Pho­to de Mar­tin Wilhelm 

Manifestation devant le tribunal judiciaire de Mulhouse 

L’in­ter­syn­di­cale CGT/FO/UNSA/CFTC/CFDT) appe­lait ce lun­di 13 sep­tembre à un ras­sem­ble­ment devant le palais de jus­tice de Mul­house, à 9h 30, pour dénon­cer les pour­suites enga­gées par le trans­por­teur public Soléa, à l’en­contre des syn­di­cats Force ouvrière et CGT pour des pré­avis de grève esti­més caducs. 

Selon les infor­ma­tions obte­nues par le jour­nal L’Al­sace, l’avocat de la direc­tion accu­se­rait le pré­avis de grève de la CGT d’être « impré­cis », et a décla­ré à pro­pos du pré­avis de FO, qu’il impli­que­rait une « mise en dan­ger des usa­gers, au moment de l’heure de débrayage et alors que le per­son­nel gré­viste se retrouve en plein milieu de son service ».

Le rap­port de force semble ain­si se tendre plus encore entre les sala­riés et leur direc­tion à l’oc­ca­sion de ce mou­ve­ment social. 

Inter­ro­gée par nos confrères de France Bleu, l’in­ter­syn­di­cale indi­quait n’a­voir « nul­le­ment l’in­ten­tion de relâ­cher la pres­sion et s’or­ga­nise pour inten­si­fier le mou­ve­ment ».

La déter­mi­na­tion syn­di­cale parait mani­feste, et elle s’ins­crit dans un contexte où la direc­tion a gelé les salaires, et ne sou­haite dia­lo­guer que sur quelques points liés aux condi­tions de tra­vail. Ain­si que l’illustre le cour­rier adres­sé par l’UNSA à la direc­tion géné­rale de l’en­tre­prise, ce 9 septembre :

Une orien­ta­tion sociale qui n’est plus guère audible pour les repré­sen­tants des sala­riés, tant la colère sociale et les frus­tra­tions se sont accu­mu­lées tout le long des mois d’ex­po­si­tion épi­dé­mique, pen­dant laquelle la com­pa­gnie de trans­ports publics mul­hou­sienne n’a jamais ces­sé de fonc­tion­ner, grâce à l’en­ga­ge­ment de la « deuxième ligne » consti­tuée par ses chauffeurs. 

Nous n’a­vons pas pu joindre la direc­tion de l’en­tre­prise de trans­port. Il se mur­mure cepen­dant que, outre une cadu­ci­té éven­tuelle des pré­avis de grève, la direc­tion repro­che­rait éga­le­ment à l’in­ter­syn­di­cale le choix d’une forme contes­table, sinon « per­lée », de grève. 

Retour sur la notion de grève

La grève est une ces­sa­tion col­lec­tive de tra­vail. C’est un droit indi­vi­duel, exer­cé col­lec­ti­ve­ment. Il n’est pas néces­saire que la ces­sa­tion de tra­vail ait été déclen­chée à l’ap­pel d’un syn­di­cat, celle-ci peut être déclen­chée spon­ta­né­ment, en réac­tion à une déci­sion de l’employeur.

L’ob­jec­tif des gré­vistes est de por­ter (ou rap­pe­ler) à la connais­sance de leur employeur des reven­di­ca­tions pro­fes­sion­nelles insatisfaites.

Aus­si éton­nant que cela puisse paraitre, il n’y a pas de défi­ni­tion légale de la grève. Aus­si, l’es­sen­tiel du droit appli­cable lors d’un arrêt de tra­vail a été défi­ni par la juris­pru­dence. C’est à dire par l’en­semble des appré­cia­tions lais­sées à l’oc­ca­sion d’un juge­ment par les tri­bu­naux ayant eu à connaitre des affaires liti­gieuses sur l’exer­cice pra­tique du droit de grève. 

La juris­pru­dence, dans le « silence » de la loi, défi­nit donc la grève comme une ces­sa­tion col­lec­tive et concer­tée de tra­vail en vue d’ap­puyer des reven­di­ca­tions professionnelles. 

La grève implique donc une ces­sa­tion totale du tra­vail. Tel n’est pas le cas de la « grève per­lée », dont cer­tains accusent abu­si­ve­ment les conduc­teurs de Soléa de vou­loir pratiquer. 

Les tri­bu­naux ont défi­ni la « grève per­lée » (ou slow­dowm en anglais) comme un ralen­tis­se­ment volon­taire de la pro­duc­tion ou du rythme de tra­vail. Il ne s’a­git plus de reven­di­quer, mais de nuire. 

La « grève per­lée » ne consti­tue donc pas une moda­li­té valable d’exercice du droit de grève. Elle est assi­mi­lée par le juge à une inexé­cu­tion fau­tive du contrat de tra­vail, ce qui auto­rise en théo­rie l’employeur à sanc­tion­ner le salarié.

Or les chauf­feurs gré­vistes de Solea cessent leur tra­vail tota­le­ment, sur des périodes courtes et répé­tées (que ce soit plu­sieurs jours par semaine, le matin ou l’a­près-midi), après dépôt d’un pré­avis (que la direc­tion de Soléa conteste for­mel­le­ment d’ailleurs). Au regard de la défi­ni­tion de la grève, cette moda­li­té d’action est donc par­fai­te­ment légale.

Par ailleurs, les appré­cia­tions des tri­bu­naux peuvent chan­ger après quelques temps. On parle alors de « revi­re­ment de juris­pru­dence ».

D’où le fait que sala­riés et employeurs se retrouvent sou­vent devant les tri­bu­naux pour récla­mer l’ar­bi­trage d’un juge. 

Il reste que le mou­ve­ment social au sein de l’en­tre­prise s’en­ra­cine et n’est vrai­sem­bla­ble­ment pas prêt de ces­ser. Les lignes Soléa seront donc tou­jours impac­tées mer­cre­di 15 sep­tembre par le mou­ve­ment de grève, cette fois entre 6h30 et 8h30. 

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