Antoine Fabian, syndicaliste chrétien, vice-président du Régime Local d’Assurance Maladie d’Alsace-Moselle, maire honoraire de Roderen, a pris sa plume à l’occasion de l’annonce de la candidature de M. Jean Rottner au poste de président de la région Grand Est. L’auteur rappelle qu’il fut un parmi les 60.000 signataires de la pétition lancée par le maire de Mulhouse contre la constitution de cette grande région et l’interroge sur ses intentions en accédant à cette nouvelle responsabilité. Pertinent et percutant : nous proposons à M. Rottner de publier sa réponse dès qu’il l’aura rédigée…

« Mon­sieur le Maire et Vice-pré­sident du Conseil Régional.

La presse nous informe que vous vous por­tez can­di­dat à la suc­ces­sion de M. Phi­lippe Richert comme Pré­sident de la région Grand-Est. La ques­tion immé­diate qui vient à l’es­prit des Alsa­ciens, et tout par­ti­cu­liè­re­ment des 60 000 signa­taires (dont je fus), en 2014, de votre péti­tion contre le pro­jet de fusion de l’Al­sace avec la Lor­raine et Cham­pagne-Ardenne, est de savoir quel Pré­sident vous serez, en cas d’élection.

Celui de la péti­tion, fidèle à vos convic­tions d’o­ri­gine ou celui, à la suite de M. Richert, de l’a­ban­don de l’Al­sace, et donc de la néga­tion d’une spé­ci­fi­ci­té his­to­rique et culturelle ?

Allez-vous vous vous sacri­fier « pour faire le job », comme M. Richert afin de sau­ver ce qui peut l’être, cau­tion­nant, dans le même mou­ve­ment, l’inacceptable ? Une telle « abné­ga­tion » paraî­trait bien incom­pré­hen­sible, sinon suspecte.

Pour mémoire, je vous joins des extraits de presse de l’époque par­lant de votre enga­ge­ment sin­cère, argu­men­té et pug­nace contre la fusion (ci-des­sous les liens correspondants).

M. Richert a jeté l’éponge face à son échec d’une ten­ta­tive d’assimilation/disparition for­cée de l’Alsace dans un ensemble inco­hé­rent, sans corps, sans per­son­na­li­té, sans âme, mal­gré des cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion oné­reuses et de chan­tage aux sub­ven­tions, tout en vidant l’Alsace de tout pou­voir de décision.

Pour être « homme d’Etat », il ne suf­fit pas d’être huma­niste, chré­tien, démo­crate, dévoué et ambi­tieux, il faut aus­si de l’intelligence et de l’intuition politique.

Votre ambi­tion est-elle de ren­trer dans l’His­toire à la suite de per­son­na­li­tés alsa­ciennes et mosel­lanes mythiques, auteurs d’avancées socié­tales, éco­no­miques, sociales, cultu­relles et reli­gieuses de l’an­cien « Reichs­land », entre 1921 et 1924, puis de celles d’après-guerre, en 1945–46, tels que Robert Schu­man, Hen­ri Meck, Joseph Beck, Albert Schmitt et tant d’autres, tous hommes et femmes de cou­rage et d’honneur ?

Ou, au contraire, serez-vous à la solde de ceux qui méprisent l’Al­sace, à l’instar du Par­le­ment fran­çais à Bor­deaux en 1871 ou, plus récem­ment, de ceux qui ont liqui­dé les acquis alsa­ciens-mosel­lans, comme le gou­ver­ne­ment de Fran­çois Mit­ter­rand, en 1982, (Prud’hommes), puis de Fran­çois Hol­lande, avec un redé­cou­page des Régions en dépit du bon sens et au mépris des popu­la­tions concernées ?

Etes-vous de ceux, Alsa­ciens de sur­croît, qui renoncent à se battre contre la sup­pres­sion des Chambres consu­laires, des orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nelles et sur­tout l’af­fai­blis­se­ment du Régime local d’as­su­rance mala­die, qui prive les sala­riés, et sur­tout les retrai­tés alsa­ciens-mosel­lans, d’une com­plé­men­taire san­té soli­daire, à un coût dix fois moins cher qu’une mutuelle, une ins­ti­tu­tion de pré­voyance ou une assurance ?

Ou encore, êtes-vous de ceux qui, par leurs revi­re­ments et renie­ments spec­ta­cu­laires, conduisent au dégoût des citoyens envers la poli­tique, sui­vant en cela Gil­bert Meyer, Maire de Col­mar, un des prin­ci­paux res­pon­sables de l’é­chec du réfé­ren­dum d’a­vril 2013 et qui, avec un rare cynisme, réclame aujourd’­hui ce qu’il avait com­bat­tu hier. Ce n’est pas ain­si que l’on va « réen­chan­ter » la politique. 

Res­te­rez-vous, dans le déni per­ma­nent de la réa­li­té ? Le Grand-Est ne fonc­tionne pas et ne fonc­tion­ne­ra jamais, car cet agglo­mé­rat tota­le­ment contre-nature ne satis­fait personne.

Il ne fait de loin pas d’u­na­ni­mi­té de la popu­la­tion, en Meurthe-et- Moselle, contrai­re­ment aux affir­ma­tions de Madame Valé­rie Debord. Quant aux citoyens des Ardennes et de Cham­pagne, ils sont tour­nés vers Paris ou la Bel­gique et non vers Stras­bourg et le Rhin.

Car le déve­lop­pe­ment éco­no­mique, social et cultu­rel de l’Al­sace se situe, en grande par­tie, outre-Rhin. C’est une réa­li­té que per­sonne ne peut rai­son­na­ble­ment nier. Le Grand-Est est un bou­let dans le déve­lop­pe­ment des rela­tions, dans tous les domaines, avec le Bade-Wur­tem­berg et la Suisse, si néces­saire pour l’économie, l’enseignement, l’emploi et la culture.

La popu­la­tion alsa­cienne est pro­fon­dé­ment atta­chée à la France, sans être d’o­ri­gine gau­loise, mais essen­tiel­le­ment bava­roise, autri­chienne ou suisse, pétrie par l’hu­ma­nisme et la culture rhé­nane. Je pense que nos amis arden­nais et cham­pe­nois com­prennent cela et sont prêts à nous aider. Eux-mêmes ont été mépri­sés en les « four­guant » avec les Alsa­ciens et Lor­rains, un dimanche soir dans un bureau de l’Elysée.

Tous les élus alsa­ciens, sans excep­tion, sont inti­me­ment convain­cus – même s’ils ne l’a­vouent pas en public – de la néces­si­té de « libé­rer » l’Al­sace du Grand-Est. Pour ce faire, il n’y a pas de plan A ou B, tota­le­ment absurde et dénué de sens. Il n’y a qu’un seul plan : celui d’une Région Alsace dotée de réels pou­voirs délé­gués par l’E­tat et de moyens, pour qu’elle puisse plei­ne­ment exer­cer ses mis­sions, dans un pays moderne, tour­né vers une Europe unie et pros­père dont rêvaient ses fondateurs.

Enfin, la popu­la­tion aime­rait aus­si connaître le posi­tion­ne­ment réel du par­ti poli­tique dont vous vous récla­mez. Tout et son contraire a été dit et écrit, sur les pos­tures des uns et des autres, selon qu’on est élu régio­nal, dépar­te­men­tal, dépu­té, séna­teur ou maire, en clair, selon son ego ou inté­rêt per­son­nel. Tout ceci par­ti­cipe à la confu­sion géné­rale. La pres­sion des ins­tances natio­nales du par­ti LR (jaco­bines par dogme) semble mani­fes­te­ment peser lour­de­ment sur des élus alsa­ciens timo­rés (crai­gnant pour leurs inves­ti­tures futures !).

Dans l’at­tente d’une réponse digne d’un « Homme poli­tique d’E­tat », libre, prag­ma­tique, auda­cieux, à l’écoute des citoyens, dési­reux d’une vie démo­cra­tique plus par­ti­ci­pa­tive et au ser­vice de l’intérêt de l’Alsace et de la France,

Veuillez agréer, Mon­sieur le Maire, l’expression de ma très res­pec­tueuse considération,

Antoine Fabian, un des mil­liers signa­taires de votre pétition. »

Inutile de repréciser que L’Alterpresse68 se tient à disposition du maire de Mulhouse pour publier sa réponse même avant son élection dans un fauteuil…

http://www.lalsace.fr/actualite/2014/07/20/jean-rottner-lance-une-petition-pour-l-alsace

https://www.ami-hebdo.com/actu/non-la-fusion/

http://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/jean-rottner-je-deplore-climat-lequel-debat-alsacien-se-fait-parfois-1339523.html

https://www.lesechos.fr/17/09/2014/lesechos.fr/0203783308447_reforme-territoriale—l‑alsace-prepare-sa-riposte-contre-la-fusion-avec-champagne-ardenne.htm

http://www.lesrepublicains67.eu/2014/07/signez-la-petition-pour-lavenir-de-lalsace/

http://www.dna.fr/actualite/2016/08/31/petition-sur-rendeznouslalsace-fr-les-cartes-et-les-dessous-des-cartes