Là où il y a du mépris, c’est quand on voit que dans le tour de France du Pré­sident, ce sont les pré­fets qui choi­sissent les maires les plus ser­viles qui ont le droit à la parole, les réponses qui sont don­nées sont celles d’un Mon­sieur qui vit sur une autre planète… 

Jeanne STOLTZ-NAWROT
Extraits de l’en­tre­vue en vidéo – Par­tie 1
Extraits de l’en­tre­vue – Par­tie 2

A68 : Mais il y a une prise de conscience dans le pays qu’on ne peut conti­nuer comme cela, avec l’abandon des ser­vices publics, l’appauvrissement des ter­ri­toires, est-ce que vous res­sen­tez auprès de vos admi­nis­trés, de vos col­lègues élus, cette pro­fonde insa­tis­fac­tion. Res­sen­tez-vous ce sen­ti­ment d’abandon ?

JSN : Et com­ment ! Aban­don, inco­hé­rence, je dirai même mépris, de la part de nos édiles. Si aujourd’hui le pré­sident Macron s’appuie sur les maires, c’est parce que ce sont encore les seuls poli­tiques qui res­tent cré­dibles. Là où il y a du mépris, c’est quand on voit que dans le tour de France du Pré­sident, ce sont les pré­fets qui choi­sissent les maires les plus ser­viles qui ont le droit à la parole, les réponses qui sont don­nées sont celles d’un Mon­sieur qui vit sur une autre pla­nète… Tout cela me fait très peur. Petit à petit, quand on voit les gens mépri­sés, qui com­mencent à avoir une vraie défiance à l’égard des poli­tiques, qu’est-ce que cela peut don­ner ? Cela peut don­ner une vraie cris­tal­li­sa­tion, une radi­ca­li­sa­tion… Nous sommes assis sur une cocotte minute et j’ai bien peur que toutes les mesures prises ren­forcent encore cette défiance. Cette manière de faire est une pro­vo­ca­tion et cela est très grave car non seule­ment les poli­tiques vont être décré­di­bi­li­ser mais en plus j’ai peur que cela explose et que nous ne pour­rons plus rien organiser.

A68 : On a vu que sur Sto­ca­mine par exemple, la popu­la­tion est lar­ge­ment oppo­sé à l’enfouissement des déchets, les élus aus­si, cer­tains ont même par­ti­ci­pé à une Com­mis­sion d’enquête par­le­men­taire et pour­tant le Ministre De Rugy décide le confi­ne­ment de ces poisons…

JSN : C’est un bon exemple… Nous tra­vaillons et on ne tient pas compte de nos tra­vaux. Je ne sais par quel tru­che­ment il a pu prendre cette déci­sion sans tenir compte de la volon­té popu­laire, une fois encore on marche sur les jeunes géné­ra­tions car d’ici quelques années per­sonne ne se sou­vien­dra de tout cela. Quand il y aura une pol­lu­tion dans 200 ans que se passera-t-il ? 

A68 : Cet exemple illustre éga­le­ment un autre fait : très sou­vent nos élus alsa­ciens tiennent un dis­cours ici et un autre à Paris dans l’Assemblée natio­nale. A Sto­ca­mine, il y a eu un col­lec­tif, Désto­ca­mine, des mani­fes­ta­tions, des sou­tiens d’élus… et pour­tant le ministre passe outre. Que fau­drait-il faire de plus à Thann pour que le résul­tat ne soit pas le même…

JSN : Il est vrai qu’on peut se poser la ques­tion à quoi nous ser­vons, à quoi servent les dépu­tés, à quoi sert le Sénat ? Avec les coûts qu’ils engendrent, est-ce bien rai­son­nable des les main­te­nir ? C’est là qu’on rejoint la ques­tion de la défiance expri­mée par les Gilets Jaunes avec ce sen­ti­ment que toutes ces ins­tances ne servent plus à rien, si elles ne sont plus crédibles…

A68 : Ne fau­drait-il pas reve­nir à nos fon­da­men­taux qui nous rap­pellent que toute modi­fi­ca­tion socié­tale est tou­jours le fruit d’une mobi­li­sa­tion popu­laire et aujourd’hui ne devrions-nous pas nous appuyer sur ce qui se passe pour faire des pro­po­si­tions concrètes pou­vant conduire à des suc­cès… Et la mater­ni­té de Thann ne pour­rait-elle pas être une de ces pro­po­si­tions concrètes voire emblé­ma­tiques d’une écoute des citoyens. Qu’en pensent vos col­lègues élus locaux ?

JSN : La ques­tion est de savoir quels élus, à quel éche­lon. Vous savez, on peut taper sur les élus, dire qu’ils ne font pas leur bou­lot mais on ne peut oublier que les gens, plu­tôt que de regar­der « Plus belle la vie », s’intéresserait plus à des sujets comme le notre, les choses évo­lue­raient éga­le­ment plus rapi­de­ment. J’en reviens à l’association Rest, si nous avons essayé de fédé­rer des adhé­rents, de réa­li­ser un blog, c’est bien cette dyna­mique que nous vou­lons mettre en œuvre.

A68 : Si nous par­lons des élus, pre­nons l’exemple d’Husseren-Wesserling : quand on arrive, on voit bien les affiches pour le main­tien de la mater­ni­té bien en évi­dence dans le vil­lage, l’association Rest est bien pré­sente, preuve que…

JSN : Oui, mais après, il faut que l’engagement ne soit pas que de sur­face. Mal­heu­reu­se­ment, la seule per­sonne sur laquelle on a prise, c’est soi-même. Moi, je peux répondre de mes actions, pour autant je ne suis pas juge de l’engagement de tout le monde : je vois que pra­ti­que­ment tous les élus se sont empa­rés du sau­ve­tage de la maternité.

A68 : Des élus, dont le maire de Thann, siègent au Conseil de sur­veillance de l’hôpital. Leurs voix portent-elles suf­fi­sam­ment dans cette instance ?

JSN : Le Conseil de sur­veillance à quand même du poids auprès de l’ARS. Mais vous savez là aus­si on vote les choses telles qu’elles sont pré­sen­tées : en décembre, le contrat de per­for­mance a été pré­sen­té au Conseil de sur­veillance en l’espace de deux heures avec des chiffres, des tableaux… Et à la sor­tie de cela, on dit aux élus : Allez‑y, votez ! Il faut avoir un sacré aplomb pour dire : « atten­dez, moi je ne veux pas d’un truc comme cela ». Il y a la pres­sion des grands élus, c’est compliqué.

Et puis, il s’agit de poli­tique : toutes les choses sont liées sur un ter­ri­toire. Je peux vous don­ner un exemple : la conseillère régio­nale qui habite Hus­se­ren, venant du Ras­sem­ble­ment natio­nal, elle aus­si est concer­née par le ter­ri­toire. Elle a pré­sen­té, lors de la céré­mo­nie des vœux au Conseil régio­nal, une motion à voter par l’instance en faveur de l’action pour le main­tien de la mater­ni­té. Le vice-pré­sident M. Omeyer nous a sor­ti une tirade, que vous pour­rez trou­ver sur les réseaux sociaux, dans laquelle il fai­sait com­prendre qu’une nana n’y connais­sait rien, qu’elle appar­te­nait au Ras­sem­ble­ment natio­nal, que sa femme avait subi une hémor­ra­gie il y a qua­rante ans et heu­reu­se­ment qu’elle est allée à Mul­house, rap­pe­lant que son fils Thier­ry Omeyer était quand même cham­pion du monde de hand­ball et tout cela pour éva­cuer la demande de la conseillère régio­nale.  Suite à cela, je lui ai fait un cour­rier lui rap­pe­lant les obli­ga­tions qu’il a vis-à-vis de son ter­ri­toire… Je n’ai pas eu de réponse. Néan­moins, la ques­tion est reve­nue au Conseil régio­nal et la motion n’a pas fait de remous.

Dans deux mois, ce même vice-pré­sident du Conseil régio­nal Grand Est va venir dans notre com­mune d’Husseren puisque son ins­tance est par­tie pre­nante pour des sub­ven­tions pour la réno­va­tion du châ­teau de Wes­ser­ling. Et moi, je fais quoi alors ? Est-ce que je sacri­fie la pos­si­bi­li­té d’avoir une sub­ven­tion qui va me per­mettre d’enclencher des tra­vaux de réno­va­tion du châ­teau de Wes­ser­ling qui est le fleu­ron de la val­lée de la Thur alors que j’ai cri­ti­qué sévè­re­ment la même per­sonne il y a trois mois ? Vous voyez bien que nous qui sommes élus, qui sommes en res­pon­sa­bi­li­té sur de nom­breux sujets dif­fé­rents qui se tiennent pour­tant. Les gens qui sont dans l’opposition, ils ont inté­rêt à tour­ner sept fois leur langue dans la bouche avant de par­ler. Pour autant, on ne peut pas lais­ser faire tout.

A68 : C’est-à-dire qu’un ou une maire peut être sou­mis à un chantage ?

JSN : Qu’il ou elle n’a pas for­cé­ment la liber­té de parole. On peut certes la prendre, peut être n’y aura-t-il pas de consé­quences, mais je n’en sais rien ! Et l’enjeu est tel­le­ment impor­tant qu’on peut se dire : « Là, sur ce coup là, j’aurai peut être mieux fait de me taire ». Là, je vous livre en toute sin­cé­ri­té, la dif­fi­cul­té de la fonc­tion de maire qui dénonce.

A68 : Pour­tant, selon un récent son­dage, ce sont les maires qui sont les élus recueillant la confiance de la popu­la­tion ! Donc à force de décon­si­dé­rer les maires par ce type d’agissement, on risque de mettre en doute la fonc­tion de celui qui est encore le seul à avoir une cré­di­bi­li­té sur le plan politique ?

JSN : Le seul élu qui est au contact avec la réa­li­té des choses. Le jour­nal Le Monde nous a envoyé, autour de Noël, un ques­tion­naire « Etes-vous un élu en déca­lage avec la réa­li­té ? », en nous deman­dant d’estimer le coût d’une année sco­laire d’un col­lé­gien avec des choix de réponses mul­tiples. J’étais très contente car ma réponse concor­dait avec la réalité. 

Mais je veux dire à tra­vers cet exemple que, très vite quand on est élu à une res­pon­sa­bi­li­té plus impor­tante que la mienne, on se fait « cirer les pompes » toute la jour­née et je pense qu’on peut perdre pied avec la réa­li­té. Un ami, Jacques Mul­ler, racon­tait que lorsqu’on est séna­teur, on a un atta­ché par­le­men­taire qui s’occupe de toutes les tâches comme celles de prendre des billets de train, une voi­ture est à votre dis­po­si­tion au bas des marches du Sénat pour faci­li­ter vos dépla­ce­ments… Et on est de moins en moins contre­dit au quotidien.

Ce n’est pas comme cela dans mon conseil muni­ci­pal : je me fais contre­dire quand j’avance une pro­po­si­tion et quand trois conseillers sur douze émettent des inter­ro­ga­tions, je ne vais pas impo­ser la prise de déci­sion le même soir. Je vais creu­ser le sujet et reve­nir après au conseil. Mais quand on n’est pas contre­dit ou plus contre­dit, très vite on perd pied. Et c’est là que j’en reviens au Pré­sident Macron qui main­te­nant se rac­croche aux branches qu’il peut trou­ver « Ah, vous les maires qui êtes au contact, faites remon­ter les infor­ma­tions… » Mais quand on voit com­ment sa tour­née est orga­ni­sée, que c’est le pré­fet qui va déter­mi­ner quels maires, de pré­fé­rence ser­viles, vont y par­ti­ci­per, on se dit que tout cela n’est qu’une façade de vou­loir ain­si reprendre pied avec la réalité.

J’avais don­né ma signa­ture à Jean-Luc Mélen­chon, je suis donc posi­tion­née for­te­ment au niveau politique. 

Quand on demande aux gens, il faut encore écou­ter ce qui revient! Parce que sinon, on en arrive au « On vous a deman­dé, mais on n’a pas écou­té ». Et la pro­chaine fois, les gens ne répon­dront plus ! J’ai un cahier de doléances dans ma com­mune. Mais rares sont les gens qui viennent s’exprimer de façon struc­tu­rée, qui essaye d’amener des solu­tions. Ce que je regrette, c’est que nous ne soyons pas assez nom­breux à s’emparer des choix de socié­tés. Nous avons une asso­cia­tion éco­lo­gique qui orga­nise régu­liè­re­ment des soi­rées thé­ma­tiques par exemple sur les plantes inva­sives, le retour du loup dans le mas­sif vos­gien, eh bien dans une salle de 500 places, il y a 80 per­sonnes ! Est-ce que les gens ont encore envie de se sai­sir de l’avenir ?

A68 : Ne croyez-vous pas que quand les gens constatent que ce qu’ils disent n’est pas pris en compte…

JSN : … il y a un sen­ti­ment de lassitude. 

A68 : Les citoyens consi­dèrent qu’ils vous ont élu pour régler les pro­blèmes. Quand Macron dit « don­ner nous des solu­tions », on est légi­time à lui répondre « on vous a élu pour en trou­ver ». On ne peut attendre que les solu­tions aux pro­blèmes du XXIe siècle doivent venir des ronds-points ani­més par les Gilets Jaunes…

JSN : Clai­re­ment, ces mes­sieurs du pou­voir sont bien en place, bien rému­né­rés, ils sont aus­si au car­re­four des infor­ma­tions, pour pou­voir appor­ter des solu­tions. Je pense quand même qu’il y a énor­mé­ment de gens qui sont force de pro­po­si­tions mais qui ne sont pas enten­dus. Je ne pense pas que la situa­tion actuelle vient de sur­gir comme cela. C’est une accu­mu­la­tion de qua­rante ans de mesures poli­tiques qui étaient des dénis de la réa­li­té, en res­tant à l’affichage, en étant inuti­le­ment dis­pen­sieux, en étant reve­nu à une orga­ni­sa­tion monar­chique avec d’un côté les ors de la Répu­blique et de l’autre, les manants. Tout cela conduit à la défiance et est le ferment de la radicalisation…

On demande aux gens de trier leurs ordures et on apprend qu’Amazone enterre des pro­duits neufs parce que ce n’est plus le modèle de l’année et que cela empê­che­ra les gens d’acheter le nou­veau modèle… Tout cela est détruit quand toi, tu te fais un nœud à l’esprit car tu t’es trom­pé en met­tant le déchet plas­tique dans le mau­vais container…

On veut taxe plus le car­bu­rant pour les par­ti­cu­liers, mais les bateaux de croi­sière, les porte-contai­ners, les avions, ne sont pas sou­mis à la même fis­ca­li­té, il est nor­mal que des Gilets jaunes, qui ne sont pas idiots, disent « stop ». Nous sommes dans un sys­tème où on nous culpa­bi­lise et par ailleurs, on ouvre les vannes… et on en revient à la cohé­rence de tout cela.

A68 : Pour en reve­nir à un sujet, tout en res­tant dans le registre de l’exaspération des citoyens, est-ce que la bataille pour la mater­ni­té de Thann ne peut pas béné­fi­cier de cet envi­ron­ne­ment revendicatif…

JSN : … Je le sou­haite ! Un des plus grands leviers, c’est qu’il y a une urgence sociale et n’oublions pas que le Minis­tère de la San­té est éga­le­ment celui de la Soli­da­ri­té. Lors d’une réunion publique, un inter­ve­nant sug­gé­rait d’enlever le mot « Soli­da­ri­té » car il n’a plus de sens. J’ose espé­rer que la situa­tion actuelle est un fac­teur posi­tif pour notre lutte : ce n’est pas que ponc­tuel­le­ment, sur la mater­ni­té, que cela doit évo­luer. C’est sur l’ensemble de l’hôpital de proxi­mi­té, car le dan­ger c’est que les locaux pour­raient être uti­li­sés à d’autres fins. Nous avons une popu­la­tion qui vieillit dans nos ter­ri­toires ruraux, les patho­lo­gies vont se mul­ti­plier et on pour­rait bien créer un centre d’oncologie et mettre de la suite de soins avec trois kinés et une dizaine de chambres pour que les gens puissent y sta­tion­ner avant d’aller en EHPAD. Ce n’est pas ce que nous voulons !

Nous, maires de fond de val­lée, avons déjà tel­le­ment de mal à nous rendre attrac­tif sur le plan éco­no­mique, on sait qu’il n’y a plus d’argent alors on se démène pour rendre notre ter­ri­toire attrac­tif, pour rame­ner de nou­velles familles pour dyna­mi­ser les vil­lages et on nous enlève un hôpi­tal ! Et on va se retrou­ver avec un « Àlter­sheim », une EHPAD. Autant faire une réserve d’Indiens ici, faire en sorte que les femmes accouchent à la mai­son et aus­si que les vieux vivent en com­pa­gnie des jeunes géné­ra­tions… C’est une vraie régres­sion sociale. On est sur le fil d’un choix socié­tal : soit on consi­dère que les ter­ri­toires ruraux deviennent des réserves d’Indiens, soit on arrive à s’unir popu­la­tion civile et élus, on dépasse consti­pa­tions émo­tion­nelles, nos bataille d’ego et on construit un ave­nir ensemble.

A68 : Est-ce que le « grand » débat n’est pas pour vous l’occasion de mettre en débat non seule­ment le pro­blème de la mater­ni­té de Thann mais celui des ser­vices de san­té de proxi­mi­té et de créer la dis­cus­sion dans toute la val­lée voire au-delà. Et ain­si appor­ter une dimen­sion concrète à ce débat que d’aucuns affirment être de l’ « enfumage » ?

JSN : Oui, cau­sons, cau­sons, cau­sons… Car der­rière les dis­cus­sions, quand je vois les suites qui sont don­nées par E. Macron et ses aco­lytes lors du tour de France, j’ai des doutes. N’allons pas nous user à « cau­ser, cau­ser, cau­ser » ? Moi, je trouve cela très usant : moi éga­le­ment, je vais rédi­ger dans le cahier de doléances, je vais essayer de le struc­tu­rer, d’y pas­ser une jour­née pour faire ce tra­vail, mais si en fin de compte cela sera un « pet de mouche »… Com­bien de fois il m’est arri­vé d’écrire et qu’ensuite cela n’a pas été pris en compte. Je vais le faire, car en regard de notre propre conscience alors qu’un champ est ouvert, il faut qu’on s’exprime. Mais per­son­nel­le­ment j’ai de gros doutes. Car Macron a été mis en place par des gens qui ont finan­cé sa cam­pagne, qui l’ont accom­pa­gné. De façade, il repré­sen­tait le renou­veau. Mais ce n’est pas du tout le cas. Qui fut son tuteur, d’où est-il issu ? Il repré­sente la conti­nui­té et tout d’un coup, par une mesure mira­cu­leuse, on assis­te­rait à un revi­re­ment ? J’ai ten­dance à ne pas trop y croire…

A68 : Lors d’une soi­rée débat que vous avez orga­ni­sé ici, un par­ti­ci­pant venant de Remi­re­mont dans les Vosges où ils ont réus­sit à sau­ver leur mater­ni­té. Ce qui fut pos­sible à Remi­re­mont ne le serait-il pas à Thann ? Quelle a été la recette là-bas ?

JSN : Mais j’y compte bien ! A Remi­re­mont, ils ont été pug­naces, com­pé­tents puisque des méde­cins s’y sont mis, des méde­cins obs­té­tri­ciens retrai­tés, des méde­cins qui se sont empa­rés du sujet… Et puis Remi­re­mont, ce sont 800 accou­che­ments quand même alors que nous en espé­rons les 400 cette année ! C’est une autre échelle quand même. Et puis, les gens actifs, déter­mi­nés, constants, sou­te­nus par la popu­la­tion. Une réunion est pré­vue le 25 jan­vier à Bus­sang et je vais y aller pour m’imprégner de leur expérience.

Les élus mobi­li­sés : il faut savoir que leur Conseil de sur­veillance a voté en bloc et à l’unanimité contre le contrat de per­for­mance. En bloc, cela veut dire les méde­cins hos­pi­ta­liers, le direc­toire de l’hôpital, les gens de la socié­té civile et les élus ont fait front. Or, aujourd’hui nous n’avons pas du tout la même confi­gu­ra­tion ici. Au niveau du GHRMSA, on a un vice-pré­sident qui lui veut la peau de l’hôpital de Thann. 

Petit à petit, il faut com­men­cer à se mobi­li­ser. C’est hélas un peu l’histoire du coli­bri. Nous avons fait jusqu’à pré­sent ce qu’on a pu.

A68 : C’est quoi la pro­chaine étape ?

JSN : Ce soir déjà (le 24 jan­vier, ndlr) une réunion publique à Mase­vaux car nous essayons de faire la jonc­tion des deux val­lées. Une réunion pro­chaine se dérou­le­ra plu­tôt dans les avants-val­lée car il faut que nous soyons pré­sents sur tout le ter­ri­toire de Thur-Dol­ler. Same­di 26 jan­vier, nous allons en délé­ga­tion à Ber­nay (Eure) pour une ren­contre de l’association « Mat’s en colère » pour échan­ger et par­ta­ger les expé­riences de mobi­li­sa­tion pour s’en ins­pi­rer et tou­jours trou­ver des idées nou­velles car il est impor­tant d’être pré­sent fré­quem­ment dans les médias.

Ensuite nous avons le Conseil de sur­veillance le 28 février, il fau­dra être un peu pré­sent sur le ter­rain pour mar­quer notre atta­che­ment à la mater­ni­té. Et ain­si faire pas­ser le mes­sage qu’avant de prendre une déci­sion, il fau­dra faire atten­tion aux territoires…

A68 : Cela aurai de la gueule de voir tous les maires avec leur écharpe pré­sents devant le lieu de la réunion ?

JSN : C’est vrai car cela avait déjà impres­sion­né durant la mani­fes­ta­tion en novembre 2018. 

A68 : Il semble que les élus ne soient pas tous sur la même lon­gueur d’ondes. On voit que dans l’intercommunalité, cer­taines com­munes ont adhé­ré à l’association de défense (Rest) et d’autre pas…

JSN : Indi­vi­duel­le­ment, les maires ont quand même adhé­ré à Rest. Très sou­vent ils invitent leurs admi­nis­trés à adhé­rer. Après, les maires le font-il en toute sin­cé­ri­té ou tout sim­ple­ment pour de l’affichage, je dirai que cela leur appar­tient, en conscience. Alors, il est vrai que les fonds de val­lée adhé­rent plus faci­le­ment à Rest comme per­son­na­li­té morale, car ce sont aus­si eux qui sont les plus fra­giles et se sentent cer­tai­ne­ment plus concer­nés. C’est dif­fé­rent pour le bas­sin Thann-Cer­nay : Cer­nay jusqu’au GHRMSA de Mul­house, c’est 25 minutes, ce qui n’est pas notre cas. Je pense qu’il y a des niveaux d’implication dif­fé­rents et puis des dis­sen­sions poli­tiques. Vous vous dou­tez bien qu’entre un dépu­té comme Raphaël Schel­len­ber­ger et un maire Insou­mis… si on peut dézin­guer ce der­nier, pour­quoi pas…

A68 : Où est l’intérêt des citoyens dans ce cas…

JSN : Alors là nous sommes dans les que­relles d’égos… et pas dans l’intérêt des citoyens. Vous savez, je suis aus­si par­fois obli­gé à mettre un genou à terre parce que je consi­dère que c’est l’intérêt du ter­ri­toire qui pré­vaut. Car moi, petite Jeanne, han­di­ca­pée de sur­croît, une « nana » dans ce monde for­te­ment impré­gné de miso­gy­nie, (« T’est une nana, ferme là ! »), il me faut ava­ler des cou­leuvres. Mais je dois le faire, car je suis là pour résis­ter, pas pour ser­vir mon égo. Je suis dans la réflexion pour me repré­sen­ter aux pro­chaines élec­tions, je m’interroge. Et si je ne me repré­sen­tais pas, j’espère que les pro­chains y met­tront les tripes dans l’ouvrage autant que je les mets.

A68 : Si j’étais par­mi ces mecs dont vous par­lez, je me méfie­rai quand même de la petite Jeanne, han­di­ca­pée de sur­croît, mais une nana emplie de cou­rage et de déterminantion…

JSN : Ils ne s’en rendent pas compte.

A68 : Qu’est-ce qui pour­rait les faire évo­luer selon vous ?

JSN : Je vais être dure avec eux. Je ne les crois pas capables d’évoluer.

A68 : Encore une ques­tion sur la mater­ni­té. Avez-vous son­gé à des recours juri­diques ? Est-ce une possibilité ?

JSN : Oui et non. Nos trois Com­mu­nau­tés de com­munes ont vali­dé un sché­ma dépar­te­men­tal d’accessibilité aux ser­vices publics et dans ce sché­ma il y a un volet « san­té » qui intègre la mater­ni­té de Thann comme un point de proxi­mi­té pour tout le bas­sin. Avec sa fer­me­ture, on nous l’enlèverait. Mais ce sché­ma n’est que « des­crip­tif » et non pas « pres­crip­tif ». Atta­quer en jus­tice sur ce point paraît aléa­toire. Mais cela pose un autre pro­blème : on a fait tout un tra­vail y com­pris de col­lec­tage de don­nées diverses, et tout cela aurait été pour rien ! C’est dans ce sens que nous avons écrit au pré­fet pour dénon­cer cela. J’attends encore la réponse…

*Loi Mon­tagne du 26 décembre 2016 : Du déploie­ment du numé­rique à la réha­bi­li­ta­tion de l’im­mo­bi­lier de loi­sir en pas­sant par le tra­vail sai­son­nier et les ser­vices publics, elle aborde la mon­tagne sous de nom­breux angles.

**Le temps de l’urgence, film docu­men­taire de Chris­tian Tran qui sai­sit, à par­tir du cas concret de l’hôpital d’une petite ville, voué à la dis­pa­ri­tion, ce moment indé­cis où la démo­cra­tie est mise en péril par l’aveuglement des puis­sants. Il y est aus­si ques­tion de l’intelligence et de l’infatigable éner­gie de « ceux d’en bas » qui ne s’avouent jamais vain­cus et qui sont un immense espoir.

Comi­té de réa­li­sa­tion: Michel Mul­ler, Luc Ueber­schlag, Jeanne Roy, Mario D.