Le sénateur LR André Reichardt, fine mouche, a découvert que dans la « loi n° 2019–828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique » figurait un article qui pouvait menacer l’application du droit local dans la fonction publique territoriale, dont les agents, comme tous les salariés du privé, bénéficient dans le domaine du temps de travail, de deux jours fériés supplémentaires par rapport au reste de la France : le vendredi saint et le lendemain de Noël, la Saint-Étienne.
20190927-guide-presentation-LTFP« L’évolution du temps de travail des agents publics est nécessaire pour s’adapter au besoin des services publics. Dans la fonction publique territoriale, l’abrogation des régimes de travail plus favorables antérieurs à 2001 contribuera à l’harmonisation de la durée de travail. Les collectivités ou établissements concernés disposeront d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes ou de leurs conseils d’administration, pour délibérer sur les règles relatives au temps de travail de leurs agents. (Page 31 article 3.2) »
Il est donc spécifié qu’il faut mettre toute la fonction publique territoriale au même régime et ne plus tenir compte des spécificités qui peuvent exister. Il est préconisé d’ « abroger des régimes de travail plus favorables antérieurs à 2001 »… Ce qui s’applique pile poil au droit local alsacien et mosellan. La seconde préconisation est « de délibérer sur les règles » à appliquer.
Si les jours fériés concernés restaient chômés dans nos territoires, « cela revient pour les agents de la fonction publique territoriale d’Alsace et de Moselle à subir, soit une baisse de rémunération équivalente à 14 heures, soit de travailler en plus ce nombre d’heures » précise le sénateur du Bas-Rhin.
LA CIRCULAIRE D’UNE PRÉFÈTE RAIDE COMME UN PIQUET…
Dans la circulaire de la préfète Josiane Chevalier, adressée aux collectivités locales et aux représentants de l’état dans notre Région Alsace-Moselle, dont l’objet est « le décompte du temps de travail des agents publics » elle rappelle l’obligation d’appliquer la loi, et conclut en ces termes : « j’appelle votre attention sur la nécessité, pour les organes délibérants qui ne se seraient pas encore réunis à ce sujet, de mettre fin à ces régimes et de délibérer sur de nouvelles modalités de décompte du temps de travail conformément aux prescriptions exposées ci-dessus… »
Circulaire-signée‑temps-de-travailCette intimation a heurté le sénateur André Reichardt qui dénonçait une circulaire « tout à fait inacceptable en l’état », sur le fond comme sur la forme. En effet, si une préfète de Région est bien la représentante de l’État dans le territoire, elle doit aussi faire preuve de tact et de doigté dans l’application de textes qui peuvent générer des inquiétudes et des réactions hostiles. Mais là ne résident pas les qualités premières de Mme la Préfète…
LE PREMIER MINISTRE SOUTIENT LA PRÉFÈTE
Notre sénateur bas-rhinois pense alors que le supérieur de Mme Chevalier va mettre au pas sa subordonnée : il se fend d’une lettre demandant l’arbitrage du Premier ministre en espérant que l’application du droit local l’emportera.
Mais patatras : Jean Castex confirme bien que l’application de la loi fera fi du droit local.
Bon connaisseur des mœurs du patronat au sein du MEDEF, M. Reichardt réagit à la réponse de Castex en avertissant : « Car pourquoi une disposition valable pour la fonction publique ne s’appliquerait-elle pas demain dans le secteur privé ? Je vois mal comment le Medef Alsace ne pourrait pas essayer de porter l’estocade ! Il faut que les syndicats réagissent ! »
CE CAILLOU DANS LA CHAUSSURE DES JACOBINS DE TOUT POIL
Nous avons déjà évoqué à maintes reprises les spécificités du droit local alsacien-mosellan dans nos colonnes. Il faut en rappeler la genèse : l’appartenance de l’Alsace et la Moselle a l’Allemagne en 1870 et jusqu’en 1918 n’a pas été une horrible période que décrivait le récit historique français illustré par Hansi… C’est sous cette période que la Région s’est développée économiquement et socialement, entre autres par la création de droits sociaux dont la Sécurité sociale que la France a instaurée en… 1947… C’est ainsi que le Vendredi Saint et la Saint-Étienne ont été institués en tant que jours fériés en Alsace-Moselle par une ordonnance impériale en date du 16 août 1892.
Lors du retour à la France en 1918, le peuple Alsacien reste extrêmement attaché à un certain nombre de dispositions juridiques allemandes. L’option d’appliquer entièrement le droit français est cependant privilégiée par le gouvernement, mais se heurte à une forte opposition populaire ainsi que des élus alsaciens et mosellans. Un conflit surgit, qui risque de compromettre gravement la situation des « provinces recouvrées » et de dresser la population locale contre l’État. Le compromis est trouvé quelques années plus tard, lors de la session parlementaire de 1924, il est érigé en droit local.
Avec entre autres, le maintien du concordat, d’un régime d’assurance maladie, de jours fériés supplémentaires, de dispositifs différents en matière de règles administratives et sociales comme l’interdiction du travail du dimanche…
Ce régime a été la cible d’attaques dont les auteurs craignaient que ces différences pussent nuire à l’unité de la République. Il est évident que deux jours fériés en plus minaient les fondations de la Grande Nation ! Ils eurent pourtant satisfaction sur le fait que le droit local était figé sur les textes en vigueur et ne pouvaient progresser avec les évolutions économiques, sociales ou culturelles.
UN PROJET TOTALEMENT MACRONIEN
Cette volonté de réduire les droits sociaux est une constante, particulièrement des derniers gouvernements. Hollande, Valls et Macron mènent une politique identique sur le plan social. Et il est clair que des dispositifs plus favorables aux salariés vont à l’encontre de la remise à plat des mesures de défenses collectives de la population. S’attaquer à des droits qui ne concernent qu’une faible partie du territoire est bien une stratégie macronienne dans son désir de voir l’État réduit à une « start-up nation » dont le seul rôle serait de favoriser l’économie… et ses riches possédants.
C’est pourquoi ce sujet devra être au centre des élections à venir, tant présidentielles que législatives : la population alsacienne et mosellane devrait interroger tous les candidats-es sur leur engagement sans faille pour la défense du droit local… qui est en même temps la défense de notre modèle social basé sur la solidarité.
Quid de la laîcité en Alsace-Moselle?
Bonjour à tous,
Les coups tordus, nous y sommes habitués depuis au moins 10 ans dans le domaine du social et ce n’est pas ce gouvernement de « start-uppers » qui va améliorer la situation, bien au contraire.
Dans le texte, fort intéressant du reste, l’évocation du maintien du concordat, – que je trouve inutile et je ne pense pas être le seul – est peut-être anachronique, dans une République dite laïque et dans le cadre de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 !
Quant au régime d’assurance maladie, de jours fériés supplémentaires et de dispositifs différents, en matière de règles administratives et sociales, comme l’interdiction du travail du dimanche, évidemment il faut les maintenir, voire les étendre à toute la République, au lieu d’imaginer de les supprimer, pour le plus grand bien du sacro-saint marché !
Déjà, les salaires dans tout le pays, ne sont pas vraiment faramineux et que l’interdiction du travail dominical, longtemps une réalité seulement en Alsace-Moselle, grâce au droit local, est devenue plus qu’aléatoire et laissée à la « discrétion » des entreprises, qui ne sont pas vraiment indispensables non plus. Je pense notamment aux grandes surfaces, dont les heures d’ouverture dépassent l’entendement et détruisent, plus que ne créent, du lien social.
Nos « amis » socialisants, rose très pâle, « ennemis de la Fiance » qui se sont tous ou presque précipités chez la « République en Marche », « amis de la Finance », pour aller à la soupe, voire « pantoufler » ont, quand ils étaient aux manettes, enclenché ce processus devenu apparemment la nouvelle règle du « en même temps » de notre République soit-disant laïque et solidaire, surtout pour les SDF (sans difficultés financières), pour lesquels le « ruissellement » est devenu plutôt un aspirateur à pognon.
A nous désormais, puisque l’occasion nous en est donnée, de changer cela, en allant voter et si possible intelligemment et efficace. Mais si au 2° round, nous aurons le même choix qu’en 2017 … « les carottes seront cuites » et nous repartirons pour cinq ans de plus de galère !
Bonne semaine, prenez soin de vous – amicalement – pierre