L’Aprona, l’observatoire de la nappe d’Alsace (plus grande nappe phréatique française), a présenté il y a quelques semaines à Colmar les premiers résultats de l’état des lieux de la pollution pour 2023, dans une étude réalisée ’en partenariat avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et la Région Grand Est. Il constate une pollution manifeste aux pesticides et polluants éternels, sur un total de 671 points de mesure analysés.
Pour l’observatoire, les travaux de recherche appuient et complètent la surveillance réglementaire existante sur la ressource aquifère et ses usages. Il explore la présence de pollutions qui jusque alors n’étaient pas examinées, voire restaient insoupçonnées.
Pesticides et métabolites
Appliqués sur de grandes surfaces agricoles, les pesticides provoquent une contamination généralisée des masses d’eau
étudiées. La présence d’au moins un composé est détectée sur 98,1 % des points de mesures de la nappe d’Alsace.
Au regard des limites de potabilité, les taux de points dégradés en 2023 sont élevés : 39,9 % en nappe d’Alsace et 42,9 % pour
les aquifères du Sundgau.
Les herbicides et leurs métabolites (atrazine, S-métolachlore, chloridazone) utilisés anciennement ou actuellement sur les
grandes cultures (maïs, céréales, betterave) constituent la plus forte menace pour la qualité de l’eau.
Cela dit, une amélioration de la qualité de la nappe d’Alsace est constatée, avec une diminution de 18,5% du nombre de points
dépassant la limite de qualité pour l’eau potable.
En revanche, le nombre de points dégradés n’évolue pas entre 2016 et 2023 pour les aquifères du Sundgau, mais la situation se détériore
localement : 8,3% des points dépassent la limite de qualité pour l’eau brute.
PFAS ou polluants éternels
Ces polluants proviennent principalement de rejets industriels, des mousses servant à lutter contre les incendie et de la dégradation des pesticides.
Sur la nappe alsacienne, au moins un des 20 PFAS a été détecté sur 187 points de mesures (91,2 %). La plupart des points présentent des concentrations comprises entre la LQ et 0,09 μg/L. Près de 10 % des points de mesures ont des teneurs supérieures à la nouvelle limite de potabilité de 0,1 μg/L.
17 des 20 PFAS recherchés ont été quantifiés. 9 PFAS sont détectés sur plus de 20% des points. Le PFHxS est le plus occurent (75%).
A contrario, la situation dans le Sundgau contraste avec celle observée en nappe d’Alsace. Moins de la moitié des points (44%) sont contaminés par les PFAS. Aucun dépassement des limites de qualité pour l’eau potable n’est observé.
Les résultats 2023 sont très similaires à ceux du premier état des lieux réalisé en 2016. Le nombre de points contaminés reste du même ordre de grandeur, ainsi que les secteurs à concentrations élevées.
PFASNitrates
D’origine essentiellement agricole, les nitrates demeurent encore problématiques pour les eaux souterraines alsaciennes. En 2023, la limite de potabilité de 50 mg/L a été dépassée sur 12,2 % des points pour la nappe d’Alsace et 6,8 % pour les aquifères du Sundgau.
Cela dit, la situation globale s’améliore lentement en nappe d’Alsace : en 26 ans, le taux d’analyses au-dessus de la valeur guide (25 mg/L) a baissé de 45,7 à 33,2 %. Cependant, le taux de points dépassant le seuil de potabilité de 50 mg/L augmente légèrement depuis 2009 ; il est passé de 10,8% à 12,2%.
Pour les aquifères du Sundgau, l’amélioration entrevue en 2016 n’est pas confirmée, et ce, malgré une légère baisse, de 9,9% à 6,8%, du taux de points avec des teneurs qui excédent 50 mg/L.
En dépit de l’ampleur de la contamination aux PFAS, Philippe Schott, directeur de l’APRONA, se veut rassurant et indique que les concentrations restent faibles, généralement inférieures à 0,1 microgramme par litre. Quand pourtant l’on connait déjà des dépassements par endroits.
L’évolution future de ces concentrations reste à surveiller. D’autant que l’on cherche à faire accroire que l’eau de la nappe phréatique serait différente de l’eau potable distribuée dans les foyers, pour laquelle des dépassements n’auraient pas été observés.
Une distinction oiseuse à double titre, car d’une part on ne sait pas (ou très mal) filtrer les PFAS, et que par ailleurs les filtres de type charbons actifs (technique par adsorption) ne suffisent pas à filtrer les pesticides en général.
Voyez cette carte publiée par Le Monde en février 2023, et zoomez vers la France et l’Alsace, vous constaterez alors que toute la dorsale rhénane est particulièrement impactée (point rouge “contamination détectée”).
Pour autant, Frédéric Pfliegersdoerffer (Groupe de la Majorité Régionale – Les Républicains, Centristes et Indépendants), maire de Marckolsheim et conseiller régional et délégué pour l’eau de la région Grand Est, veut croire à une mobilisation pour préserver la qualité des eaux. Il souligne la nécessité d’aider le secteur agricole à adopter des pratiques agroécologiques et aborder les aspects industriels de la pollution.
Compte là-dessus et bois de l’eau fraîche
Pas vraiment convaincus par les promesses des politiques, les défenseurs de la nappe phréatique rhénane publient un communiqué sans ambiguïté au travers du collectif Destocamine, qui rassemble plus d’une dizaine d’associations et structures écologistes :
20241127-CP-suite-ERMES