Sous l’égide du Comité Régional CGT Alsace, encore en activité pour quelque temps avant dissolution dans la méga-région, s’est tenue le 13 septembre dernier à Strasbourg une réunion sur le sujet des relations syndicales internationales avec la participation d’une dizaine de militants des deux départements. Elle a porté principalement sur les liens récemment établis avec les organisations allemandes, ce qui n’a rien d’étonnant au vu de la proximité géographique, et de la capacité, du moins pour les plus anciens des Alsaciens, de pouvoir encore communiquer dans la langue « d’en face ».
La revendication portant sur l’enseignement de la langue du voisin dans les régions frontalières prend par ailleurs ici tout son sens : pour l’ensemble du Grand Est, ce sont 180 000 travailleurs qui de Lorraine à l’Alsace du Sud, ont trouvé un emploi au Luxembourg, en Allemagne et en Suisse.
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
La pressante recommandation de Marx d’il y a 170 ans semble aujourd’hui insuffisamment suivie par ceux et celles à qui elle s’adressait. Pourtant, il devient évident que les ripostes aux coups portés par Bruxelles sur les conquêtes sociales sont insuffisantes quand elles se limitent aux seuls espaces nationaux. L’extension et la coordination de la résistance à l’échelle continentale s’imposent, et particulièrement pour gagner des droits nouveaux : des progrès sociaux ne se feront qu’à la condition d’une telle coopération. Mais comment travailler ensemble quand le droit syndical est différent, à plus forte raison quand il recule chez les uns autant que chez les autres ?
Pour cela, il convient de rechercher en quoi consisterait un socle social minimal européen, définir également quelle politique industrielle commune est à mettre en œuvre, sur les terrains de l’énergie et de l’agriculture, notamment.
Le DGB, confédération allemande des syndicats, manifeste son intérêt croissant pour les luttes qui ont eu lieu en France à l’occasion de la contestation de la loi El Khomri : « Vous, les Français, vous ne vous laissez pas faire ! ». L’organisation syndicale a un grand poids au sein de la CES où les convergences avec la CGT se font plus nombreuses et sont susceptibles d’y contester les points de la vue de la CFDT.
Le paysage social allemand a changé. Le taux de syndicalisation s’est réduit à 20%, les conditions sociales allemandes sont aujourd’hui globalement inférieures aux françaises, néanmoins la DGB n’est pas monochrome : de grandes divergences existent entre les six fédérations, et font écho, en interne, à la division syndicale française.
Pour autant, l’organisation allemande n’est pas en reste : s’ils sont admiratifs du mouvement social français en cours, ils ont su pour leur part organiser des mobilisations remarquables sur les accords TAFTA et CETA (250 000 à Berlin en octobre 2015, 320 000 dans 7 villes allemandes en septembre 2016 avec, pour celle de Frankfurt, la présence de cégétistes alsaciens) qui n’ont pas eu, loin s’en faut, leurs correspondances en France.
Symboles forts de l’histoire sociale
Au-delà des rencontres et séminaires, se posent des questions sur la poursuite et l’approfondissement du rapprochement syndical euro-régional : comment s’effectuera ce travail dans le cadre de la nouvelle région, comment faire comprendre aux militants la nécessité de la démarche, comment construire un syndicalisme européen vivant et par « le bas » ?
En attendant les réponses, on poursuivra les échanges, notamment à l’occasion des 1er mai, (après la présence d’un représentant CGT à Darmstadt en 2016, c’est au tour de la DGB Süd-Hessen de venir en 2017 à Strasbourg).
Il serait souhaitable d’élargir les délégations au-delà de seuls représentants en proposant aux adhérents de faire également le déplacement et d’étendre les échanges aux villes de Bade et de Bâle : des manifestations communes ont eu lieu il y a plusieurs années (Pont du Rhin, Vogelgrün) et malheureusement non pérennisées.
Raymond Ruck, secrétaire du Comité Régional CGT Alsace, pour qui le rôle du CR est tout particulièrement la question internationale, a aussi un projet qui lui tient à cœur : l’organisation de la a commémoration de la révolution allemande de novembre 1918, conjointement avec la DGB de Süd-Hessen, simultanément à Strasbourg et à Darmstadt.
En effet, on ne sera jamais assez nombreux pour refaire flotter sur la cathédrale le drapeau rouge de l’éphémère Conseil d’ouvriers et de soldats de Strasbourg, qui transcendait pourtant à merveille les nationalismes avec lesquels on a divisé dans le sang le monde ouvrier d’Europe.
DM