« Le SPD aurait pu stopper CETA, mais il n’a pas osé faire le pas. Et cela malgré des critiques fondées venant de ses propres rangs. Nous sommes déçus mais pas abattus, prêts pour mener de nouveaux combats. » Nous publions ici, traduit par nos propres soins, l’analyse faite par les organisateurs de la grande manifestation anti-CETA en Allemagne samedi 17 septembre à propos de la résolution du SPD ainsi que leurs perspectives pour empêcher l’approbation de cet accord.
La Commission d’éthique du SPD, des juristes, les Jusos (Jeunes socialistes), plusieurs Fédérations SPD des Länder (voir la photo de la responsable SPD du land de Bavière), la section « salariés » du parti, les « femmes du SPD » et de nombreuses sections du parti social-démocrate se sont exprimés clairement sur le fait que CETA dépasse la « ligne rouge » qui dérogerait aux principes que le SPD avait tracés dans son programme. Pourtant les délégués du congrès restreint du SPD ont approuvé la résolution de la direction du Pari approuvant la signature de l’accord avec le Canada.
A présent, le SPD demande que le texte de l’accord soit avalisé par le Conseil des Ministres. Et il demande même l’application provisoire de l’accord en excluant tout de même le chapitre sur la protection des investissements. Cette décision est décevante et est inacceptable. La direction du Parti de Sigmar Gabriel reconnaît pourtant que de grandes faiblesses caractérisent CETA. En procédant ainsi, le SPD lâche sans hésitation son seul moyen de pression efficace pour contraindre la Commission Européenne à renégocier l’accord.
A contrario, les sociaux-démocrates misent sur une stratégie dont on ne sait pas si elle veut corriger ne serait-ce qu’en marge, les problèmes que soulèvent CETA. Sur les investissements, les normes sociales, les services publics, le principe de précaution, les marchés publics, des améliorations devraient être apportés par des déclarations communes juridiquement contraignantes des USA et du Canada ainsi que par des résolutions du Parlement européen.
De cette manière, quelques problèmes que soulève le CETA pourraient être atténués. Mais on utilise le verbe « pourrait » au conditionnel ! Pour que de vagues améliorations esquissées deviennent réalité, il faudra surmonter plusieurs obstacles :
- Il est vrai que la Ministre du commerce canadienne Chrystia Freeland et la Commissaire au Commerce de l’UE Cecilia Malmström ont donné leur accord à l’élaboration d’une déclaration qui devrait clarifier certains points. Mais jusqu’à présent aucun texte n’a été présenté. Il est ainsi totalement impossible de savoir si ce papier n’aborde ne serait qu’un seul des problèmes du CETA qui devrait être rectifiés. D’ailleurs la position de Mme Malmström exclue d’entrée que soit abordé l’ensemble des points qui posent problèmes. Elle a déclaré à de maintes reprises que si des éclaircissements sont envisageables il n’y aura pas de modification à l’accord et qu’il n’y aura pas d’articles supplémentaires qui s’y ajouteront.
- Le Parlement Européen a effectivement le pouvoir de rejeter la totalité de l’accord ou d’exiger des corrections supplémentaires. La majorité libérale et conservatrice des députés au Parlement Européen rend plutôt improbable l’utilisation son pouvoir pour améliorer le texte. Il ne sert donc à rien que le SPD mette en avant des conditions qui doivent être satisfaites et qui permettraient aux députés sociaux-démocrates de voter le CETA.
- Si le Conseil des Ministres et le Parlement européen n’ont pas d’objections à formuler et approuvent l’application provisoire de l’accord (avant l’approbation des parlements nationaux, ndlr), il sera très difficile aux Parlements nationaux comme le Bundestag, de demander des éclaircissements supplémentaires. Ces demandes nécessiteraient l’accord du gouvernement canadien et ne deviendraient recevables qu’au terme du processus de ratification qui pourrait durer de nombreuses années ! Sur ce point également, la demande du SPD de consulter les Parlements nationaux et la société civile avant la ratification, ne changera rien.
Aucun doute : le SPD fédéral a abandonné les armes. A présent, nous ne pouvons plus compter sur leur position de rejet et nous devons continuer à lutter en d’autres lieux contre le CETA. Car malgré cela, nous pouvons encore empêcher l’application de ce dangereux accord. La force de notre mouvement a pu être mesurée samedi avec plus de 320.000 personnes dans les rues au niveau fédéral.
Si vous et les très nombreux autres soutiens de Campact veulent continuer votre engagement, nous pourrons stopper CETA. Voilà nos propositions pour les prochaines semaines et mois à venir :
- Après l’accord du conseil des ministres, CETA doit aussi être ratifié par le Parlement européen pour qu’il entre en vigueur. En étroite coopération avec nos partenaires européens, nous allons interpeller tous les députés européens allemands sur les dangers de l’accord et leur demander de le rejeter.
- En tant qu’accord mixte*, CETA doit également être ratifié par le Bundestag et le Bundesrat pour être définitivement applicable. Notre meilleure chance actuelle, est de bloquer le CETA au Bundesrat. Le parti « Vert » participe dans 10 des 16 gouvernements régionaux (Länder, ndlr) et après les élections de Berlin peut être dans 11. Presque partout, les Verts ont déclaré qu’ils ne voteront pas le CETA dans le Bundesrat. Mais pour l’instant, ceux du Bade-Wurtemberg, de Hesse et de Hambourg se défilent. Dans les prochains mois, nous devons nous assurer qu’eux aussi se positionnent contre CETA.
- Jusqu’à présent, la CSU et la CDU ont réussi à se soustraire du débat. La base de la CSU avant tout, composée de paysan, d’agriculteur anti-génétique, d’élus locaux, se sent menacée par le CETA. En organisant une consultation populaire, nous pouvons contraindre la direction CS du Land de Bavière, de rejeter le CETA dans le Bundesrat.
Comme vous pouvez le constater, nous avons de bonnes perspectives. Le combat contre CETA est de longue haleine pour nous tous. Cela pourrait encore durer des années pour que nous réussissions à stopper cet accord. Si nous restons mobilisés, nous y arriverons. Notre travail dépend de votre soutien. C’est pourquoi nous vous prions de populariser Campact dès maintenant pour nous renforcer dans la durée. Rien qu’avec un soutien de 5 euros par mois vous nous aideriez énormément.
Angelika Weber
*accord mixte : Dans le cas où la compétence est partagée avec les États membres, un accord doit être conclu à la fois par l’UE et par les États membres. Il s’agit alors d’un accord mixte auquel les États membres doivent donner leur accord. Le processus est alors plus complexe car, avant l’entrée en vigueur, il faut:
– un vote du Conseil européen
– un vote à la majorité du parlement européen;
– une validation par chacun des 28 (désormais, 27) pays de l’UE (soit par une ratification par les Parlements nationaux), soit par un référendum (si le gouvernement décide d’y recourir).
Pour tenter de raccourcir les délais, une manœuvre est en cours : décider d’appliquer « provisoirement le CETA » sans attendre la validation des parlements nationaux. Inutile de dire qu’aucun retour en arrière ne sera possible si cette entourloupe fonctionne.
*Bundesrat : Le Bundesrat ou Conseil fédéral est la représentation des 16 Länder allemands (Bundesländer). Ses membres sont nommés par les gouvernements des Länder. Le gouvernement fédéral est obligé de présenter toutes les initiatives législatives d’abord au Bundesrat avant qu’elles ne passent au Bundestag.
*Bundestag : Le Bundestag allemand ou Diète fédérale allemande (Deutscher Bundestag) est l’assemblée parlementaire de la République fédérale d’Allemagne assurant la représentation du peuple allemand dans son ensemble. Le système politique allemand étant un régime parlementaire, le Bundestag y joue un rôle central : Il exerce en coopération avec le Bundesrat le pouvoir législatif et le pouvoir constituant au niveau fédéral en adoptant les lois fédérales et les révisions de la Loi fondamentale. Il ratifie également les traités et adopte le budget fédéral.