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Accom­pa­gné de deux ministres E. Macron et M. El Khom­ri, Manuel Valls est venu faire la pro­mo­tion des pro­jets de loi qu’il veut faire pas­ser de gré ou de force à l’assemblée natio­nale dans les pro­chaines semaines.
La très contes­tée réforme du code du tra­vail est au centre de son dis­cours. « Il y a ceux qui sont encore au XIXe siècle. Nous nous sommes au XXIe siècle » dit Manuel Valls. En somme, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont des « attar­dés du XIXe siècle ». Arro­gance quand tu nous tiens…
En deux jours, une péti­tion dénon­çant ce texte qui affai­bli­ra le droit des sala­riés, qui veut mar­gi­na­li­ser voire occul­ter le rôle des syn­di­cats, a déjà recueilli plus de 200.000 signatures.(337 283 à l’heure de la mise en ligne). Tous des « attar­dés » du XIXe siècle sans doute. Et cela conti­nue sur

Péti­tion loi tra­vail non merci !

La délé­ga­tion gou­ver­ne­men­tale a donc fait sa tour­née dans le Haut-Rhin, flan­quée du pré­sident de la Grande Région, M. Richert et du pré­sident du Conseil dépar­te­men­tal M. Strau­mann celui qui a défrayé la chro­nique en pro­po­sant un ser­vice du tra­vail obli­ga­toire pour les béné­fi­ciaires du RSA. Un tour à l’usine Sol­vay de Cha­lam­pé, un autre au Pôle Emploi Drouot à Mul­house puis une étape à Cer­nay et fin de l’escapade alsa­cienne. A quoi cela a‑t-il bien pu ser­vir, à part faire le tra­vail de pro­pa­gande de la poli­tique gouvernementale ?

La colère qui s’exprime…

Cela a per­mis à la popu­la­tion d’exprimer sa colère et son oppo­si­tion à ce pro­jet de révi­sion du code du tra­vail mais plus lar­ge­ment à la poli­tique sociale du gou­ver­ne­ment. Et à mettre en place des comi­tés d’accueil déterminés.

Cela a com­men­cé à l’usine Sol­vay, à Cha­lam­pé : le Syn­di­cat CGT dis­tri­buait un tract cor­ro­sif pas­ti­chant la com­mu­ni­ca­tion gou­ver­ne­men­tale sur le plan Vigi­pi­rate. « Ces trois indi­vi­dus (les ministres dont les pho­tos s’étalaient sur le tract) défa­vo­ra­ble­ment connus des orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont été signa­lés aux abords du site (de l’usine). Récem­ment radi­ca­li­sés, ils auraient déci­dé de s’en prendre direc­te­ment au droit du tra­vail…, etc. ». Sous une forme moins sou­riante, le délé­gué syn­di­cal CGT inter­pe­la M. Valls en lui bran­dis­sant les 200.000 signa­tures de la péti­tion. Nou­velle arro­gance du Pre­mier Ministre dédai­gnant le cadeau et dénon­çant les « men­songes » de la péti­tion. Fin du pre­mier round.

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Seconde reprise : devant le Pôle Emploi quelques deux cents per­sonnes se réunissent vers 14 h. Des repré­sen­tants d’association de chô­meurs, de fortes délé­ga­tions de la CGT et de la CFTC, s’amassaient peu à peu dans une ambiance bon enfant.

Et la police réprime…

Mais déci­dé­ment, nos ministres sont aller­giques à la pré­sence popu­laire ! Sou­dain débarquent une bonne cen­taine de CRS, gen­darmes, cas­qués et bot­tés, style « état d’urgence »… Déjà à l’arrivée des pre­miers mani­fes­tants, des poli­ciers en civils se dis­tin­guaient : contrôle de papier des pre­miers arri­vants, inter­dic­tion d’accéder au par­king Lidl en face de Pôle emploi, inti­mi­da­tion et confis­ca­tion des tracts qui devaient être dis­tri­bués aux mani­fes­tants, enlè­ve­ment d’une ban­de­role dont le titre sub­ver­sif « Mou­ve­ment des Chô­meurs et Pré­caires » (seule ins­crip­tion lisible) ris­quait de per­tur­ber les visi­teurs du jour…

Un des contrô­lés nous confiait : « Je suis arri­vé tran­quille­ment et un poli­cier en civil a vou­lu contrô­ler mes papiers, véri­fier ma carte bleue ( !), et devant mes pro­tes­ta­tions, il me répon­dit : « vous n’aviez qu’à voter autre­ment ». Et de conclure : « Il est inter­dit de se pro­me­ner sur ce parking» !

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Le mode opé­ra­toire chan­gea devant la foule qui s’amassait peu à peu : sor­tant matraques et bou­cliers, jam­bières et épau­lettes style Star War, comme dégui­se­ment, armé de flash ball et bombes lacry­mo­gènes de la taille d’un extinc­teur, les cou­ra­geux poli­ciers entre­prirent d’évacuer la place et de pous­ser sans ména­ge­ment les mani­fes­tants vers le fond du par­king. Suf­fi­sam­ment loin des yeux et des oreilles de la délé­ga­tion minis­té­rielle bun­ké­ri­sée dans les locaux de Pôle emploi.

Entre temps des mani­fes­tants étaient repar­tis, res­taient une cin­quan­taine d’irréductibles inter­dits de sor­tir du péri­mètre éri­gée par au moins une cen­taine de gen­darmes et CRS par­fois eux-mêmes décontenancés.

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Les choses auraient pu en res­ter là si nous n’avions pas appris qu’à la fin de la mani­fes­ta­tion, un mili­tant retrai­té de Peu­geot a été embar­qué au poste car il était « un peu insul­tant à l’égard de la police »… De quoi désta­bi­li­ser la République ?

Pour le reste, ce déploie­ment de force était tout sim­ple­ment gro­tesque et on se demande com­ment le gou­ver­ne­ment fera quand ce ne seront plus 200 mani­fes­tants mais 20.000 qui accueille­ront la pro­chaine délé­ga­tion du gouvernement !

Une mani­fes­ta­tion qui en appelle d’autres

Pour avoir connu les mai­gre­lets ras­sem­ble­ments durant les der­niers mois dans notre ville, la mani­fes­ta­tion d’hier semble amor­cer une ère nou­velle. Les orga­ni­sa­teurs en sont persuadés.

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André Bar­noin, du Mou­ve­ment des chô­meurs et pré­caires : « Notre appel a été enten­du. Je me réjouis de la pré­sence de la CGT et de la CFTC, nous construi­sons une conver­gence entre le mou­ve­ment asso­cia­tif et le syndicalisme ».

Noëlle Casa­no­va, pour la Ligue des Droit de l’Homme : « Enfin, les gens se réveillent ! Mal­gré l’état d’urgence qui vise à inti­mi­der la popu­la­tion, une mani­fes­ta­tion a pu se construire en quelques heures. Comme s’il y avait une attente ! J’assiste avec satis­fac­tion au début d’un mou­ve­ment com­mun entre asso­cia­tions et syndicats ».

Arnaud Antoine, CGT : « Nous sommes très satis­faits de la par­ti­ci­pa­tion compte tenu du peu de temps que nous avons eu pour nous orga­ni­ser. Nous dénon­çons ici tout autant la mise en cause du code du tra­vail que les pro­po­si­tions scan­da­leuses de M. Strau­mann sur le RSA. La pré­sence de la CFTC est un signe très inté­res­sant. Nous relayons éga­le­ment ici l’appel de notre Confé­dé­ra­tion pour une réunion Inter­syn­di­cale sur la riposte à la remise en cause du Code du Tra­vail ». Rap­pe­lons que mar­di 23 février, neuf syn­di­cats se retrouvent pour envi­sa­ger des actions com­munes : pre­mière ren­contre de ce type depuis 2013…

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Claude Got­tar­di, secré­taire adjoint régio­nal de la CFTC : « Nous sommes là car cette loi sur le code du tra­vail est tota­le­ment inac­cep­table. Ce n’est pas en rédui­sant les droits que des emplois se crée­ront. Nous dénon­çons éga­le­ment la remise en cause du régime com­plé­men­taire d’assurance-maladie Alsace-Moselle. Nous assis­tons à une offen­sive contre tout ce qui relève de la soli­da­ri­té. Je fais éga­le­ment le lien avec les négo­cia­tions sur l’accord trans­at­lan­tique (TAFTA) qui veut liqui­der des acquis sociaux au nom de la concurrence ».

Les par­tis poli­tiques de gauche étaient éga­le­ment présents.

Une décla­ra­tion de la secré­taire de la sec­tion mul­hou­sienne du PS, Nadia El Haj­ja­ji avait fait sen­sa­tion à la télé­vi­sion : elle dénon­çait le fond et la forme de la réforme du code du tra­vail et un « tweet » éma­nant de la même sec­tion avait fait le buzz. Il pro­po­sait ni plus ni moins à Mme El Khom­ri de prendre sa carte… chez les Répu­bli­cains en lui com­mu­ni­quant l’adresse du par­ti de M. Sar­ko­zy ! Un jeune socia­liste, Med­hi Ben Abdal­lah, expli­quait ain­si sa pré­sence à la mani­fes­ta­tion : « Nous contes­tons le texte défen­du par M. El Khom­ri qui est injuste et contre­pro­duc­tif. La sec­tion de Mul­house du PS est en rup­ture avec le gou­ver­ne­ment et est réso­lu­ment dans le camp de la contestation ».

Aline Par­men­tier, pour le Par­ti Com­mu­niste fran­çais par­ti­cu­liè­re­ment pré­sent et visible par­mi les mani­fes­tants : « La par­ti­ci­pa­tion ? Bien pour une lun­di après-midi jour de tra­vail, mais nous ferons mieux la pro­chaine fois ! Il est scan­da­leux de nous relé­guer au fond d’un par­king pour que les ministres ne nous voient pas, ni ne nous entendent ! Il faut conti­nuer à se mobi­li­ser car nous recu­lons socia­le­ment d’un siècle. La jeu­nesse doit com­prendre que tout ce que nous avons sur le plan social n’est pas tom­bé du ciel, c’est le fruit de décen­nies de luttes. Il ne faut pas lais­ser bra­der cet héri­tage ! La poli­tique de ce gou­ver­ne­ment donne une image néga­tive de la poli­tique et nom­breux élec­teurs de Hol­lande refusent de refaire le même choix aux pro­chaines élec­tions. (…) Si les choses com­mencent à bou­ger au sein du PS c’est une bonne chose, mais il faut aller plus loin et plus vite. »

Fran­çoise Ruch, pour le Nou­veau Par­ti Anti­ca­pi­ta­liste : « C’est une belle mani­fes­ta­tion. La répres­sion, nous la connais­sons avec les attaques contre des mili­tants syn­di­caux. Nous appe­lons à la créa­tion d’un comi­té de sou­tien pour les délé­gués CGT de Goo­dyear condam­nés à de la pri­son ferme pour avoir défen­du leur emploi. C’est un retour au XIXe siècle ».

Julien Wos­tyn de Lutte Ouvrière : « Ce pre­mier ras­sem­ble­ment en appelle d’autres. Les sala­riés subissent des attaques qu’ils n’ont pas connues depuis des décen­nies. C’est le monde du tra­vail, en se mobi­li­sant, qui peut faire ces­ser cela. La classe ouvrière a tou­jours dû se battre pour gagner ou pré­ser­ver des droits. Il ne fau­drait pas que les syn­di­cats et les par­tis appellent à des mani­fes­ta­tions épi­so­diques : il faut per­sé­vé­rer pour main­te­nir un rap­port de force permanent ».

Un peu plus loin, un dra­peau rouge et blanc (cou­leurs du dra­peau alsa­cien), avec une ins­crip­tion « Widers­tand » (résis­tance), flotte au vent. Ils sont trois de l’organisation « Elsass Frei » essen­tiel­le­ment pré­sents pour pro­tes­ter contre la grande région. Le Code du tra­vail n’est pas leur sou­ci immé­diat mais le risque pesant sur le régime com­plé­men­taire d’assurance mala­die Alsace-Moselle les intéresse.

Et main­te­nant…

De nom­breuses ini­tia­tives se construisent d’une manière un peu éparse : dans le mou­ve­ment asso­cia­tif (sur­tout contre la pro­po­si­tion de ser­vice béné­vole obli­ga­toire de M. Strau­mann mais éga­le­ment sur les ques­tions envi­ron­ne­men­tales), dans le mou­ve­ment syn­di­cal, dans les par­tis poli­tiques qui auraient tort de n’avoir les yeux rivés que sur les échéances élec­to­rales à venir. L’urgence sociale est d’une brû­lante actua­li­té et ne peut attendre.

Ces trois mondes devraient se retrou­ver. Ce fut un peu le cas ce lun­di 22. Mais il a aus­si fal­lu comp­ter les absents… Il fau­dra bien plus pour faire recu­ler ces mul­tiples ten­ta­tives de remise en cause de conquêtes sociales si dure­ment acquises.

Et son­ger à ce que devraient être les garan­ties sociales dans le monde du tra­vail de l’ère numé­rique. Comme le dirait un ami : « Le code du tra­vail du 21ème siècle vu par les syn­di­cats est-il disponible ? »

Pour l’heure, faire conver­ger la défense des droits des béné­fi­ciaires du RSA, ceux des sala­riés en géné­ral, est peut être la voie à pri­vi­lé­gier. Mais pour cela il fau­dra sur­mon­ter des diver­gences de toutes sortes et admettre que, dans la diver­si­té, ce qui ras­semble peut être plus fort que ce qui divise.

Michel Mul­ler

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