Les « cahiers de doléances » ont été rédi­gés en mars-avril 1789 par la noblesse, le cler­gé et le Tiers-Etat pour ser­vir aux États géné­raux convo­qués par Louis XVI pour le 1er mai 1789. Ils contiennent les plaintes et les vœux des popu­la­tions que doivent pré­sen­ter les dépu­tés élus aux États géné­raux. Pour le Tiers-Etat, les opé­ra­tions se sont dérou­lées en trois temps don­nant lieu, à chaque étape, à la rédac­tion d’un cahier : cahiers des villes, paroisses, com­mu­nau­tés de métiers de l’as­sem­blée préliminaire,cahiers des bailliages secon­daires, cahier du bailliage principal.

Les doléances por­taient sur plu­sieurs domaines :

- les impôts, jugés trop lourdes et injustes,

- les privilèges,

- le sys­tème sei­gneu­rial, notam­ment en matière de justice ;

- l’accaparement des emplois publics par la noblesse

- le contrôle des impôts par les États Généraux.

Les reven­di­ca­tions les plus fré­quentes concernent les impôts. Les textes font appa­raître des divi­sions au sein du Tiers-État. Ain­si, le cahier des labou­reurs et ouvriers de Pont‑L’Abbé cri­tique les bour­geois qui ont refu­sé de tenir compte des doléances des labou­reurs et ouvriers (pay­sans sala­riés pauvres).

Plus de 60000 de ces cahiers rédi­gés par des curés, des notaires, des avo­cats, des membres de cor­po­ra­tions ont ain­si été consti­tués dans toute la France. Des cahiers par­ve­nus jus­qu’à notre époque, il se dégage un ensemble de points qui semble faire l’u­na­ni­mi­té des trois ordres.

  • On reste, dans l’en­semble, fidèle au Roi mais on sou­haite limi­ter le pou­voir royal
  • On sou­haite une consti­tu­tion garante de la liber­té indi­vi­duelle mais le régime par­le­men­taire est très peu évoqué.
  • On veut l’é­ga­li­té de tous devant l’im­pôt. Éga­li­té des per­sonnes mais aus­si éga­li­té des provinces.
  • On demande la sup­pres­sion des abus de jus­tice et une refonte des ins­ti­tu­tions judiciaires.
  • On demande la sup­pres­sion de la véna­li­té des charges

L’analogie avec le mou­ve­ment des Gilets jaunes est fla­grante. Le pou­voir royal a éga­le­ment dénon­cé le carac­tère hété­ro­clite des doléances, a mis en avant l’inorganisation entre autres du Tiers État (avec les inté­rêts contra­dic­toires entre la bour­geoi­sie et les ouvriers-pay­sans coha­bi­tant dans le même ordre) pour contes­ter les reven­di­ca­tions sur­tout celles du Tiers État qui demande une réforme consti­tu­tion­nelle. C’est pour­quoi Louis XVI ras­semble alors des troupes pour dis­soudre cette assem­blée de récal­ci­trants le 21 juin 1789. Trois semaines plus tard, le 14juillet, la Bas­tille tom­ba, la Révo­lu­tion fran­çaise débu­ta, dont les thèses des phi­lo­sophes des Lumières furent les annonciateurs.

Quand cer­tains (et pas seule­ment des macro­nistes) reprochent aux Gilets Jaunes de ne pas avoir des reven­di­ca­tions cohé­rentes, c’est un men­songe des­ti­né à déna­tu­rer le mou­ve­ment, à lui ôter une légi­ti­mi­té que le sou­tien de 80% des Fran­çais lui octroie.

L’autre reproche, ne pas être « orga­ni­sé », ne pas avoir de porte-parole, est éga­le­ment à mettre sur le compte d’une volon­té de mani­pu­la­tion : qu’auraient-ils à négo­cier, les Gilets jaunes ? Négo­cier, cela veut dire arri­ver à un com­pro­mis. Or, les reven­di­ca­tions posées (voir ci-des­sous) ne souffre pas de com­pro­mis : il n’y a pas besoin de « négo­cia­tions » pour appli­quer une aug­men­ta­tion du SMIC, le réta­blis­se­ment de l’ISF, de déci­der de la fin du CICE.

Mais s’il y a, de la part du pou­voir, une ten­ta­tion de récu­pé­ra­tion du mou­ve­ment. Il y a pour­tant de fortes chances que cela ne fonc­tion­ne­ra pas. Les « Gilets jaunes »posent un pro­blème démo­cra­tique : en déniant à quelques repré­sen­tants« auto­pro­cla­més » porte-parole, de les repré­sen­ter ils mettent en avant une forme de démo­cra­tie directe en vou­lant don­ner la parole au peuple. L’existence de réseaux sociaux per­met de lever pour une part l’obstacle de la dif­fi­cul­té d’organiser des consul­ta­tions populaires.

C’est là, à mon avis, que réside la plus grande peur des pou­voirs actuels. Non seule­ment Macron et son gou­ver­ne­ment, mais aus­si les autres par­tis qui ont tout à craindre de l’irruption de cette exi­gence de démo­cra­tie directe qui ramène les dépu­tés à être les repré­sen­tants de ceux qui les élisent et non pas de leur parti.

Si d’aventure, et cela pour­rait très bien se faire, le pou­voir arrive à cir­con­ve­nir quelques Gilets jaunes pour obte­nir un accord ne satis­fai­sant pas la base, le mou­ve­ment ne se ter­mi­ne­rait pas même si les mani­fes­ta­tions pour­raient ces­ser. La colère qui s’exprime actuel­le­ment est trop forte pour être balayée par des manœuvres poli­ti­ciennes. Tôt ou tard, elle res­sur­gi­ra, encore plus radi­cale qu’elle ne l’est : il serait donc vain, voire tra­gique, de ne pas répondre aux exi­gences popu­laires même, et sur­tout, si celles-ci posent des pro­blèmes de fonds liés à la dis­tri­bu­tion des richesses, à une fis­ca­li­té plus juste, à des modi­fi­ca­tions démo­cra­tiques fondamentales…

On peut virer tout cela par­la porte, mais elles revien­dront par la fenêtre. Mais quel prix fau­dra-t-il alors payer ?

 

REVENDICATIONS DES GILETS JAUNES

Sur la précarité 

  1. Zéro SDF
  2. Les salaires de tous les Fran­çais ain­si que les retraites et les allo­ca­tions doivent être indexés sur l’in­fla­tion 
  3. Aug­men­ta­tion des allo­ca­tions handicapés
  4. Limi­ta­tion des loyers. Plus de loge­ment à loyers modé­rés (notam­ment pour les étu­diants et les tra­vailleurs précaires)
  5. Les prix du gaz et de l’élec­tri­ci­té ayant aug­men­té depuis qu’il y a eu pri­va­ti­sa­tion, nous vou­lons qu’ils rede­viennent publics et que les prix baissent de manière conséquente

Sur les retraites et les per­sonnes âgées

  • Retraite à 60 ans et pour toutes les per­sonnes ayant tra­vaillé dans un métier usant le corps (maçon ou désos­seur par exemple) droit à la retraite à 55ans.
  • Le sys­tème de retraite doit demeu­rer soli­daire et donc socia­li­sé (pas de retraite à points)
  • Pas de retraite en des­sous de 1 200 euros.
  • Inter­dic­tion de faire de l’argent sur les per­sonnes âgées. L’or gris,c’est fini. L’ère du bien-être gris commence

Sur la fis­ca­li­té et les banques

  1. Impôt sur le reve­nu plus pro­gres­sif (davan­tage de tranches)
  2. Que les gros (McDo, Google, Ama­zon, Car­re­four…) payent gros et que les petits (arti­sans, TPE, PME) payent petit.
  3. Pas de pré­lè­ve­ment à la source
  4. Inter­dic­tion de faire payer aux com­mer­çants une taxe lorsque leurs clients uti­lisent la carte Bleue

Sur la tran­si­tion écologique

  1. Grand plan d’i­so­la­tion des loge­ments (faire de l’é­co­lo­gie en fai­sant faire des éco­no­mies aux ménages
  2. Fin de la hausse des taxes sur le carburant
  3. Favo­ri­ser le trans­port de mar­chan­dises par la voie ferrée.
  4. Taxe sur le fuel mari­time et le kérosène

Sur la réforme des institutions

  1. Tout repré­sen­tant élu aura le droit au salaire médian. Ses frais de trans­port seront sur­veillés et rem­bour­sés s’ils sont jus­ti­fiés. Droit au ticket res­tau­rant et aux chèques-vacances
  2. Le réfé­ren­dum popu­laire doit entrer dans la Consti­tu­tion. Créa­tion d’un site lisible et effi­cace, enca­dré par un orga­nisme indé­pen­dant de contrôle où les gens pour­ront faire une pro­po­si­tion de loi. Si elle obtient 700 000 signa­tures alors elle devra être dis­cu­tée, com­plé­tée, amen­dée par l’As­sem­blée natio­nale qui aura l’o­bli­ga­tion (un an jour pour jour après l’ob­ten­tion des 700000 signa­tures) de la sou­mettre au vote de l’in­té­gra­li­té des Français.
  3. Retour à un man­dat de sept ans pour le pré­sident de la République.(L’élection des dépu­tés deux ans après l’é­lec­tion du pré­sident de la Répu­blique per­met­tait d’en­voyer un signal posi­tif ou néga­tif au pré­sident de la Répu­blique concer­nant sa poli­tique. Cela par­ti­ci­pait donc à faire entendre la voix du peuple.
  4. Fin des indem­ni­tés pré­si­den­tielles à vie

Sur l’emploi et les salaires

  • Fin du tra­vail déta­ché. Il est anor­mal qu’une per­sonne qui tra­vaille sur le ter­ri­toire fran­çais ne béné­fi­cie pas du même salaire et des mêmes droits.Toute per­sonne étant auto­ri­sée à tra­vailler sur le ter­ri­toire fran­çais doit être à éga­li­té avec un citoyen fran­çais et son employeur doit coti­ser à la même hau­teur qu’un employeur français
  • Pour la sécu­ri­té de l’emploi : limi­ter davan­tage le nombre de CDD pour les grosses entre­prises. Nous vou­lons plus de CDI.
  • Smic à 1 300 euros net.
  • Salaire maxi­mum fixé à 15 000 euros
  • Que des emplois soient créés pour les chômeurs

Sur l’é­co­no­mie

  • Pro­té­ger l’in­dus­trie fran­çaise : inter­dire les délo­ca­li­sa­tions. Pro­té­ger notre indus­trie, c’est pro­té­ger notre savoir-faire et nos emplois
  • Fin du CICE. Uti­li­sa­tion de cet argent pour le lan­ce­ment d’une indus­trie fran­çaise de la voi­ture à hydro­gène (qui est véri­ta­ble­ment écologique,contrairement à la voi­ture électrique)
  • Inter­dic­tion de vendre les biens appar­te­nant à la France (bar­rage aéroport…)
  • Favo­ri­ser les petits com­merces des vil­lages et centres-villes (ces­ser la construc­tion des grosses zones com­mer­ciales autour des grandes villes qui tuent le petit  com­merce) et plus de par­kings gra­tuits dans les centres-villes.
  • L’in­té­gra­li­té de l’argent gagné par les péages des auto­routes devra ser­vir à l’en­tre­tien des auto­routes et routes de France ain­si qu’à la sécu­ri­té routière
  • Fin de la poli­tique d’aus­té­ri­té. On cesse de rem­bour­ser les inté­rêts de la dette qui sont décla­rés illé­gi­times et on com­mence à rem­bour­ser la dette sans prendre l’argent des pauvres et des moins pauvres, mais en allant cher­cher les 80 mil­liards de fraude fiscale

Sur la poli­tique migratoire 

  • Que les causes des migra­tions for­cées soient traitées
  • Que les deman­deurs d’a­sile soient bien trai­tés. Nous leur devons le loge­ment, la sécu­ri­té, l’a­li­men­ta­tion ain­si que l’é­du­ca­tion pour les mineurs.Travaillez avec l’O­NU pour que des camps d’ac­cueil soient ouverts dans de nom­breux pays du monde, dans l’at­tente du résul­tat de la demande d’asile
  • Que les débou­tés du droit d’a­sile soient recon­duits dans leur pays d’origine.
  • Qu’une réelle poli­tique d’in­té­gra­tion soit mise en œuvre. Vivre en France implique de deve­nir fran­çais (cours de langue fran­çaise, cours d’his­toire de la France et cours d’é­du­ca­tion civique avec une cer­ti­fi­ca­tion à la fin du parcours).

Sur la santé

  • Même sys­tème de Sécu­ri­té sociale pour tous (y com­pris arti­sans et auto entre­pre­neurs). Fin du RSI.
  • Des moyens consé­quents appor­tés à la psychiatrie

Les autres revendications

  • Fin immé­diate de la fer­me­ture des petites lignes, des bureaux de poste,des écoles et des maternités
  • Moyens consé­quents accor­dés à la jus­tice, à la police, à la gen­dar­me­rie et à l’ar­mée. Que les heures sup­plé­men­taires des forces de l’ordre soient payées ou récupérées
  • Maxi­mum 25 élèves par classe de la mater­nelle à la terminale
  • Un enfant de 6 ans ne se gar­dant pas seul, conti­nua­tion du sys­tème des aides Pajem­ploi jus­qu’à ce que l’en­fant ait 10 ans