Ce texte est paru ori­gi­nel­le­ment sur le site de Thur Eco­lo­gie Transports 

Non, « Cycla­men » n’est pas une bande de joyeux fleu­ristes pas­sion­nés pour la plante du même nom, et déci­dée de pro­duire cette fleur d’origine per­sane dans la val­lée de la Thur, mais bien un recy­cleur de déchets de métaux non fer­reux, engen­drant des nui­sances toxiques inhé­rentes à la production. 

En 2019, le recy­clage de tout maté­riau pro­duit pour une uti­li­sa­tion spé­ci­fique pour être ensuite jeté en est encore à son bal­bu­tie­ment. Cela fait des décen­nies que la socié­té de consom­ma­tion, de l’obsolescence pro­gram­mée, et d’objets à usage limi­té, sont déver­sés aux quatre coins de la planète. 

Enfin (il n’est jamais trop tard), des diri­geants et des pos­sé­dants com­mencent à s’en rendre compte et entame le recy­clage de tel ou tel com­po­sant. Mais cette opé­ra­tion ne s’effectue qu’aux condi­tions de plus values. Que la Terre s’apparente peu à peu à une décharge importe peu les inves­tis­seurs, du moment que ren­ta­bi­li­té et pro­fit sont au ren­dez-vous, tout est possible… 

A gauche : le bâti­ment de pro­duc­tion, au centre : la cour où cir­cu­le­ront camions & engins, à droite : les pre­mière habitations 

Ce 18 mars s’est tenu la Jour­née mon­diale du recy­clage ;lancée en 2018,à l’initiative du bureau inter­na­tio­nal du recy­clage (BIR), elle est relayée en France par la Fédé­ra­tion pro­fes­sion­nelle des entre­prises du recy­clage (Fede­rec). Bien enten­du, les indus­triels inno­vant en matière de recy­clage & récu­pé­ra­tion sont pas des novices de l’industrie : Nest­lé, Danone, Engie, Car­re­four, Total, etc. Ces mas­to­dontes du pro­fits condi­tionnent leur virage envi­ron­ne­men­ta­liste aux béné­fices de l’actionnariat.

Mais telle, n’est t‑elle pas la règle du jeu du capitalisme !?

Hi Tech, l’usine prototype…

C’est ain­si qu’est créé la socié­té Cycla­men. Pas d’antécédent pour cette PME, juste un bureau d’étude ins­tal­lé à Cla­piers dans l’Hérault (34). La direc­tion, consti­tuée de trois diri­geants (ingé­nieurs de for­ma­tion) sur 9 sala­riés, pré­voit d’ouvrir un centre de trai­te­ment de mâche­fers non fer­reux, notam­ment le cuivre et l’aluminium, pro­ve­nant d’usines d’incinération. Le lieux choi­si, la zone indus­trielle Klei­nau à Malmerspach. 

Jadis, les frères Schlumpf furent les patrons de l’usine tex­tile ins­tal­lé sur ce lieu. Puis, après l’enterrement de cette indus­trie dans toutes les val­lées vos­giennes et notam­ment à Mal­mers­pach, le site logeait des PME, qui s’éteignirent elles aussi. 

Aujourd’hui, l’idéal est de re-dyna­mi­ser l’activité de pro­duc­tion dans la val­lée, afin qu’elle soit pour­voyeuse en terme d’emploi et de retom­bée fis­cale, pré­vient Fran­çois Tac­quard, pré­sident de la Com­mu­nau­té des Com­munes de la Val­lée de St Amarin. 

Cycla­men embau­che­rait 14 per­sonnes, pas for­cé­ment rési­dants dans la val­lée ou plus direc­te­ment de Mal­mers­pach. Mais quel cadeau est donc fait à l’industriel pour venir se perdre par ici ? 

Le pré­sident Tac­quard est remon­té contre notre asso­cia­tion ; Thur Eco­lo­gie & Trans­ports (TET), qui s’inquiète à juste titre, et à l’instar des rive­rains du site indus­triel, des divers risques de nuisance.

La Com­com, pro­prié­taire des bâti­ments concer­nés, affirme res­ter très atten­tive au pro­jet ain­si qu’aux suites qui seront don­nées par les ser­vices de la DREAL (direc­tion régio­nale de l’environnement, de l’aménagement) et de la Pré­fec­ture. En l’é­tat, selon Mr Tac­quard : « Aucun élé­ment por­té à notre connais­sance ne nous per­met de craindre un risque en matière de pol­lu­tion et donc à rompre les dis­cus­sions avec ce por­teur de pro­jet. » Par exemple : « cette acti­vi­té ne pré­sente pas de rejets d’eau liés à son pro­cess ou d’é­mis­sions gazeuses. »

Nous ne savions pas à TET, incultes que nous sommes, que le pré­sident Tac­quard avait des com­pé­tences en indus­trie Hi-tech. 

En effet, le recy­clage de mâche­fers non fer­reux, est une inno­va­tion, le nombre d’industriel déve­lop­pant cette tech­nique se compte dans le monde sur les doigts d’une main. 

Dans le cadre de la dite Finance verte et de la tran­si­tion éco­lo­gique, la récu­pé­ra­tion, le recy­clage, la trans­for­ma­tion, sont des fac­teurs clés, les indus­triels qui l’ont com­pris vont pou­voir se (re)faire une san­té mer­can­tile. Ce que se refuse de com­prendre – semble t‑il – des élus, comme Fran­çois Tac­quard et Eddie Stutz, maire de Mal­pers­pach, dont le mépris qu’ils portent envers les habi­tant-es inquiet-es et les asso­cia­tions ad-hoc (TET & Alsace Nature), est à la mesure de leur déon­to­lo­gie d’élu.

Ce n’est pour­tant pas parce qu’une indus­trie est hi-tech, et qu’elle œuvre dans le cadre de la finance verte, qu’elle ne soit pas poten­tiel­le­ment pro­duc­trice de nui­sances diverses et variées. Sur­tout si ce site de pro­duc­tion sera – pour le second semestre de cette année – une usine pro­to­type, nova­trice à la pointe de la tech­no­lo­gie, encore inédite en France, et rapa­triant ain­si une par­tie du recy­clage réa­li­sé manuel­le­ment en Asie. 

D’or et déjà, la pre­mière nui­sance sera le bruit ! Les rive­rains les plus proches, habitent à une tren­taine de mètres d’où les poids lourds vien­dront déver­ser leurs car­gai­sons de mâche­fers ; de 10 000 à 15 000 tonnes par an. De plus, abso­lu­ment rien ne per­met d’affirmer qu’il n’y aura jamais de déchets, ou d’émanations toxiques, échap­pés de la che­mi­née, ou ver­sés dans le sol, puis dans la Thur. La sépa­ra­tion d’alliage pro­duit des rési­dus chi­miques toxiques, le dépla­ce­ment de tonnes de matière pro­duit du bruit, entre­po­sées en par­tie dans un bâti­ment dans la façade n’est qu’un simple bar­dage non iso­lés. De plus, ces nui­sances seront per­ma­nentes puisque la pro­duc­tion sera exé­cu­tée 24h/24, dimanche et fériés com­pris ! L’inquiétude des rive­rains est à son comble : nous repro­dui­sons ici de larges extrait de la Lettre ouverte aux habi­tants de la val­lée de St Ama­rin, édi­tée par un col­lec­tif d’habitant-es de Malmerspach.

A la source de l’opposition

« Le 22 jan­vier 2019, seuls quelques rive­rains ont été conviés à une réunion d’in­for­ma­tion concer­nant les tra­vaux pré­vus pour l’é­vo­lu­tion du site, occa­sion éga­le­ment pour le PDG de la socié­té CYCLAMEN de pré­sen­ter son acti­vi­té. L’en­tre­prise pro­jette d’ins­tal­ler une usine pro­to­type, (…) La pré­sen­ta­tion for­ce­ment très théo­rique a sus­ci­té bon nombre de ques­tions, inquié­tudes et a rapi­de­ment pris forme de débat. Débat écour­té par le maire de MALMERSPACH qui, en fai­sant preuve d’un dédain non dis­si­mu­lé pour ses habi­tants inquiets, a indi­qué qu’il s’a­gis­sait d’une réunion d’in­for­ma­tion et non d’une concer­ta­tion. Nous avons éga­le­ment appris que ce pro­jet, était en cours de trac­ta­tion depuis près de deux ans, pro­jet SOUS SILENCE qui s’est dérou­lé dans la plus stricte confi­den­tia­li­té empê­chant qui­conque de s’y oppo­ser. Mon­sieur le Maire sous cou­vert de la pré­si­dence de la com­mu­nau­té de com­munes a mis tout le monde devant le fait accom­pli, de nom­breux acteurs ont été mis à l’é­cart, la majo­ri­té des habi­tants mais éga­le­ment le conseil muni­ci­pal de MALMERSPACH. » 

« C’est un déchet indus­triel spé­cial ou d’in­ci­né­ra­tion char­gé de cendres conte­nant de l’a­lu­mi­nium et des métaux lourd recon­nus comme toxiques pou­vant être source de pol­lu­tions notam­ment au contact de l’eau. Nous crai­gnons les cendres, les pous­sières vola­tiles, les éven­tuels rejets et micro­par­ti­cules, le risque de pol­lu­tion atmo­sphé­rique lié à cette acti­vi­té. Ega­le­ment, les dizaines de mètres cubes de sto­ckage pré­vus en exté­rieur en proie aux intem­pé­ries, pro­pice à une forte pol­lu­tion des sols. Qu’en sera il du trai­te­ment des effluents liquides ? Aucune mesure par­ti­cu­lière n’a pu nous être pré­sen­tée par la Com­com, ni par le maire, ni par l’in­dus­triel qui affirment sans preuve ni aucun anté­cé­dent véri­fiable, qu’il n’y aura rien à craindre. Nous nous sen­tons « cobayes » face à une acti­vi­té inédite, (…) ce qui ali­mente nos doutes sachant que d’autres usines pro­met­tant elles aus­si zéro pol­lu­tion se retrouvent régu­liè­re­ment au coeur de scan­dales sanitaires. » 

« Le plus aber­rant c’est que la com­mu­nau­té de com­munes pro­fi­tant de tra­vaux de mise aux normes, per­mette la trans­for­ma­tion du site pour que toute l’ac­ti­vi­té logis­tique de la socié­té se fasse à l’arrière des bâti­ments, en bor­dure de la zone indus­trielle pro­pre­ment dite, aux abords direct des habi­ta­tions de la rue des Vosges. Des familles habitent à quelques mètres de cette zone en plein air, ancien­ne­ment arbo­rée, jus­qu’a­lors dénuée d’ac­ti­vi­té où sont pré­vues le déchar­ge­ment des camions rem­plis de déchets indus­triels dans des bennes métal­liques, la cir­cu­la­tion des engins de chan­tier en manoeuvres pour ali­men­ter la ligne de triage impli­quant les bips de recul inces­sants. D’im­por­tantes nui­sances à proxi­mi­té immé­diate des ter­rasses et jar­dins fami­liaux où jouent les enfants. C’est une rue tota­le­ment sacri­fiée, tout un quar­tier dépré­cié, un vil­lage inquiet, nous ne com­pre­nons pas com­ment une socié­té de ce type peut s’im­plan­ter si près des habi­ta­tions sur­tout avec une acti­vi­té logis­tique en exté­rieur, de nom­breux foyers allant être impac­tés en dépit de toute considération. » 

« Nous ne sommes pas oppo­sés à une ré-indus­tria­li­sa­tion mais celle-ci doit être réflé­chie, cohé­rente, adap­tée au bâti­ment et à son envi­ron­ne­ment et non au mépris total de la san­té et de la quié­tude des habi­tants. Les nou­veaux arri­vants éga­le­ment heu­reux d’in­ves­tir dans un vil­lage pai­sible se sentent trom­pés, lésés par ce pro­jet caché mal­gré leur demandes de ren­sei­gne­ments avant achat. De nom­breux rive­rains veulent quit­ter la zone et vendre leurs mai­sons qui seront du fait com­plè­te­ment déva­luées, voire inven­dables? Com­ment envi­sa­ger un ave­nir serein pour le vil­lage et son école déjà en péril si les familles sont négli­gées au point de devoir fuir ? » (…) 

Des élus omnipotents

Lors de la céré­mo­nie des voeux du Maire 2019, Mr STUTZ a pré­sen­té le vil­lage comme le plus beau de la val­lée (sic). De nom­breuses requêtes res­tent en sus­pens c’est pour­quoi, le col­lec­tif des habi­tant-es comptent sur l’implication de leur conci­toyen-nes de la val­lée dans l’en­quête publique à venir. Ajou­tons que ce col­lec­tif a récla­mé une infor­ma­tion publique pour l’en­semble de la Com­com, demande jugée inutile et tou­jours sans réponse officielle. 

Le pré­sident Tac­quard pré­tend œuvrer pour l’environnement : « La Com­mu­nau­té de Com­munes æuvrepour faire dimi­nuer for­te­ment le nombre de poids lourds en tran­sit sur notre ter­ri­toire et qui ne par­ti­cipent pas à l’é­co­no­mie locale. ll s’a­git par exemple des liai­sons entre la Suisse et le Bene­lux.Mais en aucun cas ne sont concer­nés les véhi­cules de nos entre­prises ou trans­por­teurs locaux ».

Or avec la re-ter­ri­to­ria­li­té Grand-Est d’une part et l’accroissement des auto­mo­biles d’autre part – d’autant que la fré­quen­ta­tion du train est en baisse selon les vœux dis­si­mu­lés de la SNCF – la RN 66 est à nou­veau bien engor­gée. La volon­té annon­cée de l’in­ter­com­mu­na­li­té d’a­mé­lio­rer la cir­cu­la­tion en rédui­sant le nombre de poids lourds ne tient plus : avec Cycla­men, se sera au bas mot, une dizaine sup­plé­men­taire de 40 tonnes qui fera la navette depuis la région mul­hou­sienne et le port rhénan. 

Jus­te­ment, ne serait-il pas plus judi­cieux que ce type d’industrie s’installe à proxi­mi­té de ce port, proche donc du trans­port flu­vial, du trans­port fer­ré, et auto­rou­tier !? Et de per­mettre l’installation d’entreprise bien moins pol­luantes. Certes, le coût glo­bal serait plus consé­quent, mais sans réelle et tan­gible ambi­tion pour une tran­si­tion éco­lo­gique pers­pi­cace, ce type de pro­jet boite sur une jambe ; on recycle… c’est bien, au risque pour la san­té des popu­la­tions, la contra­dic­tion là, est contre pro­duc­tive sur le plan écologique !

Déci­dé­ment, nos élus n’ont ni l’ambition éco­lo, ni l’espoir pour un envi­ron­ne­ment sain pour leur admi­nis­trés. L’engagement et la pres­sion des habi­tant-es, accom­pa­gnés par TET et par Alsace Nature, conti­nue­ront la lutte pour cette occurrence.


Un article a paru dans le quo­ti­dien L’Al­sace du 30 mars en page locale. Celui-ci est non signé. Il s’a­git en fait un com­mu­ni­qué de presse (non pré­ci­sé) deman­dé par Cycla­men, où n’y figure que la posi­tion du res­pon­sable – ano­nyme – de la socié­té.
Ques­tion trans­pa­rence, mer­ci L’Al­sace !

Cycla­men le dit avec des fleurs…

A l’initiative du Maire Stutz, une réunion s’est tenue à la mai­rie de sa com­mune ce 26 mars. Motif, dépas­sion­ner le débat – il y a donc main­te­nant bien un débat !? – où furent invi­té deux habi­tants de Mal­mers­pach, ain­si que les repré­sen­tants d’Alsace Nature & de TET. Le repré­sen­tant de l’entreprise a déve­lop­pé ses argu­ments sur la non toxi­ci­té dû à la pro­duc­tion, sur le bilan car­bone faible consé­quent et sur la ques­tion du recy­clage en terme glo­bal pour l’environnement. Cela de manière pro­bante, puisque les expé­ri­men­ta­tions dans d’autres usines seraient plus que satisfaisantes (?) 

Le décla­ra­tions sur les nui­sances sonores dont s’inquiètent les rive­rains sont absentes de l’article.

Affaire à suivre…