Vous ne trouverez pas, en Alsace, des monuments aux morts identiques à ceux du reste de la France : en effet, comment y inscrire en lettres d’or « morts pour la France » ! De facto, des milliers de victimes alsaciennes n’y trouveraient pas leur place. Ils sont pourtant morts durant une guerre en ne choisissant pas l’uniforme qu’il devait porter…
Dans les armées du Kaiser lors du 1er conflit car l’Alsace avait été cédée à la Prusse par le gouvernement français planqué à Bordeaux ; dans les armées nazies car l’Alsace avait été annexée de fait (et non occupée comme le reste de l’Hexagone) et que les Alsaciens étaient devenus des citoyens du 3e Reich. Ces milliers de morts alsaciens sont aussi les victimes des barbaries que les puissants avaient déclenchées pour des intérêts qui n’étaient que les leurs !
Comme le disait Paul Valéry, « La guerre, c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. »
Une heureuse initiative de la CGT Alsace et du DGB du Land de Hesse
Ainsi, le 8 mai de cette année, devant de nombreux monuments aux morts, élus et citoyens commémoreront la victoire de la France contre l’Allemagne en 1945. Alors qu’en Allemagne, bien évidemment, un silence pudique se fera dans les médias sur cette date.
C’est cette ineptie de l’histoire que la CGT Alsace et le syndicat allemand DGB de Süd-Hesse veulent rectifier. Car pour les deux organisations, le 8 mai n’est pas la simple victoire des Alliés contre l’Allemagne, mais c’est bien le nazisme qui fut vaincu. Nazisme dont le peuple allemand fut la première victime, du moins une partie du peuple : les progressistes, les communistes, les socialistes, etc. jusqu’à la Shoah dans laquelle les juifs n’avaient plus de nationalité.
Que des Allemands aient regardé ailleurs devant les atrocités nazies est un fait : mais le pouvoir de la terreur éteint parfois totalement le désir de résistance. De quel droit pouvons-nous aujourd’hui blâmer tout un peuple pour un passé qu’il a plus enduré que construit !
Les deux organisations syndicales proposent donc de faire du 8 mai 1945, la victoire de la liberté contre le nazisme. Le DGB demande d’ailleurs que le 8 mai soit également décrété jour férié en Allemagne.
Marcel Stoessel, figure emblématique
Projetée déjà en 2020, la cérémonie avait dû être reportée en raison de la situation sanitaire.
En cette année 2021, elle prendra la forme d’un hommage à Marcel STOESSEL à l’emplacement de sa tombe au cimetière de Mulhouse-Dornach (emplacement 33c) à 11 heures ce samedi 8 mai.
Marcel STOESSEL, né en 1904, ouvrier à la SACM, responsable cégétiste, était membre de la résistance dans le réseau WODLI. Il sera décapité en 1943 à Stuttgart.
Dans un communiqué commun, les deux syndicats annoncent que « la célébration sera prolongée par un échange en visioconférence avec les représentants du syndicat allemand, empêchés une nouvelle fois d’être physiquement présents.
Après deux éditions similaires en 2018 et 2019 respectivement à Schiltigheim et à Hoechst en Allemagne, cette commémoration s’inscrit dans une volonté conjointe de la CGT Grand Est et de la DGB Süd-Hessen de célébrer la date, non comme la fin d’un affrontement militaire entre deux nations, mais en tant que libération commune de l’oppression exercée par le hitlérisme et le fascisme sur les deux peuples de part et d’autre du Rhin. »
A l’heure où, dans nos deux pays, on constate une montée de l’influence et de l’action des groupes d’extrême-droite, au moment où à Madrid, les fascistes héritiers de Franco sont aux portes du pouvoir, où en Italie, la Ligue du Nord a occupé des postes ministériels importants, il est temps de faire un rappel de l’histoire.
Des populations manquant de perspectives politiques ou sociales, avec un sentiment d’abandon de la part des partis de gouvernement qui se sont succédés en pratiquant des politiques de reculs sociaux considérables et qui annoncent qu’ils n’ont pas encore fini le travail, deviennent la proie facile à des discours dénonciateurs même s’ils sont dénués de toute autre alternative.
Il y a, dans l’histoire du XXe siècle des faits à réactualiser et à les expliciter en les remettant dans leur contexte. Bertolt Brecht écrivait dans sa pièce « La résistible ascension d’Arturo Ui » : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. »
Il faut saluer l’initiative commune de la CGT Alsace et du DGB de Süd-Hessen qui font une analyse convergente et appellent à l’action pour que l’histoire ne se répète pas. La victoire sur le nazisme actée le 8 mai 1945 est une date qui ne doit pas exaltée les nationalismes et les patriotismes, mais le terrassement d’un régime qui a semé le malheur partout où il s’est imposé.
NB : Un moment convivial avec petite restauration sera organisé à l’issue de la commémoration dans la cour de l’UD CGT, 4, rue du Pommier à Mulhouse
Le titre porte à confusion ! le 8 mai 1945 N’EST PAS UN ARMISTICE. c’est la CAPITULATION DU IIIe REICH NAZI.
La complexité des 3 départements 57–67-68 « annexés de fait » lors de l’armistice du 20 juin 1940 signé par Pétain, à Versailles – demande un développement plus précis afin d’éviter la confusion avec l’annexion de 1871 – signifiée dans le Traité de Francfort.
Cette situation complexe et trop souvent mal connue doit être transmise pour élargir les connaissances historiques et la compréhension des enjeux et rapports de forces.
Merci Arlette pour ce commentaire.
Vous avez raison: la réalité c’est bien une capitulation de l’Allemagne, voire même une reddition…
Il n’en reste pas moins que l’intitulé officiel du 8 mai est bien armistice… sûrement mal approprié et j’aurai dû être plus attentif avant de titrer ainsi.
Mais le corps de l’article n’est pas ce sujet: il est celui de récuser le fait d’assimiler l’Allemagne nazi à tout le peuple allemand; en omettant de rappeler que les premières victimes du nazisme étaient des citoyens allemands dont les opinions politiques étaient inacceptable pour les nazis… Notre démarche éditoriale est de soutenir la demande du DGB de faire du 8 mai un jour férié aussi en Allemagne… ce qui donnerait un sens plus juste politiquement et nous permet de rendre cette commémoration très ccontemporaine devant la montée de l’extrême-droite dans de plus en plus de pays à l’échelle du monde. Commémorer le passé n’a de sens que si les mots parlent aux contemporains…
Mais cela pourrait faire partie d’une table ronde que nous pourrions faire pour L’Alterpresse: nous pourrions y inviter Raymond Ruck et Daniel Muringer en plus de toi. Vois-tu une autre personne à solliciter…
Bien amicalement
Michel Muller