José Perez se définit comme une « combattant de la paix ». Il a publié une tribune libre sur le blog de l’AFPS 66 (Association France Palestine Solidarité des Pyrénées Orientales) en réaction aux attentats de Barcelone. Il y développe des analyses et arguments auxquels nous souscrivons en allant plus loin que le traitement médiatique que nous connaissons. Nous la publions bien volontiers car comment comprendre le terrorisme actuel en en restant à la seule dimension religieuse et en occultant le contexte géopolitique actuel toujours et encore façonné par des puissances occidentales déclinantes cherchant à maintenir leur domination à tout prix…

L’Espoir

« … Et cent mille dan­seurs sur la place publique 
Pour que Chris­tophe Colomb découvre la Musique
Dans le ventre d´une Espagnole
Il y a l´espoir qui se gonfle et qui gonfle
Et qui attend… Et qui attend…
Manuel de Falla »

Léo Fer­ré

Après cette jour­née de sang et de haine hier à Cam­brils et sur la  Ram­bla de  Bar­ce­lone, je suis trop triste pour écrire autre chose que ce texte, petite bou­gie d’espoir…

Daech a frap­pé  à Cam­brils et Barcelone

Contre les fous de tous bords qui veulent nous replon­ger dans la bar­ba­rie, oui l’Espoir ! Contre les fas­cistes de l’Etat Isla­mique et aus­si contre nos gou­ver­nants et cet autre fou des USA qui est pour­tant le grand gen­darme du monde, l’Espoir !  Guerre de civi­li­sa­tion ?  Haine contre isla­mo­pho­bie, Orient contre Occi­dent ? Non, nous ne les lais­se­rons pas nous impo­ser cette guerre-là. Non! No pasa­ran ! Je vou­drais pré­ci­ser que l’Espagne que nous pleu­rons aujourd’hui, ce n’est pas un pays, encore moins un état. C’est l’Espoir chan­té par Léo Fer­ré, l’espoir de jus­tice sociale, de beau­té et de liber­té.  Les sombres nihi­listes de l’Etat Isla­mique ne veulent sur­tout pas que cet espoir se ren­force et que des ponts d’humanité et de soli­da­ri­té se construisent entre les deux berges de la Méditerranée.

Mon père avait com­bat­tu les armes à la main en Espagne. Nous sommes ici nom­breux à être des enfants d’exilés. En 1937, alors qu’il avait vingt ans, il avait écrit ces phrases fortes et claires dans le jour­nal «  Fra­ga Social » : « (…) Ne voyez-vous pas que la guerre qui s’est enga­gée en Espagne est une guerre entre le fas­cisme et ceux qui ont tou­jours vécu dans l’opulence à nos dépens, contre le pro­lé­ta­riat qui pro­duit toute la richesse et vit pour­tant dans l’indigence ? (…) Soyons lucides une fois pour toutes ! Détour­nons nous de toutes les ran­cœurs qui pour­raient nous dés­unir et recher­chons ensemble le moyen le plus adé­quat et le plus sen­sé pour que, ras­sem­blés dans un seul bloc,  nous exter­mi­nions l’ennemi com­mun de tous les pro­lé­taires, qui n’est autre que le fas­cisme inter­na­tio­nal repré­sen­té par Hit­ler et son com­plice Mus­so­li­ni, secon­dés par le cri­mi­nel et impos­teur Fran­co et son armée de traîtres et d’assassins (…) »   Euge­nio Per­ez Cas­ta­no.   Délé­gué de la com­pa­gnie de mitrailleuses du pre­mier bataillon de la 46ème Bri­gade Mixte, et ouvrier maçon.

Pour­quoi ce détour par ce pas­sé loin­tain ? Parce que nous sommes au temps du règne des médias, du zap­ping, et des Smart­phones. La vie n’est plus qu’une suc­ces­sion de moments se chas­sant les uns les autres. Il n’y a plus de mémoire col­lec­tive. Or il nous faut reve­nir à cette mémoire his­to­rique. Car l’émotion ne doit pas être détour­née par les pro­fes­sion­nels de la mani­pu­la­tion. On va sans doute assis­ter à une ava­lanche de condo­léances hypo­crites venant de tous les chefs de gou­ver­ne­ments, Rajoy, Macron, Trump, Neta­nya­hu… Eux aus­si veulent ali­men­ter le feu des haines et de la guerre. Pour ne pas se lais­ser aveu­gler, il faut ten­ter de com­prendre les liens entre le pré­sent et le pas­sé. L’histoire est un pro­ces­sus. Sans conscience du che­min qui nous relie au pas­sé, les drames et les erreurs ont toutes les chances de se repro­duire. On dit que « l’histoire bégaie ».

 Nous sommes des mili­tants de la paix

Mais nous ne sommes pas des rêveurs, plu­tôt des « com­bat­tants de la paix »  car il nous faut lut­ter contre les forces qui nour­rissent  la haine, les vio­lences et l’injustice du monde.  La ques­tion reli­gieuse n’est pas la contra­dic­tion prin­ci­pale. Le temps des croi­sades est révo­lu. Il faut bien sûr com­battre les pré­ju­gés mais la contra­dic­tion fon­da­men­tale est ailleurs. C’est celle qui oppose la grande masse des couches popu­laires aux puis­sances de l’argent.  Capi­tal recher­chant le pro­fit maxi­mum contre aspi­ra­tion au bien-être des peuples.  C’est une lutte de classes, l’exploitation de l’homme par l’homme, le talon de fer du néo colo­nia­lisme mon­dia­li­sé. En der­nier res­sort, la cause de tous les maux, c’est la vio­lence ins­ti­tu­tion­na­li­sée de ceux qui sont les maîtres et les gen­darmes du monde. Dans cette lutte des classes, nous sommes le camp de la paix et de la jus­tice sociale. Nous devrons nous unir avec l’immense majo­ri­té des popu­la­tions, par-delà les tra­cés des fron­tières, les reli­gions ou nos cou­leurs de peau.

En Espagne, depuis les « prin­temps arabes » et la crise finan­cière, l’unité du peuple se redes­sine sous des formes nou­velles, mais autour de cette même ligne de classe. Avec le mou­ve­ment des Indi­gnés, une vague d’Espoir avait enva­hi rues et places occu­pées des villes espa­gnoles. La véri­té sur le pas­sé du fas­cisme  a com­men­cé à se faire, enfin.  A Bar­ce­lone,  l’Estaca, le chant de liber­té des Cata­lans, est aus­si chan­té en arabe.  Après des années de com­pro­mis et de cor­rup­tion de la fausse gauche, le mou­ve­ment des Indi­gnés a ouvert la voie à de grandes marches syn­di­ca­listes, celle des mineurs, celle des pay­sans sans terre d’Andalousie, aux marées sociales des tra­vailleurs et usa­gers de la san­té, à un syn­di­ca­lisme de lutte des classes et à de mul­tiples luttes et occu­pa­tions autogérées.

Le mas­sacre d’hier sur la Ram­bla ne fera pas oublier aux Bar­ce­lo­nais leur for­mi­dable élan de soli­da­ri­té envers les refu­giés d’Afrique et du Moyen Orient : cette année, plus de 200 000 per­sonnes se sont ras­sem­blées dans les rues de Bar­ce­lone pour exi­ger l’ouverture des fron­tières aux sans papiers : « Bien­ve­nue aux réfu­giés, criaient les mani­fes­tants, chez nous, c’est chez vous. » Les assas­sins fana­ti­sés de Daesh ne nous feront pas oublier non plus tous ces col­lec­tifs de base où les vic­times de la crise finan­cière, « los afec­ta­dos », les « sans tra­vail », « sans logis » et « sans droits », ont fra­ter­ni­sé par delà leurs dif­fé­rences de cou­leur de peau ou de religion.

Aujourd’hui en Espagne, face à la « crise », hommes et femmes, avec ou sans reli­gion, chré­tiens ou musul­mans, tous apprennent à lut­ter ensemble.

Ain­si, la CGT espa­gnole, qui s’affirme com­mu­niste et liber­taire, mani­feste à pré­sent sa soli­da­ri­té avec le peuple révol­té des régions maro­caines du Rif.

 La Pales­tine et l’Espagne

Je publie ce texte en tri­bune libre sur le blog de l’AFPS66.  Nous avons déjà par­lé du  puis­sant mou­ve­ment de soli­da­ri­té des Espa­gnols en sou­tien au peuple pales­ti­nien. Il s’est tra­duit par l’adhésion de dizaines et dizaines de villes de l’Etat espa­gnol à la cam­pagne inter­na­tio­nale BDS : Boy­cott, Dés­in­ves­tis­se­ment et Sanc­tions contre le colo­nia­lisme et l’apartheid israé­lien. Ces villes se sont décla­rées « espaces libé­rés du colo­nia­lisme et de l’apartheid israé­lien ». Le col­lec­tif euro­péen des syn­di­cats pour la Pales­tine va tenir dans les mois qui viennent une ren­contre à Barcelone.

Ici, dans le dépar­te­ment 66 des Pyré­nées Orien­tales notre empa­thie envers le peuple pales­ti­nien est liée pour cer­tains d’entre nous avec notre propre his­toire d’enfants d’exilés de la guerre d’Espagne. Il y avait d’ailleurs eu des liens, encore peu connus, entre l’Espagne de 1936 et les Pales­ti­niens. Un diri­geant com­mu­niste pales­ti­nien venu com­battre en Espagne dans les bri­gades inter­na­tio­nales avait créé avec des com­mu­nistes et des liber­taires espa­gnols des comi­tés uni­taires de soli­da­ri­té avec le pre­mier mou­ve­ment de libé­ra­tion anti­co­lo­nia­liste du Magh­reb, celui des insur­gés du Rif (voir pour plus d’infos la bro­chure de l’AFPS66 sur le syn­di­ca­lisme en Palestine).

Aujourd’hui comme hier, la paix dans le monde passe par un com­bat inter­na­tio­na­liste pour la jus­tice sociale. Pour rendre hom­mage à tous ceux qui luttent en Espagne et qui sont aujourd’hui dans la dou­leur, je vous invite à écou­ter ou réécou­ter cette  très ancienne chan­son de Léo Fer­ré, «  Le Bateau espa­gnol » qu’il inter­prète ici avec deux autres anti fas­cistes, Juan Cedron, l’argentin et Paco Iba­nez, qui est à la fois cata­lan, basque et cas­tillan. L’internationalisme, encore et toujours…

Cli­quer sur :

https://www.youtube.com/watch?v=n4TsUNo6nIw

 José Perez