Tout le monde le dit : la méga-région ACAL (l’acronyme officiel pour « Alsace Champagne-Ardenne Lorraine ») est un « machin » qui ne ressemble à rien. Une sorte de monstre institutionnel, un non-sens administratif décidé à Paris par un gouvernement qui a perdu le contact avec la population réelle. L’université d’été organisé ce samedi 29 août à Colmar par la Denkfabrik « Initiative Citoyenne Alsacienne 2010 » a permis à quelques partis politiques de s’exprimer sur la question. Surprise : tous regrettent mais (presque) tous s’y résignent !
Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées toute une journée pour réfléchir à l’avenir de l’Alsace. Des universitaires, des acteurs de la société civile, des citoyens et des représentants de quelques partis en lice pour les prochaines élections régionales.
Ces derniers partagent l’analyse des différents spécialistes (géographes, juristes, etc.) sur l’absurdité de cette méga-région :
Jean-Marc Riebel, des Verts, considère l’ACAL comme « un territoire impalpable, de Nogent-sur-Seine à Saint-Louis ».
Eric Straumann (UMP/LR) reconnait que la méga-région est incohérente et que n’est pas le périmètre adéquat pour faire des économies d’échelle.
Sylvain Waserman (Modem) estime que cette fusion va susciter une « regrettable perte de temps ».
Andrée Muchenbach (Unser Land) insiste sur le déni démocratie de cette fusion.
Une question s’élève alors de la salle : pourquoi alors les conseillers régionaux alsaciens n’ont-ils pas collectivement démissionné pour protester contre ce coup de force ? Cela aurait créé un électrochoc dans l’opinion régionale et nationale !
Réponse très « tactique » d’Eric Straumann : « les conseillers PS seraient restés et c’était risqué : des élections partielles sont toujours difficiles et elles auraient profité au FN ».
(Pour mémoire, les conseillers UMP sont 28 sur 47 au Conseil Régional, leur démission aurait suffi à créer « l’électrochoc » demandé. Les écolos auraient peut-être suivi, qui sait ?).
En fait, les « partis traditionnels » ne s’opposent pas vraiment à cette réforme. Ils ont déjà les yeux rivés sur les mandats et les postes. Chacun prétend gérer la méga-région telle qu’elle a été imposée.
Les Verts, dans leur plus belle langue technocratique, assurent qu’ils feront de beaux SRADT, SCOT et de magnifiques inter-SCOT pour aménager ce vaste territoire.
L’UMP/LR sent bien la grogne de la base et multiplie les vagues promesses en évoquant un scénario « à la Corse » (une fusion des collectivités territoriales) sans trop donner de précisions. La substance du message est « votez pour nous et tout ira bien pour vous ». On voit cependant mal Philippe Richert remettre en cause une méga-région dont il se voit déjà président…
Le Modem, un peu comme les Verts mais version « chef d’entreprise responsable et pragmatique », promet une bonne gouvernance et de faire de la nouvelle région un « capitaine d’industrie ». Rien de moins…
Seul Unser Land rappelle l’histoire et la culture spécifiques de l’Alsace et ouvre des perspectives politiques qui ne se limitent pas au débat sur « l’aménagement du territoire », « le développement économique » ou « la compétition internationale entre les régions ». Voyez-vous, une région, celle que nous partageons, c’est aussi du cœur, du sentiment, des attachements et une certaine manière d’être, qui ne peut pas fusionner au doigt et à l’œil de Paris, sous prétexte d’avoir la bonne « taille critique ».
Pour Unser Land qui défend une vraie autonomie des régions, il n’est pas possible d’accepter une ACAL qui n’a aucune cohérence, aucune identité. Il faut donc défaire au plus vite, par référendum, ce machin institutionnel qui ne fera que renforcer la technocratie et le centralisme.
Le gouvernement, par ces innovations institutionnelles hâtives, a joué au docteur Frankenstein. On voudrait dégoûter les citoyens et citoyennes de la politique, on ne s’y prendrait pas autrement. Reste à savoir dans cette affaire qui aura le dernier mot : les professionnels de la politique ou la population ? Réponse le 6 décembre prochain, à l’issue du premier tour des élections régionales.
Vincent Goulet
Pour en savoir plus sur Initiative Citoyenne Alsacienne 2010 :
http://sursautalsacien.ica2010.fr/