En ces temps de polarisation des discours sanitaires, où la réalité épidémiologique du Sud-Alsace est loin d’être égale à la francilienne, comment tenter d’avaler paisiblement son café matinal sans avoir envie de faire valdinguer le poste radio, à l’intérieur duquel un écolâtre à la faconde de premier communiant se fait entendre ?
Yannick Jadot, député européen Europe Ecologie-Les Verts, squattait ainsi les ondes de France inter, en ce 29 mars.
Selon les rapports de la police sanitaire, il s’agit du même individu qui voulut rendre la vaccination contre le covid obligatoire. C’est-à-dire considérer qu’il convient d’exercer un acte de coercition sanitaire sur les corps de 67 millions de personnes valides, pour les extirper d’un mal qui n’est ni la peste noire de 1348, ni même le choléra de 1832.
Mais Jadot a pour lui de disposer d’une sensibilité d’écorché vif : il compte les visages des morts au quotidien. Des « centaines de morts quotidiens [du covid] dont on ne regarde plus les visages et les familles endeuillées ».
Profitons de la parenthèse morbide Jadotienne pour rappeler qu’entre le 1er janvier 2021 et le 15 mars 2021, il est mort 150 000 personnes en France, selon l’INSEE, soit 2000 par jour.
Yannick Jadot observe-t-il chacun de ces défunts dans le noir de leurs orbites, ou y a‑t-il des morts plus importants que d’autres ? D’autant qu’au moins 85% parmi ceux-ci ne sont pas morts des conséquences du covid.
Un rappel à la raison utile, peut-être susceptible de faire cesser ce fétichisme mortuaire délirant, quand le Grand Horloger joue les boucheurs de réverbères célestes depuis la nuit des temps, sans aucune discrimination entre les trépassés.
Mais alors « Que faire » ? Comme aimait à l’écrire Vladimir Illich Oulianov ? Devrait-on en finir avec la faucheuse implacable ? Faudrait-il s’écrier de concert : « A mort la mort ! », ainsi que l’énonçait un certain Romain Goupil non encore macronien ?
Ou encore, pour paraphraser Jean Yanne, paraphrasant lui-même les manifestants de 68 : « Il est interdit d’interdire » la vie ?
Peut-être bien. Car Yannick Jadot tient chaque matin de sa vie d’immortel un devisement académique de haute volée, juste entre la biscotte au beurre dégraissé et le fromage sans lait, avec la seule maitresse que l’on puisse lui prêter : « La Science » !
Lui qui, bombardé épidémiologiste dominical, par ladite Science, trouvait « excessif » que l’on suspendit le vaccin AstraZénéca :
Toute la tendresse bonhomme du Jadot réside dans le « pas totalement avérés ».
L’agence française du médicament (et de nombreuses en Europe) peut aussi bien montrer que le risque ne peut être exclu, les personnes rendues malades à cause du vaccin (et leurs familles) n’ont quant à elles manifestement pas besoin « d’être regardées dans le visage ».
Sans doute parce que la balance bénéfice-risque reste favorable, à en croire la même institution de santé.
Mais le voici assénant, durant la matinale de France Inter, un coup de matraque d’anthologie à l’endroit du Président de la République. Comme un témoignage de son rapport passionnel à La Science infuse, à laquelle il se frotte généralement, entre chien et loup, tout juste vêtu de son peignoir en fleur de coton bio.
La Vérité scientifique surgit littéralement de sa mâchoire, et traversa les couches de son masque noir jusqu’à la bonnette du micro, baveuse comme une omelette au soleil de minuit :
« Le Président a fait un pari solitaire en janvier, celui de s’affranchir de La Science ».
Et puisque l’on n’a pas encore assigné une troisième fois les français à domicile depuis 2 mois (sait-il seulement que c’est déjà le cas pour des millions d’entre eux ?), 10 à 15 000 morts de cancéreux non-traités vont mourir, car les réanimations devront se mettre à faire le tri des patients, ce qu’elles ne font jamais, en temps ordinaire, ainsi qu’on le voit ci-dessous :
Jadot applique piteusement le principe de chantage et de culpabilisation inspiré du « président » Delfressy, (patron du « conseil scientifique », dont certains membres souffrent de soupçons de conflits d’intérêts), mais aussi, et surtout, celle du généticien Axel Kahn.
Et comme ce dernier se soucie de démocratie comme de sa dernière fiole de sérum, ainsi que le rapporte la philosophe Barbara Stiegler dans son dernier ouvrage « De la démocratie en Pandémie » : « en contexte de pandémie, la démocratie est un inconvénient », surtout si elle s’avise de devenir « contestataire », il n’y a aucune raison de ne pas le supposer crédible.
Jadot le prophétise donc, il va falloir agir plus strictement. C’est-à-dire confiner à double tour les déjà confinés. Mais avec quelles implications, puisqu’ils le sont ?
La distance de sortie sera-telle à nouveau limitée à 1 kilomètre de rayon ? Une durée maximale de 30 minutes de promenade sera-t-elle imposée, après le « prenez l’air » de Gabriel Attal ? Pourrais-je toujours me rendre chez mon chocolatier ? Mon marchand de layette sera-t-il considéré comme un commerce essentiel ? Que de réjouissants débats publics en perspective !
Et les établissements scolaires pourront-ils rester ouverts ? Lui demande la journaliste Salamé, suspendue à ses lèvres irisées : « Aujourd’hui, c’est le virus qui ferme les écoles ! », tonne-t-il.
Et le virus ne fermait pourtant que 0,24% des établissements, au 26 mars, selon le décompte du ministère de l’Education, soit 148 sur un total de 61 500. C’était 80 la semaine précédente.
L’école c’est fait pour les enfants de soignants, selon l’inimitable Jadot. Pour tous les autres, ce sera semi-école buissonnière. On organisera des demi-groupes dans toutes les classes (de primaire et secondaire).
Sa prescription est que le demi-groupe exfiltré ira visiter les musées, les cinémas, les théâtres… « Les théâtres ? Ne savez-vous pas qu’on ne peut pas ? », se risque Léa Salamé. Oui, mais « il y a des répétitions ! » rassurise Jadot.
Et ce n’est pas fini : « Vous les amenez dans la nature, faire du sport, ça élargirait leurs apprentissages, ce serait une nouvelle façon de faire de l’éducation ! ».
Elle est pas bô l’école de Jadot ?
Et puis, vaccin, vaccin, vaccin. C’est notre seule chance. Il faut « vacciner massivement les enseignants pour que l’on ait un personnel protégé ». C’est d’ailleurs ce que réclame le syndicat du 1er degré SNUIPP. Pourvu que ses membres adhèrent à la prophétie vaccinale de Saint Jadot.
Pour autant, qui se chargera des enfants qui ne sont pas en classe ? A tout problème, une solution ! Les enseignants recevront en effet la visite « d’emplois aidés », qui comme leur nom semble le présager, « aideront les enseignants à s’occuper des gamins pour qu’ils ne soient pas forcément à la maison ». Ne sont-ils pas censés être déjà au théâtre ?
Enfin, last but not least, comme dirait Antoine Waechter, recentrons-nous sur l’essentiel.
Jadot est un homme à la fibre de gauche. Il a d’ailleurs appelé à l’unité pour la présidentielle de 2022. Et Mélenchon et Faure ont répondu présent. Au demeurant, la « France insoumise » (à l’exception notable de François Ruffin) et le « parti socialiste » partagent le même diagnostic que Jadot, ainsi qu’on le constate ici.
Et puisqu’il faudra reconfiner à double tour, il faudra pareillement « accompagner ».
Ainsi, le député européen propose sérieusement d’ouvrir des rendez-vous massifs chez les psychiatres, pour faire face aux effets délétères liés à la privation de liberté, et sollicite même le bénéfice du RSA jeune pour nos p’tits étudiants déprimés !
D’ici là, il n’est pas même question pour notre homoncule radiophonique d’interroger le désarmement systémique de l’Hopital public, dont les 100 000 lits supprimés sur 20 ans, et les fermetures qui se poursuivent tendanciellement comme si de rien n’était, cautionnés par de nombreux chefs de service qui s’abreuvent aujourd’hui d’apocalypse sur les plateaux de télévision.
Non, La Science et le régime politique dont elle procède, préconise en une inversion stupéfiante de la charge des responsabilités, de s’en prendre au citoyen-victime.
A ce sujet, en page 13 de son livre, la philosophe Barbara Stiegler, écrit ceci :
« En Pandémie [continent mental selon son auteur], la démocratie est désormais disqualifiée comme une survivance dangereuse, à laquelle il faudrait se préparer à renoncer.
Devant ce qu’ils appellent « l’explosion inquiétante des contaminations », et qu’ils devraient plutôt appeler « l’augmentation normale et prévisible des porteurs sains » (puisqu’elle est inévitable dans toute société où circule un virus et où l’on continue à vivre), nous n’aurions absolument pas le temps de débattre ni de délibérer.
Il ne nous reste plus donc plus qu’à accepter, sans discuter, la suspension de toutes nos activités jugées trop risquées. Le droit de contester les décisions politiques et de s’interroger sur le bienfondé d’une norme, le droit aussi d’aller et venir à sa guise dans l’espace public, celui enfin de manifester son opinion dans la rue – tous ces droits imprescriptibles sont devenus désormais des « inconvénients », à la limite de la légalité et qui se trouvent progressivement suspendus ».
Au reste, les « sachants » participent activement de l’hystérisation des perceptions, et du caractère anxiogène des messages sanitaires, sinon de leur manipulation. En témoigne la sidérante séquence relevée par un journaliste d’Europe1, le 28 mars, relayant le propos d’un rhumatologue, le docteur Berenbaum, de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris :
« Ce dernier donne les âges de ses patients sur les réseaux sociaux. Une manière, en quelque sorte, d’effrayer pour responsabiliser ». « Faites attention », appelle-t-il, « ne pensez pas que vous êtes en dehors de ce risque, c’est faux, tout le monde peut être touché ». A partir de 0,39′
Des techniques mentales de forçage du consentement, décrites par Barbara Stiegler sous le vocable de « nudge », ou nommées « paternalisme libéral » par d’autres chercheurs en science du comportement. Elles sont notamment prisées par les tenants du néo-libéralisme.
C’est dire si le personnel du continent mental Pandémie règne en maitre sur nos émotions et réflexes primaires. Il a La Science avec lui, comme la cité idéale de Platon avait ses philosophes-rois.
Loin de l’académie platonicienne, la gauche Rantanplan, qui ne sait faire qu’accompagner ce glissement vers la nuit démocratique, n’est quant à elle plus capable de faire la moindre émule…