Les ser­veurs gou­ver­ne­men­taux de l’autodésignée « Start-Up Nation » donnent des signes de satu­ra­tion et de sur­chauffe dès l’en­trée dans la seconde ère édu­ca­tive post-confinement.

Un peu comme si aucune leçon sur les moyens enga­gés ne pou­vait être fon­da­men­ta­le­ment tirée, et aucun « patch » infor­ma­tique appli­qué depuis plus d’une année, – lorsque les ratés infor­ma­tiques de l’enseignement à dis­tance issus du pre­mier confi­ne­ment avaient révé­lé l’état d’impréparation chro­nique de l’exécutif -, le second temps de péda­go­gisme numé­rique n’aura pas été plus concluant que le premier.

Les ensei­gnants ont en effet connu au pre­mier jour les mêmes ava­nies et décon­ve­nues dès lors qu’ils se trou­vaient aux prises avec des ENT (ou espace numé­rique de tra­vail), qui servent à échan­ger en temps réel ou en dif­fé­ré avec leurs élèves, que ceux-ci soient gérés par des struc­tures publiques (comme le CNED -Centre natio­nal d’enseignement à dis­tance-) ou des entre­prises pri­vées pres­ta­taires de services. 

Les remon­tées du syn­di­cat du second degré FSU68 sont assez nettes à cet effet. Elles font état d’un dys­fonc­tion­ne­ment natio­nal dès le matin. Dans l’après-midi, il y a eu une mon­tée en charge et donc des connexions pos­sibles, mais assor­ties de mul­tiples bugs. Des visio­con­fé­rences en éta­blis­se­ments étaient main­te­nues le soir si elles pou­vaient tech­ni­que­ment se dérouler.

Les boites mail des ensei­gnants furent aus­si l’ob­jet de ten­ta­tives de hame­çon­nage régu­lières, indé­pen­dam­ment du « plan­tage » de la pla­te­forme du Cned, et dont le ministre attri­bue la res­pon­sa­bi­li­té à des hackers situés à l’é­tran­ger (voir plus bas).

Le syn­di­cat d’enseignants moque d’ailleurs avec sar­casme et ala­cri­té la pos­ture de Jean-Michel Blan­quer dans son der­nier com­mu­ni­qué de presse, piquam­ment inti­tu­lé « Ensei­gne­ment à dis­tance : erreur 404 ».

Le ministre, rebap­ti­sé pour l’occasion « Jean Mytho Blan­quer », par les syn­di­ca­listes, est res­pon­sable d’avoir com­mis un « pois­son d’avril tar­dif » en leur assu­rant que « tout est prêt ».

Outre les dif­fi­cul­tés tech­niques (sur les­quelles on va reve­nir), la FSU évoque « les pres­sions [qui] se mul­ti­plient sur les col­lègues pour qu’ils fassent des cours en visio­con­fé­rence en per­ma­nence, igno­rant les inéga­li­tés d’ac­cès au numé­rique (qu’il s’a­gisse de l’ac­cès à l’ou­til ou de la maî­trise de ce der­nier) et l’a­ber­ra­tion péda­go­gique que repré­sente la sur­ex­po­si­tion aux écrans. Plu­tôt que de faire confiance aux enseignant.es qui connaissent leurs élèves et sont concep­teurs de savoirs, la hié­rar­chie de l’é­du­ca­tion natio­nale, appli­quant avec zèle les consignes tech­no­cra­tiques du « sinistre » de l’é­du­ca­tion, se dis­tingue une fois de plus par son insup­por­table mépris à l’é­gard de la com­mu­nau­té édu­ca­tive ». 

Il est vrai que le « sinistre » de l’E­du­ca­tion a cou­ra­geu­se­ment fait feu de tout bois pour ne pas avoir à assu­mer per­son­nel­le­ment les consé­quences de cette nou­velle tran­si­tion numé­rique, explo­sée en plein vol.

S’il n’a eu d’autre choix que de recon­naître du bout des lèvres les dys­fonc­tion­ne­ments et défaillances dans l’ac­cès aux ENT, il a tou­te­fois rela­ti­vi­sé en affir­mant que l’af­flux de connexions est cer­tai­ne­ment trop impor­tant pour que les opé­ra­teurs et col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales puissent faire face…

Un ren­voi express de patate chaude reçue 5 sur 5 par la Région Grand Est, en charge des moyens opé­ra­tion­nels de la conti­nui­té péda­go­gique, qui réagis­sait sur Twit­ter pour confir­mer son inca­pa­ci­té à faire face, s’en excu­sant piteu­se­ment… et ren­voyant vers le sous-traitant ! :

“J’espère qu’ils vont trou­ver une solu­tion dans la jour­née”, s’en lavait pres­te­ment les mains Blan­quer, en dépla­ce­ment hier dans une école accueillant des enfants de per­son­nels soignants.

Mais le ministre est allé encore plus loin dans l’art de se défaus­ser négli­gem­ment, en fai­sant état d’une attaque infor­ma­tique en pro­ve­nance du pays du grand méchant loup… russe !

Celui-ci étant res­pon­sable de « plu­sieurs attaques de type DDOS simul­ta­nées ». Ajoutez‑y un pic de fré­quen­ta­tion des élèves, et vous com­pren­drez mieux « cer­taines dif­fi­cul­tés d’ac­cès », selon lui.

Une accu­sa­tion cir­cu­laire, car le même Jean-Michel Blan­quer évo­quait les mêmes attaques infor­ma­tiques russes il y a déjà un an. Le Cned avait d’ailleurs réso­lu de por­ter plainte.

Plus triste, ou cocasse, selon appré­cia­tion, le ministre accu­sait éga­le­ment OVH, l’hébergeur de don­nées fran­çais, recon­nu aujourd’hui à l’international, lequel aurait fait défaut à cause de l’incendie de l’un de ses data­cen­ters à Strasbourg !

Un argu­ment qui a eu le don de faire sor­tir de ses gonds son patron. Celui-ci démen­tant tota­le­ment l’implication de sa socié­té, laquelle n’héberge aucun ENT uti­li­sé dans les éta­blis­se­ments publics…

Tou­jours aus­si Mytho, le Jean-Michel !

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