L’Alsace n’est pas la Catalogne, cela se saurait. Mais ces deux régions ont quelque chose en commun même si cela diffère sur la forme: si les Catalans veulent leur indépendance, une bonne majorité des Alsaciens souhaiterait retrouver des pouvoirs de décision en sortant de ce machin sans queue ni tête qu’est la région Grand Est.
Ce n’est pas pour assurer la promotion du Kougelhopf ou du grand Hamster du Ried, non, c’est tout simplement pour une raison démocratique : plus on éloigne les centres de décisions des citoyens, plus ces derniers ont l’impression de compter pour du beurre.
Il faut se rappeler que lors de l’annonce de cette réforme territoriale, la quasi-totalité des femmes et hommes politiques étaient contre l’intégration de l’Alsace dans le Machin. Ils ont même organisé des manifestations impressionnantes à Strasbourg : près 20.000 manifestants il y a trois ans, presque jour pour jour le 11 octobre 2014.
Philippe Richert y a prononcé un discours vibrant répondant aux attentes des Alsaciens, jurant qu’il s’opposera à la fusion des régions. Puis l’instinct grégaire repris vite le dessus : il vira casaque contre la promesse du poste de président du Machin ; Jean Rottner, oui notre Jean Rottner, pavanait lui aussi, sur l’estrade, écharpe tricolore au vent, fiers des 55.000 signataires de la pétition s’opposant à la nouvelle région qu’il avait lancée le 24 juillet 2014 : « Une Région allant de la région parisienne au Rhin, c’est inconséquent, incohérent et inefficace », qu’il disait le Jean. Oui, le même qui aujourd’hui, veut de toutes ses forces remplacer le Philippe démissionnaire… car se sentant mal-aimé dans sa région d’origine. Changer aussi vite d’opinion, de position et le clamer sans honte, n’est-ce pas cela qu’on appelle l’inconséquence ?
Mais il y a mieux et l’actuel maire de Colmar les surpasse tous. Gilbert Meyer, 76 ans – c’est une explication pas une excuse – s’exprime dans les DNA avant-hier. Plaçons d’abord le bonhomme : 48 ans de vie politique derrière lui, élu conseiller régional il y a 35 ans et maire de Colmar il y a 22 ans. C’est ce qu’on appelle un homme d’expérience ! Ce qui est, selon moi, la pire des choses pour une personnalité politique : l’expérience ne fait pas l’excellence, elle serait plutôt sclérosante quand elle est invoquée à tout bout de champ…
La carrière de Gilbert Meyer, à part signer une pétition de maire anti-PACS et couper les vivres à une association d’étudiants qui a eu le culot de manifester, sa carrière de parlementaire fut bien terne. Mais il eut un coup d’éclat, ici, dans son département : lors du referendum pour fusionner le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, c’était le 7 avril 2013, Gilbert Meyer fit défection à son camp, l’UMP qui était favorable, en menant une campagne pour le rejet de cette fusion. Et il gagna puisque le Haut-Rhin rejeta le projet à plus de 55% des votants…
En trois années, les Alsaciens dans leur majorité, n’ont pas viré casaque, eux. Ils voudraient toujours un retour à une structure régionale qu’ils pensent plus efficaces pour assurer leur avenir économique, social, culturel… La fusion au forceps n’a pas marché, c’est un constat.
Alors, plutôt que d’écouter ce que disent ses concitoyens, Gilbert Meyer, leur file une magistrale claque. Revenir à une région Alsace ? Vous n’y pensez pas : « le président de la République et le 1er ministre viennent de rappeler que le débat est clos. Alors, pourquoi diviser les Alsaciens en faisant miroiter une perspectives qui est inaccessible », voilà ce que le maire de Colmar déclare. Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin : « Les chantres de cette théorie créent un climat qui est celui de la Catalogne » ose-t-il.
Et il poursuit : « C’est réveiller l’autonomisme, destructeur de notre identité alsacienne ». Là on se demande ce qu’il a fumé car ce qui a réduit l’identité alsacienne c’est plutôt un stupide centralisme français d’après-guerre qui a interdit l’usage de notre langue aux Alsaciens… qu’on supplie aujourd’hui de réapprendre l’allemand pour aller travailler en Allemagne et en Suisse.
Et comme il semble qu’il ait fumé du lourd, Gilbert Meyer va jusqu’au bout : « Le Grand Est est notre chance. Mais pour être fort dans le Grand Est, fusionnons les départements pour créer un département Alsace ».
Au-delà du reniement total de ses précédents engagements, le maire de Colmar considère que l’Alsace doit être rabaissée à un simple « département ». Et de commettre l’impair historique vraiment de trop : « Pour la première fois dans son histoire, l’Alsace obtiendrait le statut juridique de « collectivités territoriales » ! Il me semblait que la région Alsace d’avant la fusion avait déjà un tel statut. Et surtout, dans l’histoire moderne, le premier statut juridique de l’Alsace fut obtenu en 1911 avec un Landtag et ses deux chambres élues, avec des pouvoirs d’administration fort étendue, au sein de l’empire allemand.
Eh oui, falsifier l’histoire pour tenter de justifier un revirement politique spectaculaire est bien plus qu’inconséquent : c’est indécent, monsieur le Maire de Colmar.
Michel Muller