Les Associations intervenant dans le domaine des réfugiés et des migrants expriment un profond désaccord avec le gouvernement sur la façon dont sont traités ces personnes sur le sol français. L’Alterpresse tient à publier ici la position du Ministre de l’Intérieur et les réactions des Associations. Dans le but de donner un éclairage précis et complet sur les enjeux autour de cette question qui mêle humanité et principes démocratiques.
Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, reste ferme sur les orientations de son projet de loi sur l’asile et l’immigration, critiqué par les associations.
Les associations parlent d’un projet de loi déséquilibré, où le volet sécuritaire l’emporte sur l’humanitaire. Est-ce une fermeté que vous revendiquez ?
Les associations parlent d’un projet de loi déséquilibré, où le volet sécuritaire l’emporte sur l’humanitaire. Est-ce une fermeté que vous revendiquez ?
Gérard Collomb. C’est un projet de loi totalement équilibré. Il reprend deux grands principes : la France doit accueillir les réfugiés, mais elle ne peut accueillir tous les migrants économiques. Cette année, 100 000 personnes ont déposé une demande d’asile, 85 000 n’ont pas été admises aux frontières. Il est impossible d’accueillir dignement 185 000 personnes par an. C’est une ville comme Rennes!
Allez-vous maintenir la circulaire, très contestée, sur le recensement des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence ?
GC: Bien sûr. Cette circulaire a été extrêmement caricaturée, mais elle est assez nuancée. Qu’est-ce que nous disons ? Vous avez aujourd’hui des personnes qui ont un statut de réfugié : elles ont vocation à aller dans un logement stable. Il y a aussi ceux qui n’ont pas encore entamé les démarches de demande d’asile : nous allons leur permettre de le faire. Enfin, il y a les déboutés. Nous allons les orienter vers le guichet de manière à pouvoir suivre la procédure normale. Il n’y a là rien que le respect des règles de la République. L’accueil inconditionnel, oui. Mais pas indifférencié.
Vous comptez doubler la durée de rétention administrative. Que prévoyez-vous pour les centres ?
GC: Nous allons ouvrir 200 places d’ici à la fin du mois de janvier et 200 autres en 2018. Pour aller plus vite, nous allons construire des bâtiments adaptés en préfabriqué. Ce ne sont pas les baraquements d’il y a trente ans, mais de vrais bâtiments qui se montent en huit mois seulement.
Vous souhaitez augmenter le nombre d’expulsions. Quels sont vos objectifs chiffrés ?
GC: Je n’ai pas d’objectif chiffré. Nous avons augmenté les éloignements de 14 % en 2017. Pour ceux que l’on appelle les « dublinés », nous avons fait + 100 %. C’est très important, car nous estimons aujourd’hui, en Europe, le nombre de déboutés du droit d’asile à 500 000. Si tous se disent qu’ils peuvent venir faire une seconde demande d’asile en France et que nous ne pouvons pas les éloigner dans des durées brèves, nous serons impuissants.
Vous plaidez pour un raccourcissement des procédures de demande d’asile…
GC: L’objectif est de pouvoir examiner les demandes dans un délai moyen de six mois.
Que comptez-vous faire pour améliorer l’intégration ?
GC: Dans le texte de loi, nous prévoyons un allongement de quatre ans de certaines cartes de séjour, la facilitation de l’accès à la carte de résident de dix ans pour les parents d’un réfugié mineur, l’extension de la réunification familiale aux frères et sœurs d’un réfugié mineur, des dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales ainsi que pour les jeunes filles qui pourraient être menacées d’excision. Parallèlement, une mission a été confiée à Aurélien Taché (NDLR : député LREM du Val‑d’Oise) dans le but d’augmenter le nombre d’heures pour apprendre le français et de faciliter l’accès à la formation et au logement.
De nouveaux centres d’accueil seront-ils créés ?
GC: Oui. Nous avons expérimenté des nouveaux centres d’hébergement qui concilient hébergement et examen administratif, des CAES (NDLR : centres d’accueil et d’examen de situation). Face au succès de ce dispositif, nous allons ouvrir dans les mois qui viennent 200 places par région. A ce jour, 1 300 places sont déjà ouvertes. En Ile-de-France, nous allons passer à 900 places. Un nouveau centre vient d’ouvrir à Ris-Orangis.
Vous auriez dit en avoir marre d’être vu comme « le facho de service »…
GC: Je fais ce que je crois devoir être fait. Mais ce n’est jamais plaisant d’entendre ce type d’accusations. On peut être généreux, mais il ne suffit pas de l’être en théorie, il faut l’être dans les faits.
Le président va à Calais. La « Jungle » a disparu, mais il reste des centaines de personnes qui vivent sans abri…
GC: Il ne reste plus que 400 personnes à Calais, contre 7 000 il y a un an, et une cinquantaine à Grande-Synthe. Il y aura toujours des migrants qui voudront aller en Angleterre. Dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, nous avons ouvert cinq CAES. Ceux que l’on voit dormir dehors ne veulent pas s’y rendre, car ils n’ont pas pour projet de déposer une demande d’asile en France.
Des ONG dénoncent des maltraitances policières…
GC: A l’époque, j’avais demandé une enquête aux inspections du ministère de l’Intérieur. Or, bien qu’elles soient d’habitude assez sévères, elles n’ont pas confirmé les faits. Il a pu y avoir quelques dérapages individuels mais ils sont suivis de sanctions internes.
Vous vous êtes lancé dans un round de consultations avec les députés LREM. Pour déminer une possible fronde ?
GC: Je ne crois pas à un phénomène de fronde. Les discussions se passent de façon très apaisée. Ma méthode, c’est de jouer la transparence vis-à-vis des associations et des parlementaires, de la majorité, des groupes de l’opposition que je vais d’ailleurs recevoir.
Vous laisserez une marge de manœuvre aux parlementaires ?
GC: Des possibilités d’amendement, bien sûr. Mais, il n’est pas question de changer d’orientation.
Avec les Britanniques, y aura-t-il une modification des accords du Touquet ?
GC: Je souhaite aboutir à un protocole additionnel à ces accords, et à des mesures concrètes de prise en charge d’un certain nombre de coûts par les Britanniques, ainsi que d’un plus grand nombre de personnes, au titre de l’accueil des réfugiés et des mineurs non accompagnés.
Les associations d’aide aux migrants déplorent un projet de loi «déséquilibré» qui entérine «une logique de tri».
GC: « Mieux accueillir les réfugiés » et « mieux expulser » les illégaux: le futur projet de loi asile et immigration, dont le gouvernement a dévoilé les grandes lignes aux associations le 11 janvier, devrait être présenté fin février en Conseil des ministres, puis en avril au Parlement. Les associations d’aide aux migrants, déjà très remontées contre une circulaire prévoyant le recensement des migrants dans les centres d’hébergement, déplorent un projet « déséquilibré » qui entérine « une logique de tri ». D’autres voix, comme celles de la Conférence des évêques de France ou d’intellectuels, ont elles aussi protesté.
En matière d’asile
GC: La notion de « pays tiers sûr », qui visait à faciliter le renvoi des demandeurs d’asile, a été abandonnée. Mais le texte renforce le contrôle des demandeurs d’asile et les soumet à des délais raccourcis. Ainsi, le demandeur d’asile disposera de 90 jours au lieu de 120 pour déposer son dossier. Puis, s’il est débouté par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, de 15 jours au lieu d’un mois pour déposer un recours. « La volonté de réduire les délais » ne doit pas « porter atteinte à la qualité de la procédure d’asile », prévient Forum réfugiés, qui rappelle que l’enregistrement d’une demande se heurte d’abord, en amont, à l’attente dans les préfectures.
En matière d’immigration
GC: La mesure la plus contestée concerne l’allongement de la durée de rétention administrative, qui passerait de 45 à 90 jours, voire 105 si l’étranger s’oppose à son éloignement. « Inutile et inefficace », assurent les associations, qui rappellent que les deux tiers des expulsions sont décidées dans les douze premiers jours d’enfermement. Autre disposition critiquée et jugée inutile : l’allongement de 16 à 24 heures de la durée de retenue administrative pour vérification du droit au séjour.
Les associations d’aide aux réfugiés sont vent debout contre la circulaire du ministère de l’Intérieur visant à contrôler les migrants dans les centres d’hébergement pour en recenser les occupants, et les orienter en fonction de leur situation.
Le 5 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avait présenté son projet consistant à envoyer des « équipes mobiles » dans les centres d’hébergement d’urgence pour en recenser les occupants, et les orienter en fonction de leur situation administrative. Ce lundi, plusieurs grands acteurs associatifs ont annoncé la saisine du Défenseur des droits, Jacques Toubon, pour suspendre cette circulaire qui fait polémique.
Cette circulaire, adressée aux préfets mardi dernier, a notamment pour but de « réduire le nombre de personnes qui, hébergées pour une durée parfois longue, restent sans statut ou ne peuvent bénéficier ». Elle participe de la politique voulue par le gouvernement sur l’immigration : de meilleures conditions d’accueil pour les étrangers qui relèvent du droit d’asile, mais une fermeté inédite pour ceux qui peuvent être reconduits dans leur pays d’origine comme les sans-papiers, ou dans le pays par lequel ils sont arrivés en Europe (conformément à la procédure dite de « Dublin »).
La Fédération des acteurs de la solidarité (Fas, ex-FNARS) est l’un des auteurs de la saisine. Florent Guegen, est directeur de la FAS, et comme beaucoup de travailleurs sociaux il met en garde contre les dangers de cette circulaire qui va à l’encontre des principes fondateurs des associations d’aide aux migrants. «Notre rôle c’est d’accompagner les migrants pas de devenir des auxiliaires de police. Les travailleurs sociaux, ne sont pas là pour contrôler ou signaler les personnes » explique le dirigeant associatif.
Contre-productif ?
« Le risque que nous pointons, c’est un dispositif totalement contre-productif. Il risque simplement de dissuader les migrants d’aller dans les centres. Ce sera un piège à migrants, pour les éloigner, ou les placer en centre de rétention » alarme Florent Gueguen.
«Au final, il y aura plus de personnes dans les rues. Il y a un vrai risque de reconstitution de campements massifs comme à Calais, à l’est de Paris ou dans des grandes villes comme Lyon ou Lille. » ajoute le directeur de la Fars. « La circulaire pose un problème de périmètre. Elle rentre dans la sphère sociale avec la question du contrôle. Le risque c’est de se retrouver avec beaucoup de personnes dans la rue de peur d’être contrôlées. Alors même que le président s’est engagé à ne plus avoir personne dans la rue » abonde Jean-François Dubost, Responsable du Programme Personnes déracinées, à Amnesty International.
L’idée des associations c’est donc de rendre la circulaire inopérante par le biais de la saisine du Défenseur des droits plus que de gagner du temps.
Absence de la Justice dans le processus
« Cette circulaire est contraire à la loi et au code de l’action sociale et des familles. La loi garantit « l’accueil inconditionnel » dans l’hébergement. Toute personne sans abri a droit à un hébergement sans qu’on distingue sa situation administrative » martèle Florent Gueguen.
Autre argument des associations : l’absence des instances judiciaires dans le processus. « Ces contrôles s’effectueraient sans procédure judiciaire. Un centre d’hébergement est considéré comme un domicile. Et jusqu’à preuve du contraire, l’administration n’a pas le droit de venir dans le domicile d’un citoyen lambda » précise le dirigeant.
Mais cette circulaire gouvernementale est perçue par le milieu associatif comme une rupture sans précédent dans le processus d’accueil en France. « C’est le coup le plus dur porté aux associations sur les politiques migratoires depuis très longtemps. Le milieu associatif est un contre-pouvoir. C’est un garant du fonctionnement démocratique. Et là, cette circulaire touche au cœur de ce système » témoigne un proche du dossier.
« C’est une rupture avec une doctrine qui date du XIXe siècle ! Doctrine qui dit que les centres sont des lieux de protection, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure coercitive. C’est la tradition française de l’accueil des plus démunis » rappelle Florent Guegen. La circulaire n’est que le premier des contre-feux prévus par les associations pour stopper ce projet gouvernemental.
Recours à venir
» On utilisera toutes les voies du droit pour faire en sorte que cette circulaire ne soit pas appliquée » conclut Florent Guegen. La CNIL a d’ailleurs été saisie sur le courrier du préfet de Haute-Savoie qui demandait aux associations la liste des personnes hébergées. Un recours au tribunal administratif est aussi à l’étude du côté de la FAS. Le regroupement d’associations ne s’interdit pas un recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
« Les signaux envoyés par le gouvernement et les pratiques, à Calais, ou à la frontière transalpine, sont autant de témoignages d’illégalités quasi quotidiennes commises par les pouvoirs publics. On renvoie les mineurs, on ne fournit pas de formulaires de demandes d’asile ; à Briançon, la situation est telle que c’est de l’ordre du sauvetage des vies en montagne… Aujourd’hui, en France il y a des personnes mises en danger. Ce n’est pas anodin dans un pays européen… » analyse Jean-François Dubost, d’Amnesty.
« Il faut arrêter de voir les migrants comme un problème, et d’avoir comme seule réponse des moyens coercitifs. Il y a un vrai débat national à avoir et cela ne veut pas dire forcément ouvrir les frontières » commente le membre d’Amnesty International. Les associations attendent de rencontrer le président de la République, comme il leur a été promis, pour faire infléchir la politique gouvernementale.