet, on ferme sa G.…, Mr Muringer.
Le sectarisme n’a jamais été bon conseillé.
Pourquoi tant de haine ?
Maxime chinoise, dit-on : « Le sage montre la lune, l’imbécile regarde le bout du doigt ». Transcrite en langue et codification universitaire, la maxime donne à peu près ceci : « écrit sans apport heuristique car s’appuyant sur une lecture de seconde main » !
Il est en effet tout de même surprenant de lire une critique, acerbe autant qu’acide, d’un ouvrage dont le rédacteur avoue d’entrée … ne pas l’avoir lu ! (« En attendant de m’atteler à cette lecture de cette œuvre soi-disante indispensable, je me contente pour l’heure d’examiner le contenu de l’article qui en fait l’éloge, en soi déjà amplement source d’étonnement autant que de consternation ») . Consternant en effet … comme méthode d’analyse ; on relèvera, au passage, que « soi-disant » étant une locution adverbiale, elle est invariable. Et pan sur le bec !
Quant au titre du livre de Jean-Luc Mélenchon « Le hareng de Bismarck » (sous-titré « Le poison allemand » – comme toujours, le sous-titre d’un écrit en dit plus long que le titre, qui vise avant tout à … « accrocher le chaland » – rhénan ?), JLM (pardonnez la familiarité « efficace ») s’en explique en 4ème de couverture (ce doit être facile et rapide à lire… même pour un critique … dilettante à défaut d’être paresseux et … partisan) :
« Ceci est un pamphlet [Note du copiste : dictionnaire Le Robert, « Pamphlet = court écrit satirique qui attaque avec virulence le gouvernement, les institutions, la religion, un personnage connu ». Où lire dans ceci une quelconque « germanophobie » ? Dans une critique, fut-elle acerbe, d’une succession de gouvernements, d’un système de retraite évolutif qui dirige vers la capitalisation les plus riches – Eh oui, pas du « peuple allemand », prend-il la peine de préciser page 14 : « C’est sa majesté le pensionné de la haute classe moyenne allemande. Celui-ci a signé pour une retraite par capitalisation plutôt que de croupir comme les autres retraités avec les miettes laissées au régime par répartition »].
Et JLM de poursuivre : « Je prends le droit de critiquer l’Allemagne. Avez-vous vu comment elle a critiqué la Grèce ? [Note du copiste: pour ceux qui n’ont pas de mémoire, malgré les multiples rappels que nous a présentés mercredi soir au cinéma « Bel-Air » de Mulhouse Stélios Kouloglou, député européen représentant le peuple grec, lisez notamment les pages 90–94, « Club Med et parc de loisirs » : les « PIGS » en prennent pour leur grade, et ce ne sont pas uniquement les dirigeants actuels, A. Merkel et W. Schäuble qui expriment ainsi leur mépris du « peuple grec », ces « fainéant bouffeurs d’olives et assoiffés d’ouzo » ! Lisez également les pages 87–94 : « Les allemands sont-ils des fainéants de grecs ? ». Edifiant quant à la prétendue « supériorité – arrogante – allemande »]. Et JLM ajoute :
« Un avant-goût pour la France ? Je dis quel danger elle est devenue pour ses voisins et ses partenaires. Je dénonce son arrogance et le prétendu « modèle » qu’elle impose pour son seul profit […] En fait l’Allemagne va mal. Le poison allemand est l’opium des riches [N.C. avez-vous vu ? JLM prend même la peine, en 4ème de couverture, de justifier le sous-titre !]. « Changer nos vies et faire changer l’Allemagne est une seule et même chose. Il faut le faire avant qu’il ne soit trop tard ».
Alors … Germanophobie ? La critique d’un prétendu modèle ? Iconoclaste peut-être, mais en pays de concordat la posture est plutôt bienvenue, non ?
Mais si, cher censeur, vous accusez JLM de germanophobie (comme le tance également Cécile Duflot … que l’on a connu mieux inspirée !) alors Guillaume Duval (dont s’inspire beaucoup JLM dans cet écrit, mais il le cite explicitement : pas d’accusation de plagiat, svp) Guillaume Duval en serait un autre, qui publiait en 2013 un autre succès de librairie : « Made in Germany ; le modèle allemand au delà des mythes ». Et toujours le sous-titre, plus explicite que le titre … un tantinet racoleur, le plus souvent à la demande expresse de l’éditeur (faut faire du chiffre !). Car pour votre malheur, cher censeur, les lecteurs du Hareng (pas saur) semblent l’apprécier puisque le bouche à oreille l’a déjà quasiment épuisé dans les grandes libraires (La librairie Kléber – Strasbourg – m’informait ce matin en avoir commandé 200 exemplaires de plus). Mais peut-être est-ce (en Alsace), pour se payer du boche à bon compte (10 euros, accessible, non ?) ; je ne sais sonder l’âme des lecteurs d’Alsace !
Pour conclure, « dénigrez, dénigrez, il en restera toujours quelque chose » ! La technique est, hélas, bien connue.
C’est d’ailleurs la stratégie que distille à longueur de « papiers » et d’interview la « presse » dominante (comment disait Karl ? « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes » ; in « L’idéologie allemande », de mémoire).
Par exemple, et pour reprendre un vocable au centre du débat de mercredi soir à « Bel Air », le terme même de « dette » est répété à vomir pour que nous intériorisions la honte d’être redevables et assistés (alors, pensez-vous, dette grecque », la honte absolue !).
Je suis tout de même profondément attristé qu’une note critique publiée par « l’Alterpresse » (je n’ai pas écrit « Alterparesse »!) fut exprimée sur la base du même procédé. Que son rédacteur ne partage pas les conclusions de l’auteur (Jean-Luc Mélenchon), cela ne se conteste pas, mais se discute. Qu’il argumente alors, a minima, en connaissance de cause (je veux dire « de texte »). Et nous pourrons en débattre, en adultes éclairés, y compris avec « parti-pris » (je ne voile pas celui que je prends, je suis adhérent du Parti de Gauche, et je l’ai exprimé clairement mercredi soir).
C’est toute la richesse du débat contradictoire, qui nous oblige à sortir du « consensus mou » (et du bois!), véritable instrument de dictature de la pensée. (unique bien entendu).
Avec toute ma conviction écosocialiste,
Jean-Claude Val,
Citoyen (strasbourgeois), militant politique et associatif, accessoirement économiste (nul n’est parfait)
La réponse à mon commentaire me laisse pantois…peut-ton admettre que l’on fasse un commentaire sur un livre qu’on n’a pas lu ?????
Le fait, comme c’est écrit dans la réponse qu’on m’a donné.….
« Le livre de Jean-Luc Mélenchon suscite effectivement des commentaires très négatifs, surtout à gauche » justifierait à ce qu’un tel article soit publié ! Au fait de quelle gôôôche parle-t-on ?.… C’elle de la motion A du PS, servile à VALLS et à MACRON ? Ou plus grave, de ceux sensée être des partenaires au sein du Front de Gauche mais qui à chaque fois saisissent l’opportunité d’un coup de poignard dans le dos de MELENCHON !
En parfait accord avec les commentaires de Jean-Claude et Bernard. Je ne commenterais donc pas puisque je fais miens leurs propos. Toutefois, je suis piquée de curiosité; en effet, ce n’est pas la première fois que M. Muringer s’en prend à JLM… pour quelles raisons ? Mystère.… . Mais tout de même.… critiquer un livre que l’on avoue ne pas avoir lu.… est un pas qu’il fallait oser franchir !
Il n’a pas échappé à la sagacité des lecteurs de L’Alterpresse68 que l’article de Daniel Muringer portait sur le blog d’Alexis Corbière et à partir des « bonnes feuilles » que celui-ci a extrait du livre de Jean-Luc Mélanchon.
De grâce, ne « mélanchons » pas tout … et essayons de respecter les orthographes patronymiques, Mr « Alterpresse » (ou Me ?).
Laissons à « Oskar » … la fontaine généreuse créatrice de « la Gauche » (vraiment de gauche) en Allemagne, et à Jean-Luc (MélEnchon) l’idée de s’en inspirer… en invitant Oskar le Sarrois (au demeurant excellent francophone et, je crois savoir, francophile) sur les fonts baptismaux du … Parti de Gauche.
Pour un supposé (davantage que réputé… européen ?) « germanophobe », c’est pas très … laïque (euh… franchouillard).
Allons, rions un peu, déridons-nous (Jacques) … et ne « déconstruisons » pas tout ; surtout pas l’une des forces (réellement) de gauche, « internationaliste » … quoique républicaine, écologiste au même titre les grünen, souvent davantage « fundis » que « socialistes » ceux-là, et là, en général, cela ne sent pas le vert mais tire plutôt vers le marron !
Faut pas se tromper de cible … mais peut-être M. Daniel Muringer ne s’était-il pas trompé ? Et avait-il bien ciblé celui qu’il voulait avant tout … dézinguer ?
Visiblement Oskar Lafontaine ne partage pas l’avis de M. Muringer…
La suprématie allemande en Europe
OSKAR LAFONTAINE *
Jean-Luc Mélenchon, le fondateur du Parti de Gauche, a écrit un pamphlet intitulé « Le hareng de Bismarck ». Il est dirigé contre la suprématie allemande en Europe et la reprise par le Président français François Hollande et Manuel Valls, le chef du gouvernement, de la politique de « l’Agenda 2010 » de Gerhard Schröder.
Comme cette « politique réformatrice » de Schröder n’était pas un produit de la social-démocratie mais consistait en la reprise du programme du patronat allemand par un Chancelier social-démocrate, la polémique que lance Mélenchon vise dans les faits à dénoncer la mise en place, en France, de ce programme du patronat allemand.
Son exposé est convaincant. Ce programme ne marche qu’aux dépends des autres et seulement si les autres pays européens ne l’adoptent pas non plus. Cela est si simple et si logique que l’on ne peut que se demander pourquoi la Chancelière allemande, son Ministre des Finances et son partenaire de coalition ne l’ont toujours pas compris. Tous les pays européens ne peuvent pas avoir des exportations excédentaires, c’est-à-dire produire plus que ce qu’ils consomment. Ou, encore plus simple : tous les pays ne peuvent pas détenir en même temps le record des exportations.
Pour illustrer ce qui s’est passé en France Mélenchon raconte une visite de François Hollande à Angela Merkel en mai 2014. Le Président français reçut en présent à Stralsund un petit tonneau de harengs de Bismarck. Du reste, le Spiegel avait noté l’impair : « François Hollande pourrait tout à fait comprendre ce tonneau comme une mesquinerie de la part d’Angela Merkel. Le Chancelier prussien, qui laissa son nom en 1871 à un poissonnier du coin pour ses poissons confits, était un ennemi terrible des Français. » Porté par une fièvre toute nationale le Spiegel poursuit : « Comme aux temps de Bismarck la France lutte contre son infériorité face à son voisin de l’Est… Et comme à l’époque c’est un Chancelier surnommé « d’airain » qui gouverne à Berlin. »
Pour Mélenchon, Bismarck a agressé la France. Après la victoire il fit couronner l’Empereur allemand dans la galerie des glaces de Versailles. Jusqu’aujourd’hui les Français n’ont pas oublié cette humiliation. Le fondateur du Parti de Gauche nomme ce hareng de Bismarck un « message sicilien ». Quand la mafia envoyait à quelqu’un un poisson cela signifiait qu’une personne avait été « envoyée chez les poissons », c’est-à-dire tuée.
Selon Mélenchon ce sont la démocratie européenne et les valeurs fondamentales de la Révolution française, Liberté, Égalité, Fraternité qui ont été envoyés chez les poissons par la suprématie allemande.
Merkel n’a certainement pas voulu envoyer un message sicilien. Elle n’est pas si méchante ni si sournoise. Mais le fait qu’elle ait offert le même présent au Président français qu’à George W. Bush et Vladimir Poutine montre en réalité à quel point la politique et la culture françaises lui sont encore étrangères.
Lorsque Mitterrand, Thatcher et Andreotti s’opposaient à la réunification allemande c’était la suprématie de la grande Allemagne qu’ils visaient, une suprématie qui selon eux mettrait en danger le processus d’unité en Europe.
George Bush, le Président américain, n’avait lui rien à y redire. Au contraire, il exigeait de l’Allemagne un « partnership in leadership ». Il prônait ainsi une domination allemande en Europe, bien en accord avec la stratégie mondiale américaine.
Tant que les Allemands joueront aux vassaux de la puissance mondiale des États-Unis – il suffit ici de penser au comportement de Merkel dans le scandale de la NSA – la mise en garde de Mélenchon : « l’impérialisme allemand est de retour » ne menacera pas la seule puissance mondiale restante.
Le pamphlet de Mélenchon ne peut pas être expédié comme une critique exagérée du gouvernement allemand par un homme de gauche français. Dans la nécrologie en hommage à son collègue Ulrich Beck, le sociologue anglais Anthony Giddens écrivait : « Thomas Mann avait conclu, comme on le sait suite aux deux guerres mondiales, qu’il fallait que l’intégration européenne débouche sur une Allemagne européenne, en aucun cas sur une Europe allemande. Mais la crise de l’euro a précisément produit cette Europe allemande. Angela Merkel est de facto la Présidente de l’UE. On ne peut pour ainsi dire rien faire passer contre elle, la République fédérale définit les règles pour le reste de l’Union. Mais comme l’hégémonie de l’Allemagne n’a pas de légitimité immédiate Merkel tente de la dissimuler. Elle est devenue, comme l’avance Beck, une « Merkiavelli » qui cache habilement son influence de dominante – ce qui débouche finalement sur de la tromperie. Elle prétend mener le sauvetage de l’Europe mais seule est autorisée la politique passée au prisme de la pensée économique allemande.
Nous sommes bien loin de la stabilisation de l’euro, ne serait-ce que parce que l’Allemagne n’autorise pas la condition nécessaire à cela, savoir une intégration fiscale et économique plus grande de l’Eurozone. Au lieu de cela on impose aux pays du Sud une politique d’austérité sans même préserver un semblant d’approbation démocratique. Le résultat en est que le centre politique s’effondre dans ces pays encore plus vite que dans d’autres.
C’est pourquoi Beck appelait de ses vœux un nouveau contrat social pour l’Europe. Ce qui signifie en dernière instance une révolte contre la domination allemande. La politique économique devrait miser plus fortement sur des investissements, la protection sociale devrait être étendue en Europe. Les pays plus riches devraient s’engager pour ceux qui souffrent de la crise. »
Si l’on confronte les analyses de ces deux célèbres sociologues avec la phrase de Merkel : « Si l’euro meurt c’est l’Europe qui meurt » alors on voit bien toute l’ampleur de l’échec de sa politique européenne. En effet, nous sommes bien loin de la stabilisation de l’euro. Mélenchon n’oublie pas de noter combien entre-temps les Allemands se montrent arrogants en Europe. Lorsqu’on disait au moment de l’introduction de l’euro : « L’euro parle allemand » on entendait peut-être encore rassurer les citoyens allemands se souciant de la stabilité monétaire. Déjà à l’époque les autres pays européens n’aimaient pas cette musique. Mais lorsque Volker Kauder, président du groupe parlementaire de la CDU/CSU au Parlement allemand, dit au Congrès de la CDU à Leipzig, dix ans plus tard : « maintenant voilà qu’en Europe on parle allemand » on pouvait alors tâter à nouveau de la vieille folie des grandeurs allemande. En avril dernier, dans une réunion à Washington, Wolfgang Schäuble fustigeait le manque de volonté de réforme de l’Assemblée nationale française et disait : « la France pourrait s’estimer heureuse si quelqu’un contraignait le Parlement, mais c’est difficile, c’est comme ça la démocratie. » Le Premier Secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis reprocha au Ministre allemand des finances une « francophobie intolérable, inacceptable et contre-productive ». Le ton de l’indignation du chef de fil des socialistes n’est guère différent de celui de Mélenchon : « l’Allemagne est à nouveau un danger. Le modèle qu’elle impose aux États européens est un recul pour notre civilisation. »
Il n’oublie pas de souligner que le modèle économique allemand des néo-libéraux est loin d’être aussi couronné de succès que ses propagandistes veulent nous le faire croire. Si l’on compte sur plusieurs années, la croissance française est supérieure à la croissance allemande. Cela vaut aussi pour les gains de productivité. Les plaintes de Merkel quant aux longues vacances et aux retraites précoces des Européens du Sud se heurtent à une fin de non-recevoir dénuée de toute compréhension. Mélenchon fait ainsi remarquer d’un ton railleur que ces « fainéants » de Grecs, d’Espagnols et de Portugais ont moins de vacances que ces travailleurs d’Allemands et qu’Espagnols et Portugais partent plus tard en retraite.
L’Allemagne a, nous dit notre combatif député européen, le moins de naissances et la part de la population âgée la plus haute en Europe. Et c’est ce modèle que la France devrait suivre ?
Dans la pollution de l’air et dans la production de déchets l’Allemagne est aussi en tête et empêche, sur ordre de l’industrie automobile, des niveaux d’émission de gaz d’échappement plus bas et, sur ordre de l’industrie chimique, des directives écologiques au niveau européen.
Il va de soi que Jean-Luc Mélenchon en veut particulièrement à la politique sociale allemande. Il souhaiterait éviter à tout prix en France des baisses de salaires et de retraites selon le modèle allemand. La précarisation du travail avec des bas salaires, des contrats de travail à durée déterminée, des contrats à la pièce, du travail intérimaire et des mini-jobs ne peut servir de modèle à Paris. En France le marché du travail n’est pas encore, et de loin, aussi bousillé qu’en Allemagne. Cela fait longtemps qu’il y a là-bas un salaire minimum, supérieur à celui du voisin de l’Est.
On peut reconnaître l’avancée de la soumission au paradigme néo-libéral en Allemagne à la réponse donnée à un sondage pour le Handelsblatt où la majorité des managers allemands exigeait un salaire minimum supérieur à ce que réclamaient la DGB et les sociaux-démocrates.
Mélenchon pour appuyer sa critique s’en réfère à Arnaud Montebourg, Ministre socialiste démissionnaire. En 2011 celui-ci déclarait : « Madame Merkel est elle-même en train de tuer l’euro… et c’est sur notre ruine que l’Allemagne veut faire fortune… Le moment est venu maintenant d’assumer la confrontation politique face à l’Allemagne. » Le Président socialiste de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, s’exprima de manière similaire. Bien qu’ils prétendent avoir à coeur de travailler en commun avec la France Merkel et Schäuble ne se montrent guère impressionnés jusqu’à présent par tout ceci. Les sociaux-démocrates allemands eux non plus ne font rien pour mettre un terme à la politique austéritaire en Europe. Il est trop tentant de mettre à genoux Syriza et d’étouffer dans l’oeuf l’arrivée d’une concurrence à gauche – que l’on pense ici à Podemos en Espagne.
La discorde grandissante avec la France est dangereuse. Si la politique allemande, reportée sur le dos des voisins par du dumping social et salarial, porte Marine Le Pen au pouvoir, alors le progrès de l’unification européenne sera stoppé pour longtemps.
Die Linke aussi, seul parti à porter la voix d’une autre politique européenne au Parlement allemand, doit continuer le débat. Si Merkel et Schäuble, associés à Gabriel mettent à genoux Syriza ce ne sera pas seulement un lourd recul pour la démocratie européenne et l’état social européen mais aussi pour toute la gauche politique en Europe.
Confrontés au blocage néo-libéral Tsipras et Varoufakis cherchent une issue. Ils ont invité à Athènes l’ancien économiste en chef de la Deutsche Bank, Thomas Mayer. En 2012 il avait fait la proposition d’une monnaie parallèle à l’euro, un euro grec ou Geuro. Il y avait là l’idée que la Grèce ne peut pas s’en sortir économiquement avec un euro fort ni ne peut s’endetter à nouveau parce qu’elle n’a pas le droit d’imprimer des euros. Le bloc néo-libéral européen auquel Mélenchon joint aussi les partis sociaux-démocrates et socialistes au pouvoir fait tout pour faire échouer la gauche en Grèce. Mais les grands airs des politiciens de l’austérité ne trompent pas : le système monétaire actuel ne fonctionne pas. Leur politique a enfoncé toujours plus profond l’Europe dans la crise. Même si, comme moi, on ne pense pas que la proposition de l’ancien chef économiste de la Deutsche Bank, Thomas Mayer, soit suffisante, personne ne peut en définitive passer outre le débat sur un nouvel ordre monétaire européen. La compétitivité tant vantée des diverses économies nationales ne peut pas constamment être produite sur des baisses de salaires et de retraites et sur la destruction des conventions collectives et des protections du droit du travail. Je me demande pourquoi le gouvernement grec a encore besoin des crédits qui n’ont été introduits que pour sauver les banques. La plus grande flexibilité qui s’impose dans le système monétaire européen et qui laissera à nouveau la possibilité de dévaluer a besoin comme cadre et comme partenaire coopérant de la Banque Centrale Européenne. En clair : la BCE peut sans problème diriger le cours de monnaies nationales, par exemple le cours du Geuro. On régulerait la dévaluation devenue nécessaire et on éviterait ainsi la chute tant crainte d’une monnaie faible. Bien entendu, comme l’a montré l’exemple de Chypre, des mesures de contrôle des capitaux sont inévitables. Dans la question monétaire Mélenchon renvoie à la discussion déclenchée il y a quelques temps par l’Allemagne à propos d’un euro du Sud, sans se positionner clairement. Die Linke ne devrait pas se soustraire à une telle discussion en renvoyant comme jusqu’à présent aux exportations allemandes. Le nationalisme de l’exportation sur le dos des voisins ne peut trouver l’assentiment d’un parti de gauche. Les questions monétaires sont connues pour être difficiles et aussi bien dans le cas de l’union monétaire lors de la réunification que lors de l’introduction de l’euro, les responsables ne se sont pas couverts de gloire. Indépendamment des différents modèles mis en discussion une chose devrait être claire : l’euro ne devrait pas parler allemand mais européen.
Oskar Lafontaine
* Oskar Lafontaine est membre fondateur et ancien coprésident de Die Linke.
Je n’ai moi-même pas lu le livre de JLM, mais je vous fait part de la chronique de Francis Wurtz dans l’Humanité Dimanche qui lui, l’a lu:
Francis Wurtz : « Et si nous parlions (aussi) de l’Allemagne que nous aimons ? »
« Ceci est un pamphlet. Pas un ouvrage savant. Le ton et le style sont ceux de la polémique. Mon but est de percer le blindage cotonneux des béatitudes et des langueurs de tant de commentateurs hypnotisés par l’Allemagne. » L’avertissement de Jean-Luc Mélenchon aux lecteurs de son dernier livre suffira-t-il à dissiper tout malaise auprès de ceux qui, sans être assimilables à des « germanolâtres », ne voient pas dans notre voisin un pays intrinsèquement pervers, « nécrosé par le vieillissement accéléré de sa population » ? (1) Pour ma part, je suis le dernier à m’offusquer d’une critique radicale de l’anti-modèle Merkel- Schäuble, aussi dévoué aux marchés qu’intraitable et méprisant envers les peuples! J’ai ici même exprimé tout le bien que je pensais d’un ouvrage qui mettait à nu « l’imposture » que représentait la campagne sur le thème du « modèle allemand » (2) – ouvrage du reste abondamment cité dans le livre de Mélenchon. Plusieurs de mes « chroniques » (3) récentes dans l ’« HD » s’inscrivent tout naturellement dans cette dénonciation du problème fondamental que représentent pour toute l’Europe la classe dirigeante allemande, son pouvoir tentaculaire, son ambition dominatrice et son idéologie dangereuse pour la démocratie. Je me retrouve donc pleinement dans les rappels que fait le parlementaire européen du Front de gauche au sujet du démantèlement systématique des conquêtes sociales des salariés allemands par l’ex-chancelier socialdémocrate Schröder, véritable marchepied providentiel pour l’offensive austéritaire du gouvernement Merkel à l’échelle de toute l’Union européenne. Tout aussi pertinente me semble être la volonté de l’auteur de déchirer le voile « écologiste » d’une politique économique et énergétique au bilan environnemental déplorable. Je partage, ô combien, son indignation devant l’insupportable arrogance et la volonté d’humilier du pouvoir allemand, hier face au peuple de RDA (oui, ce fut une « annexion »!), aujourd’hui vis-à-vis du peuple grec et de l’Europe du Sud en général. D’accord aussi pour souligner et dénoncer l’atlantisme forcené de la chancelière, tant sur le plan commercial – comme en témoigne son engagement militant en faveur d’un « grand marché transatlantique » (TAFTA) – que dans le domaine stratégique, quitte à entretenir des tensions avec la Russie, très préjudiciables à la sécurité du continent.
En revanche, je regrette le fil rouge qui traverse le livre et qui fait de « l’Allemagne », sans distinction d’époque, de classe ou de sensibilité, un repoussoir dangereux, avec « les maisons de retraite (comme) nouveau projet de civilisation »… Je préfère, loin de toute outrance, qui ne favorise pas la réflexion, que nous parlions aussi de l’Allemagne que nous aimons.
De l’apport positif de Die Linke à la vie politique allemande; de la solidarité appuyée du président de la Fédération des syndicats, la DGB, avec Syriza en Grèce; de l’opposition massive de l’opinion allemande au TAFTA ; de la force des mouvements de paix outre-Rhin qui avaient poussé Schröder lui-même à refuser de suivre Bush dans son aventure irakienne … Je salue chaleureusement nos amis allemands. La chronique de Francis Wurtz*.
Accident « technique », je poursuis.
Eh bien je constate que Francis Wurtz, lui aussi et après Oskar Lafontaine, recommande la lecture du « Hareng de Bismark », ne serait-ce que pour « sa critique radicale de l’anti-modèle Merkel- Schäuble, aussi dévoué aux marchés qu’intraitable et méprisant envers les peuples », pour la pertinence du déchirement « de ce voile [idéologique autant qu’] écologiste » masquant mal un modèle productiviste (et consumériste !) « au bilan environnemental déplorable », ces « Allemands [qui] ont beau trier méthodiquement leurs déchets depuis 30 ans, ils continuent d’en produire plus que la plupart des pays européens : 250 kilos par habitant et par an, alors que les Français en produisent moins de 200 selon Eurostat. Mais cela ne l’a [l’Allemagne] jamais empêchée d’être pendant longtemps le premier pays exportateur mondial de déchets [on ajoutera : aujourd’hui importateur d’électricité … dont nucléaire en provenance, notamment, de la France, suivez mon regard !]. Ces surplus elle les a d’abord volontiers expédiés vers l’est où personne n’était en état de se défendre. A cette heure, l’Allemagne est encore le premier exportateur européen de déchets électroniques vers l’Afrique. Des déchets qu’elle maquille le plus souvent comme des « produits d’occasion », alors qu’il s’agit d’objets ou de pièces hors d’usage. » (Cf. « Le Hareng… », op. cit. page 34, chapitre 1er, « Un antimodèle écologique »).
Et puis, si Francis Wurtz était allé disséquer l’ouvrage, il aurait constaté qu’au chapitre 3 (« Un modèle de maltraitance sociale »), c’est bien l’exploitation éhontée de « salariés abandonnés » que l’auteur dénonce (voilà le véritable « fil rouge » de l’ouvrage), dans une Allemagne d’aujourd’hui qui est « d’abord un océan de pauvreté [où] près de 16% de la population vit sous le seuil de pauvreté [soit] 13 millions de personnes. Car dans la riche Allemagne, les pauvres s’appauvrissent eux aussi. En 2012 on ne leur laissait plus que 1% de la richesse du pays. Pourtant ils ne partaient pas de bien haut. Ils n’en possédaient déjà que 3% en 2003. »
C’est cet écart entre la fortune croissante des riches et la misère des pauvres, (sur)alimentée par les « réformes » rétrogrades engagées dans le cadre de « l’agenda 2010 » dû au sinistre chancelier « social- démocrate » Schroeder (devenu « agent courtier gazier » de Gazprom) qui est mis en perspective par ce « pamphlet ». Et qui a effectivement pour conséquence de pousser dans la pauvreté une proportion croissante de « vieux » allemands, qui ne bénéficient plus des protections de ce qui était le modèle social aujourd’hui « démantelé par ceux-là même qui l’avaient inventé au cours du XXe siècle: les sociaux démocrates » (page 71). Et qui fait que « faute de structures publiques, les coûts de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont déjà hors de portée pour au moins 400000 retraités! (page 61). « Certaines familles allemande embauchent donc à bas coût des personnes venues d’Europe de l’Est pour s’occuper de leurs anciens. Mais d’autres vont plus loin. Leur solution ? […] En 2011 plus de 7000 Allemands vivaient dans des maisons de retraite en Hongrie, 3000 en république tchèque et près d’un millier en Slovaquie » (page 62) C’est bien ce qui émeut Ulrike Mascher, présidente de l’Association sociale d’Allemagne-VdK, qui dénonçait en 2011 l’ingratitude du système allemand: « On ne peut tout simplement pas laisser ces personnes qui ont construit l’Allemagne telle qu’elle est aujourd’hui, être déportées ». (citée par J.L. Mélenchon, page 62). Ce n’est pas l’auteur qui utilise ce mot d’une brutalité extrême, mais cette femme allemande, présidente d’une association caritative ! Car oui, le « déclin démographique » de l’Allemagne est un fait incontestable, tout comme l’est son vieillissement accéléré du fait d’une forte baisse de la natalité que seule la forte natalité de l’ex RDA compensait partiellement, jusqu’en … 1990. L’indicateur conjoncturel de fécondité n’a été en 2012, en Allemagne, que de 1,38 enfant par femme, alors qu’en France il dépassait (de peu) les 2. Ceci explique également le faible taux de chômage des jeunes… dans une population qui en « produit » peu ! Mais un pays qui va peut-être devoir en « importer » beaucoup : d’Espagne, de Grèce, du Portugal, du Moyen-Orient, d’Afrique ? De toutes ces contrées d’Europe et du monde où les jeunes ne se vivent plus dans la moindre perspective optimiste, donc tentent de fuir.
Où est le cynisme ? Dans la dénonciation de ces liens pervers autant que douloureux ?
Doublement douloureux au demeurant : pour les jeunes obligés de fuir, et pour les familles de ces « vieux allemands » (enfin, allemandes surtout, car leur longévité y est aussi plus importante) obligées de se séparer de leurs ancien-es en les éloignant irrémédiablement de leur lieu de vie.
Et le phénomène va s’accentuer car toutes les projections démographiques indiquent que c’est vers 2040/50 que la population française va dépasser numériquement la population allemande (tout de même 13 millions d’écart aujourd’hui), sauf à trouver dans l’immigration massive vers l’Allemagne la solution à tous ses manques.
Et Mélenchon n’oublie pas le rôle fort positif du seul parti politique de gauche dans ce pays, en ce qu’il parvient tout de même à freiner ce mouvement général de dégradation des conditions des travailleurs allemands, y compris de ceux qui jusqu’ici étaient qualifiés de travailleurs « invités ».
Dans la quête effrénée du capital financier d’Allemagne « de toujours creuser l’écart [entre riches rentiers et pauvres travailleurs] pour maintenir le caractère déloyal de la compétition » [la résistance s’est organisée]. Ce fut encore le cas lorsque, sous la pression des syndicats et du parti de gauche Die linke, le gouvernement Meckel s’est résolu à imposer un salaire minimum par la loi. […] Il est entré en vigueur le 1er janvier 2015 […] Mais même rendue à ce point-là, l’Allemagne affiche son agressivité: le SMIC allemand est inférieur au SMIC français ! » (pages 70/71).
Oui, Francis Wurtz a raison, !
Il faut souligner « l’apport positif de Die Linke à la vie politique allemande; de la solidarité appuyée du président de la Fédération des syndicats, la DGB, avec Syriza en Grèce ».
Pas plus que la France, L’Allemagne n’est pas un pays politiquement monolithique. Jean-Luc Mélenchon l’exprime également ; mais il faut aller le chercher au fil des pages, ce que ne peut exprimer (en complexité) la seule « quatrième de couverture ».
Alors, pour qui est patient … et avide de connaissance, ce qu’est tout lecteur attentif … et critique… il saura trouver dans ce livre des informations qu’il a rarement l’occasion de percevoir et entendre. Dans un « pamphlet » qui reste, rappelons-le, un ouvrage « grand public », de lecture très aisée pour qui veut bien se laisser porter par le style un tantinet ironique et moqueur, il trouvera notamment une explication (rapide mais essentielle) de la doctrine philosophico-économico-juridique, à la véritable source d’inspiration de la doctrine économique et politique continuées des gouvernements allemands depuis au moins 1949. Mais une doctrine qui a déjà été forgée dès 1932, pas très loin de chez nous … puisque au sein de l’Université de Fribourg (en Brisgau).
Il s’agit de l’ordolibéralisme, doctrine fondé notamment par l’économiste Walter Eucken, continuée après guerre par Wilhelm Röpke qui fut l’un des professeurs influençant Ludwig Ehrardt, lui-même devenant chancelier en 1963.
Et puis tous se sont convertis à cette doctrine ordolibérale, qui a abouti à cette notion conceptuelle perverse de « concurrence libre et non faussée » qui émaille toutes les pages et paragraphes des traités européens, affichant en pendant le miroir aux alouettes d’une « économie sociale de marché », qui n’a plus rien de « sociale » mais … toute la contrainte négative du marché ! Une doctrine qui nous vaut également le dogme de la pseudo « indépendance » de la banque centrale(indépendante de qui ? Des intérêts du « capital financier », peut-être ?). De la Bundesbank tout d’abord, puis de son clone, la BCE.
Décidément, les arrêtes du hareng me restent au travers de la gorge !