« Renon­cer à sor­tir du Grand-Est a été un sacrifice » 

L’Alterpresse : « Il n’y aura donc pas de sta­tut par­ti­cu­lier pour l’Alsace mais une col­lec­ti­vi­té à com­pé­tences par­ti­cu­lières » a décla­ré la ministre de la Cohé­sion des ter­ri­toires et des Rela­tions avec les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, Jac­que­line Gou­rault. Pou­vez-vous nous dire ce qu’il en est exactement ?

Extrait audio:

Bri­gitte Klin­kert : L’Alsace va avoir une orga­ni­sa­tion unique en France, du « cou­su-main » comme l’a dit le Pre­mier Ministre. Le tra­vail que nous avons fait avec Fré­dé­ric Bier­ry a été une véri­table co-construc­tion avec l’État de cette future col­lec­ti­vi­té qui prend en compte, et il faut le sou­li­gner parce que c’est assez nou­veau dans notre pays, les spé­ci­fi­ci­tés, les par­ti­cu­la­ri­tés d’un ter­ri­toire, en l’occurrence l’Alsace.

Les com­pé­tences qui vont nous être trans­fé­rées par l’État sont des com­pé­tences que nous avons deman­dées du fait de la situa­tion par­ti­cu­lière de l’Alsace dans le Bas­sin Rhé­nan et du fait des atouts aus­si de l’Alsace au contact avec nos voi­sins suisses, du nord-ouest de la Suisse et nos voi­sins du Bade-Wurtemberg.

Le cœur du pro­jet, c’est l’Europe, c’est l’ouverture de l’Alsace sur ses voi­sins alle­mands et suisses. Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un pro­jet d’ouverture, inno­vant et qui va de l’avant.

Il est inno­vant puisque l’Alsace va deve­nir le labo­ra­toire de l’innovation euro­péenne de la France mais aus­si de l’Europe. Et éga­le­ment en termes de décen­tra­li­sa­tion et d’expérimentation de ce qui sera pro­po­sé par la dif­fé­ren­cia­tion : le Pre­mier ministre nous a dit que cet accord que nous avons scel­lé ensemble sera une pre­mière étape et que par la suite, dans le cadre du droit à la dif­fé­ren­cia­tion qui va faire l’objet de la révi­sion de la Consti­tu­tion, de nou­velles com­pé­tences pour­raient être don­nées à l’Alsace.

Les com­pé­tences de la Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace (CEA)

Bri­gitte Klin­kert : C’est d’abord le lea­der­ship du trans­fron­ta­lier dans l’espace du Rhin supé­rieur, cela veut dire que la col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace pour­ra se sai­sir et aura le lea­der­ship sur tous les pro­jets du moment qu’ils sont transfrontaliers.

L’A : Cela concerne éga­le­ment les ques­tions du tra­vail transfrontalier ?

BK : Ce qui est cité dans l’accord de Mati­gnon : des élé­ments de l’après-Fessenheim, le pro­jet de liai­son fer­ro­viaire Col­mar-Fri­bourg et sont éga­le­ment cités, mais à titre d’exemple uni­que­ment, des pro­jets qui ont lien avec la san­té. Après il y a ce qu’il a dans le texte et ensuite la manière dont on porte les pro­jets et com­ment on les fait vivre. Le trans­fron­ta­lier, où nous serons, et cela est expres­sé­ment dit dans l’accord de Mati­gnon, le labo­ra­toire expé­ri­men­tal du droit d’option qui va être ins­crit dans le trai­té de l’Élysée qui sera signé en jan­vier pro­chain entre la France et l’Allemagne. C’est un moment très important.

Un droit d’option aux entreprises !

L’A : Que veut dire « droit d’option » ?

BK : Cela signi­fie que, par exemple pour un pro­jet ou une entre­prise qui vien­drait s’installer de côté alsa­cien du Rhin, on pour­rait choi­sir entre le droit fran­çais ou le droit alle­mand, entre autres le droit du tra­vail. Mais là je ne veux pas trop m’avancer car c’est le Trai­té de l’Élysée*qui sera signé le 22 jan­vier pro­chain dans lequel, figu­re­rait ce droit d’option, soit le droit alle­mand, soit le droit fran­çais et qui concer­ne­rait les zones frontalières. 

L’A : Qui serait sus­cep­tible d’actionner l’application de ce droit d’option ?

BK : Tout cela est encore en construc­tion mais c’est déjà impor­tant qu’il figure dans le Trai­té de l’Élysée pour un cer­tain nombre de zone dont l’Alsace. Je ne peux en dire plus mais c’est quelque chose de nou­veau qui n’existait pas jusqu’à pré­sent et qui va, me semble-t-il, dans le bon sens.

L’A : Com­ment cela pour­rait-il s’appliquer, ce serait par un accord des par­te­naires sociaux ?

BK : Que ce soit l’accord de Mati­gnon ou le Trai­té de l’Élysée, ce sont des décla­ra­tions poli­tiques qui doivent être sui­vies par les moda­li­tés juri­diques, finan­cières et d’organisation.

Il faut encore ajou­ter à pro­pos du trans­fron­ta­lier que le pré­sident ou la pré­si­dente de la Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace va co-pré­si­der aux côtés du pré­fet de Région toutes les réunions trans­fron­ta­lières concer­nant le Rhin supé­rieur. Par­tout ailleurs, ce sera le pré­fet de Région avec le Pré­sident de la Région.

Le bilin­guisme pour l’emploi

Autre com­pé­tences impor­tantes : nous allons aux côtés de l’Éducation natio­nale, avoir des com­pé­tences dans le domaine du bilin­guisme et un pôle d’excellence du bilin­guisme sera mis en place en  Alsace, ce qui n’existe nulle part ailleurs pour pilo­ter ou co-pilo­ter la poli­tique du bilin­guisme. Cela va nous don­ner la capa­ci­té, par exemple, aux côté de l’Éducation Natio­nale, qui a beau­coup de mal à recru­ter des pro­fes­seurs d’allemands car pour cette année, seul la moi­tié des postes mis au concours d’allemand pour le CAPES ont été pour­vu, de recru­ter  des ensei­gnants, pas des pro­fes­seurs qui auront le CAPES, mais des per­sonnes qui ont des capa­ci­tés en alle­mand ou qui ont des diplômes alle­mands, soit le cas échéant des étu­diants en fin d’étude en alle­mand qui seraient prêts à venir en Alsace.

 L’objectif est d’apprendre l’allemand aux jeunes alsa­ciens car il y a des pos­si­bi­li­tés énormes d’emplois dans les années à venir : dans les 15 années à venir, 30.000postes seront offerts à des Alsa­ciens qui sont bilingues. Mais c’est aus­si, et cela nous semble impor­tant, de don­ner envie aux jeunes Alsa­ciens d’apprendre l’allemand, don­ner envie en déve­lop­pant des échanges de part et d’autre du Rhin entre jeunes Badois et Alsa­ciens pour qu’ils se fassent des copains et des copines pour qu’ils res­sentent éga­le­ment ain­si l’intérêt d’apprendre l’allemand.

Vers une éco­taxe en Alsace ?

Troi­sième com­pé­tence impor­tante, c’est le trans­fert des routes natio­nales et des auto­routes non-concé­dées, de la part de l’État vers la CEA. Il faut juste savoir qu’aujourd’hui les Régions de France demandent à l’État de béné­fi­cier de cette compétence.

Ici, ce sera la Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace qui se ver­ra trans­fé­rer ces routes avec, et cela est ins­crit dans l’accord de Mati­gnon, la pos­si­bi­li­té de mettre en place un méca­nisme de régu­la­tion du tra­fic de tran­sit puisque nous avons là un grand sou­ci avec le report du tra­fic poids-lourds de tran­sit qui pas­sait en Alle­magne. Depuis la mise en place de la « Maut » (péage en alle­mand, ndlr), une grand par­tie de ce tra­fic passe main­te­nant sur l’axe rou­tier alsa­cien. Et c’est cette par­ti­cu­la­ri­té de l’Alsace dans le bas­sin rhé­nan avec l’autoroute alle­mande d’un côté du Rhin et l’axe rou­tier alsa­cien de l’autre,que nous avons expli­qué à Paris et qui a été bien com­prise par la Ministre du Trans­port et le Pre­mier Ministre.

Sur l’é­co­no­mie:

Nous avons une capa­ci­té à agir dans le domaine de l’économie et plus spé­cia­le­ment du tou­risme, puisque la des­ti­na­tion Alsace va être gérée par la CEA et avec tout ce qui est l’animation et la coor­di­na­tion touristique.Nous en sommes heu­reux, car les enjeux sont impor­tants, l’Alsace est une marque tou­ris­tique. Je vous par­lais du trans­fron­ta­lier, eh bien il y a une grande demande de nos voi­sins alle­mands voire suisses, de tra­vailler ensemble dans le domaine du tou­risme. Cela à l’air évident, mais aujourd’hui cela ne se fait pas ou très très peu.

La marque « Alsace »

La CEA va éga­le­ment gérer la marque Alsace et donc l’attractivité de notre Région. Nous aurons éga­le­ment (mais dans le cadre du dépous­sié­rage de la loi Notre qui est en cours) la capa­ci­té à agir dans l’économie de proxi­mi­té ; cela a failli être dans l’accord de Mati­gnon, cela n’est pas le cas mais figu­re­ra dans le dépous­sié­rage de la loi Notre.

 Et puis, il y avait une forte demande de la part des clubs spor­tifs ou de fédé­ra­tions cultu­relles pour avoir la capa­ci­té de s’organiser à l’échelle de l’Alsace. Ce sera doré­na­vant le cas pour les Fédé­ra­tions spor­tives, cultu­relles et socio­pro­fes­sion­nelles qui le souhaitent.

Et puis, enfin, l’Alsace est de retour sur la carte de France à tra­vers cette col­lec­ti­vi­té à l’horizon 2021. Mais nous avions aus­si dis­pa­ru des sta­tis­tiques puisqu’il n’y avait plus que des sta­tis­tiques à l’échelle du Grand Est. Il est acté dans l’accord de Mati­gnon que les sta­tis­tiques se feront à nou­veau à l’échelle de l’Alsace.

Et cerise sur le gâteau, car nous savons que les Alsa­ciens y sont très sen­sibles et c’était notre demande, nous pour­rons à nou­veau mettre le logo de l’Alsace sur les plaques d’immatriculation. On était nom­breux à le faire, moi la pre­mière, c’était illé­gal, cela va de nou­veau être pos­sible dans un cadre légal.

L’A : Ce qui nous inter­pelle c’est l’absence de com­pé­tence comme celle sur l’environnement ?

BK : Il y a effec­ti­ve­ment d’autres com­pé­tences que nous sou­hai­tons. Cela devrait se faire dans le cadre de la révi­sion de la Consti­tu­tion et de la recon­nais­sance du droit à la dif­fé­ren­cia­tion. Le pre­mier Ministre nous a dit clai­re­ment qu’il s’agissait d’une pre­mière étape que nous signons mais que dans le cadre de la « dif­fé­ren­cia­tion », nous pour­rons deman­der et obte­nir d’autres compétences.

Il y a par exemple la ges­tion des cré­dits euro­péens qui devraient d’une manière évi­dente être gérés par l’Alsace, il y a la ges­tion du Rhin… 

C’est une pre­mière étape qui va déjà nous deman­der un gros tra­vail pour la mise en œuvre. Il y a main­te­nant la pré­pa­ra­tion de la loi, le gou­ver­ne­ment veut aller vite,  qui devrait pas­ser au Par­le­ment dans les trois mois à venir. Cela veut dire pré­pa­rer cette loi avec  le gou­ver­ne­ment et les par­le­men­taires bien sûr, pour qu’elle soit cohé­rente avec ce que nous avons signé avec le Pre­mier Ministre.

Et puis, deuxième tra­vail d’ampleur, c’est le rap­pro­che­ment, ou plus exac­te­ment la conver­gence des poli­tiques entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Certes dans la majo­ri­té des poli­tiques nous agis­sons de la même façon mais il y a tout de même des dif­fé­rences. L’objectif n’est pas de tout uni­for­mi­sé : à l’échelle de l’Alsace nous ne vou­lons pas faire œuvre de jaco­bi­nisme au contraire. S’il y a des actions qui sont bonnes dans le Haut-Rhin et que le Bas-Rhin ne sou­haitent pas les mettre en place, eh bien on main­tien­dra les choses en état. Nous allons essayer de faire conver­ger au maxi­mum mais sur­tout pas d’uniformiser.

L’A : Il n’ y a pas de risque de voir une Euro­mé­tro­pole Stras­bourg deve­nir le Grand Lyon qui s’impose sur tout le dépar­te­ment du Rhône, voir au-delà…

BK : Non, cela a été dit clai­re­ment à plu­sieurs reprises. Il y aura des grandes métro­poles en France mais Stras­bourg gar­de­ra le sta­tut qu’elle a actuellement.

L’A : Le débat actuel autour du futur siège de la CEA inter­pelle. C’est bien que les élus des deux Conseil dépar­te­men­taux réunis lun­di 26, adoptent une réso­lu­tion à l’unanimité pour sou­te­nir la créa­tion de la CEA,…

BK : … c’est juste énorme, il ne faut pas le minimiser !

L’A : Ce n’est pas ce que nous fai­sons tout en consta­tant que cer­tains ne se sont pas expri­més par le vote

BK : Je peux vous dire que tous les élus qui ont vou­lu s’exprimer l’on fait. Évi­dem­ment, dans une assem­blée de 80 élus, il n’est pas pos­sible que tout le monde prenne la parole mais je peux vous dire que s’il y avait des élus qui n’étaient pas d’accord, ils se seraient expri­més. L’union qui a été mon­tré lors de cette réunion est une union solide et qui l’est parce que depuis le départ, que ce soit Fré­dé­ric Bier­ry ou moi, tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait en accord avec nos assem­blées. Nous n’avons pas joué cava­lier seul, nous avons tou­jours fait le repor­ting qu’il fal­lait et  veiller à avoir le sou­tien  des élus. Vrai­ment, il ne faut pas mini­mi­ser cette unité. 

Le sacri­fice de la sor­tie du Grand Est

L’A : Quand M. Rott­ner, dans lors du Conseil Régio­nal du Grand Est, mini­mise cet accord en le décri­vant comme n’étant ni plus ni moins que la créa­tion d’un seul dépar­te­ment avec les com­pé­tences liées à cette orga­ni­sa­tion admi­nis­tra­tive, ce n’est pas très ras­su­rant. Car s’il y a un accord una­nime sur les prin­cipes mais qu’il n’y a pas d’accord sur les compétences…

BK : Je puis vous dire qu’il y a un an, Fré­dé­ric Bier­ry et moi, deman­dions la sor­tie de l’Alsace du Grand Est. Clai­re­ment. Le pré­sident de la Répu­blique quand nous l’avons vu en octobre der­nier à Stras­bourg, nous adit que nous ne sor­ti­rons pas du Grand Est mais nous a affir­mé que nous pour­rions ima­gi­ner une col­lec­ti­vi­té qui réponde au « désir d’Alsace », à l’époque il par­lait plu­tôt du « malaise »alsa­cien.

Cela a été pour nous un sacri­fice de renon­cer à la sor­tie du Grand Est. Mais nous avons esti­mé, et Fré­dé­ric Bier­ry et moi, avec nos conseillers dépar­te­men­taux, que c’était cer­tai­ne­ment encore l’unique occa­sion de créer une col­lec­ti­vi­té d’Alsace et que si nous lou­pions cette occa­sion, s’en était fini pour l’avenir de l’Alsace. Nous avons donc pris la perche que nous ten­dait le Pré­sident de la Répu­blique : nous avons bâti avec le gou­ver­ne­ment un pro­jet qui, si nous avions esti­mé qu’il n’était pas à la hau­teur des demandes de l’Alsace et des Alsa­ciens, nous ne l’aurions pas signé.

Un accord âpre­ment discuté

Et, je le redis, cet accord de Mati­gnon a été signé le lun­di 29 octobre dans l’après-midi. Le ven­dre­di pré­cé­dent, c’est-à-dire trois jours avant, quand nous avons ren­con­tré Mme Gou­rault, nous n’étions pas prêts à signer le texte qu’elle avait pré­pa­ré. Ce texte, de 2 ou 3 pages le ven­dre­di matin, est pas­sé à une dizaine de pages le lun­di après-midi ! C’est dire que nous avons tra­vaillé jour et nuit et jusqu’à la der­nière seconde dans le bureau du Pre­mier Ministre où il était ques­tion un moment don­né de nous reprendre une des com­pé­tences… Nous avons dit, Fré­dé­ric Bier­ry et moi, que dans ces condi­tions nous ne signe­rions pas ! Il y a donc eu des négo­cia­tions jusqu’au der­nier moment et si nous avions esti­mé que le texte final n’était pas à la hau­teur des ambi­tions de l’Alsace, nous ne l’aurions pas signé.

L’A : Les trois mois à venir seront cru­ciaux, le Conseil d’État doit éga­le­ment se prononcer.Or, l’expérience qu’on les Alsa­ciens avec les pou­voirs cen­traux, quelque soit le côté du Rhin qu’ils soient, montrent que les pro­messes n’aboutissent pas tou­jours concrè­te­ment. Ce qui semble un peu absent dans la démarche, c’est la par­ti­ci­pa­tion citoyenne même si les asso­cia­tions ont fait un tra­vail remar­quable. Pen­sez-vous asso­cier les citoyens dans les pro­chaines démarches pour éla­bo­rer la loi défi­ni­tive ? Pour­quoi ne pas ima­gi­ner des mesures démo­cra­tiques inno­vantes pour asso­cier les Alsa­ciens à ce qui les concerne au pre­mier chef ? Puisque les son­dages montrent que les Alsa­ciens  conti­nuent d’être réti­cents au Grand Est…

BK : C’est la rai­son pour laquelle nous avons lan­cé, au prin­temps der­nier, la consul­ta­tion citoyenne qui a per­mis à 20.000 Alsa­ciens de nous appor­ter leurs élé­ments sur le fonds de notre pro­jet. Ce n’est pas rien et le pro­jet que nous avons signé le 29 octobre à Mati­gnon tient compte des pro­po­si­tions faites dans le cadre de cette consul­ta­tion. Il faut dire qu’entre les pro­po­si­tions de fonds faites par les Alsa­ciens et le pro­jet que nous por­tons, il y a une adé­qua­tion qua­si-totale. Évi­dem­ment, ce tra­vail de deux ans que nous allons faire, il va fal­loir conti­nuer de le faire avec les Alsa­ciens :les élus, les asso­cia­tions mais éga­le­ment avec les citoyens qui sont prêts à s’engager. Sur la forme, nous ne l’avons pas encore tota­le­ment déci­dé, mais la volon­té de nos deux assem­blées est d’aller dans ce sens là.

Et nous avons la chance, nous conseillers départementaux,d’être des élus de proxi­mi­té. Donc d’être inter­pel­lés chaque jour dans la rue parce qu’on nous connaît. Et cela je dois le dire est un atout, car quand les choses vont mal et qu’on porte un pro­jet qui ne plaît pas, on nous le dit.Aujourd’hui, les Alsa­ciens nous remer­cient et nous féli­citent pour le projet.

Si nous y sommes arri­vés, jamais comme jamais aupa­ra­vant il y a eu une telle uni­té entre les Bas-rhi­nois et les Haut-rhi­nois et jamais nous n’avons été lit­té­ra­le­ment por­té par les Alsa­ciens pour abou­tir à ce pro­jet. Eh bien dans les deux années à venir il faut, et nous allons le faire, conti­nuer à tra­vailler avec les Alsa­ciens, sur le fond.

Le RSA Bénévolat

L’A : Par­lons à pré­sent du RSA béné­vo­lat. Les asso­cia­tions de béné­fi­ciaires font valoir des argu­ments sur la nature des enga­ge­ments à prendre, que pen­sez-vous de leurs argu­ments ? Selon elles, les allo­ca­taires seraient dans l’obligation d’accepter ce bénévolat

BK : En toute fran­chise et en toute trans­pa­rence, il faut dire que le RSA béné­vo­lat est plé­bis­ci­té ! Nous avions la semaine der­nière une réunion avec tous les par­te­naires, y com­pris les repré­sen­tants des asso­cia­tions de béné­fi­ciaires du RSA pour faire un constat et les évo­luions car nous sommes là aus­si pour amé­lio­rer les choses.

Il y a plus de 1400 de mis­sions béné­vo­lat qui sont pro­po­sées par 148 struc­tures dif­fé­rentes et qu’il y a un mil­lier de contrat d’engagement réci­proque qui porte la men­tion « béné­vo­lat ».  Sur un total d’environ 17.000 bénéficiaires.C’est un suc­cès car si vous avez un mil­lier d’engagements béné­voles, cela veut dire que ce sont des per­sonnes qui, dans leur vie, ont un objec­tif, crée de nou­veau du lien social et pour cer­tains d’entre eux peuvent retrou­ver un emploi.

Car lorsqu’on a de nou­veau une acti­vi­té, on retrouve des habi­tudes comme se lever le matin, car même si on est béné­vole, on s’est enga­gé et il faut être là. Je ne peux que me féli­ci­ter de la mise en place de ce dispositif.

Le but pour nous est de réin­sé­rer par le travail.

L’A : Des asso­cia­tions consi­dèrent qu’il y a dis­sy­mé­trie entre les exi­gences sou­mises à l’al­lo­ca­taire du RSA et celles du réfé­rent départemental 

BK : Pour nous l’objectif pre­mier, et quelque soit le moyen par lequel on passe, est de retrou­ver du tra­vail. Mais on sait que mal­heu­reu­se­ment d’entre eux pour des rai­sons de san­té ou des rai­sons sociales,ne retrou­ve­ront pas d’emploi. Ce n’est pas une rai­son de ne pas les accom­pa­gner. Nous avons la chance dans notre dépar­te­ment d’avoir des agents très enga­gés qui font un sui­vi indi­vi­duel de cha­cune des bénéficiaires.

Sor­tons de la tête des gens que nous obli­geons les gens à faire du béné­vo­lat. Si tel était le cas, ce ne serait plus du béné­vo­lat ! Ce ne sont pas les consignes don­nées à nos équipes.

L’A : Il n’y a pas de sanc­tions en cas de refus…

BK : Bien sûr que non !

L’A : Mais en même temps se pose l’arrêt du Conseil d’État qui consi­dère que s’il ne peut y avoir obli­ga­tion, comme pour tout deman­deur d’emploi, dès lors que c’est men­tion­né sur le contrat d’en­ga­ge­ment, cela devient obligatoire !

BK : Le Conseil d’État nous donne plu­tôt rai­son en l’occurrence ; Il n’y a pas d’obligation mais évi­dem­ment nous deman­dons une signa­ture. Mais je répète que si on s’engage dans une asso­cia­tion, on a un enga­ge­ment moral à son égard car elle compte sur vous. Il faut donc inci­ter et non pas obli­ger le béné­fi­ciaire du RSA : lorsqu’on appose sa signa­ture au bas d’un for­mu­laire ou d’un contrat d’engagement,  est un enga­ge­ment moral pour nous, il l’est éga­le­ment pour le béné­fi­ciaire car il n’y a pas obli­ga­tion. Mais cela a plus de valeur que s’il n’y avait pas de signa­ture. C’est vrai­ment, croyez-moi, l’état d’esprit de ce RSA Bénévolat. 

L’A : De fait, le Conseil dépar­te­men­tal ne sanc­tionne pas ?

BK : Non, les béné­fi­ciaires du RSA le savent. C’est dans un sens posi­tif, les aider à remettre le pied à l’étrier…

L’A : Sait-on com­bien de per­sonnes ont retrou­vé du tra­vail grâce à ce dispositif ?

BK : Il y en a quelques uns mais bien sûr sur un panel de 1.000 per­sonnes, les résul­tats ne sont pas signi­fi­ca­tifs… Mais s’il n’y en a qu’une ou deux per­sonnes qui retrouvent un emploi, c’est impor­tant pour nous…

L’A : Dans une récente enquête du Pari­sien, on a pu lire que vous aviez embau­ché un char­gé de mis­sion pour véri­fier les offres…

BK : Pour contrô­ler, dirais-je…

L’A : Pour évi­ter les ten­ta­tions d’employeur d’utiliser le RSA Béné­vo­lat à des fins de tra­vail dis­si­mu­lé sous cou­vert de bénévolat

BK : je ne peux même pas dire qu’ils sont ten­tés :nous fai­sons tout pour veiller à ce que ce soit bien des mis­sions de béné­voles qui ne viennent pas rem­pla­cer un tra­vail sala­riés. C’est le rôle assi­gné à ce char­gé de mission.

 

Pro­pos recueillis par Mario Di Ste­fa­no, Luc Ueber­schlag et Michel Muller