Les masques sont à l’ordre du jour, qu’on se le dise !

Ils s’arrachent sur les mar­chés, noirs ou pas, se volent, servent même de mon­naie de troc entre grandes puis­sances, ali­mentent les chro­niques de médias en mal d’inspiration, ins­pirent rêves ou cauchemars.

Bri­co­lés faits mai­son ou pro­duits d’enseignes spé­cia­li­sés, modèles chan­tier ou spé­ci­fiques à des acti­vi­tés indus­trielles, conformes aux normes Z, Y ou X, réser­vés à telle ou telle caté­go­rie sociale, à tel ou tel corps de métier, les masques sont deve­nus Nou­vel Eldo­ra­do pour cer­tains et sésame de vie pour tous

Décla­rés indis­pen­sables pour jugu­ler le mons­trueux virus ils sont désor­mais la clé du pou­voir, font ou défe­ront des gou­ver­ne­ments cou­pables de ne pas en avoir sto­cké des mon­tagnes en pré­vi­sion des temps pré­sents ou futurs quand Codiv-19 ou ses pareils sévissent ou séviront.

Le prince pré­sident a déli­vré ce 25 mars à 20 h pré­cises, depuis les ins­tal­la­tions hos­pi­ta­lières civi­lo-mili­taires de Mul­house, un de ces dis­cours mar­tiaux qu’il affec­tionne. Il avait pris soin d’ôter au préa­lable le masque qu’il por­tait quelques ins­tants auparavant.

Pro­messes de moyens mas­sifs pour les hôpi­taux, recon­nais­sance en mon­naie son­nante et tré­bu­chante des per­son­nels soi­gnants, mobi­li­sa­tion de moyens mili­taires en ren­fort dans la lutte contre la pan­dé­mie ont été annon­cés solennellement.

Après les 25 ordon­nances prises ou à prendre dans le cadre de la pro­cla­ma­tion de l’état d’urgence sani­taire, nous voi­ci donc ras­su­rés et encou­ra­gés à célé­brer d’autant plus le dévoue­ment, et le cou­rage, bien réels, des per­son­nels soi­gnants, dans le contexte de cré­pus­cule des dieux que vit notre société..

Peut-on quand même rap­pe­ler au pré­sident que, ter­ribles, hideux, drôles ou sim­ple­ment paro­diques, en cuir ou en bois, les masques au théâtre ont été le moyen le plus expres­sif don­né aux acteurs pour rendre la phy­sio­no­mie de leur rôle ?

Ils ins­pi­raient la ter­reur dans la tra­gé­die, le ridi­cule dans la comé­die et des masques à double expres­sion per­met­taient à l’acteur de pré­sen­ter la face cor­res­pon­dante à la situa­tion, à la scène du moment.

Dans la Com­me­dia dell’arte – comme on sait genre de théâtre popu­laire ita­lien créé il y a a plus de quatre siècles – des acteurs mas­qués en por­taient qui sont deve­nus sym­boles pour des genres, des carac­tères humains.

Ain­si le masque noir d’Arle­quin (crée dit-on à Ber­game, épi­centre de l’aire de méfait du Codiv-19 en Ita­lie… ruse de l’histoire ? – celui de Poli­chi­nelle, évo­quant la lai­deur, celui de Pan­ta­lon des­ti­né à faire rire, celui bien connu aus­si de Mata­more, Capi­taine à la har­diesse très auto­pro­cla­mée et jamais mani­fes­tée, celui du Doc­teur qui, para­doxe en ces temps de coro­na­vi­rus trans­mis­sible par voies aériennes, ne couvre que le front et le nez…

Il reste à sou­hai­ter que notre pré­sident, mas­qué ou démas­qué, ne se trompe pas de masque pour ses repré­sen­ta­tions diverses. Il en va même de quelques mil­liers (mil­lions ?) de vies.

Ou, plus sim­ple­ment, qu’il ne porte jamais (jamais plus ?) celui de Matamore.