Mort de George Floyd: « Black Lives Matter »

Mort d’Eyad al-Halaq : « Et la vie des Pales­ti­niens, elle compte ? »

Mort d’A­da­ma Trao­ré :« Et la vie d’un jeune des ban­lieues fran­çaises, elle compte ? »

Eyad al-Halaq avait 32 ans. Il était autiste et vivait à Jéru­sa­lem-est, sous occu­pa­tion. La bru­ta­li­té de l’ar­mée israé­lienne était son quo­ti­dien depuis bien trop long­temps, comme celui des 300 000 autres Pales­ti­niens de Jérusalem.

Il a été abat­tu comme « ter­ro­riste » pour avoir été sus­pec­té d’a­voir por­té une arme, qui était de fait son télé­phone por­table. Les sol­dats avaient été infor­més de sa défi­cience men­tale. Ils ont tiré sciem­ment et pour tuer.

Avant lui com­bien de Pales­ti­niens abat­tus par des sol­dats après avoir été impli­qués dans des acci­dents de la route, pour avoir mar­ché près d’un poste de contrôle, ou tués «  parce qu’ils avaient l’air suspect » ?

George Floyd avait qua­rante – six ans et avait gran­di dans un quar­tier noir à Houston.

En jouant au bas­ket il gagne le sur­nom de « doux géant ». Il avait effec­tué 5 ans de pri­son pour cam­brio­lage à main armée puis démé­na­gé à Min­nea­po­lis pour y tra­vailler d’a­bord comme camion­neur puis agent de sécu­ri­té et « chan­ger de vie ».

Derek Chau­vin est le poli­cier que l’on voit sur la vidéo de la scène  appuyant sur le cou de Floyd pla­qué et main­te­nu au sol, mal­gré des témoins qui demandent aux poli­ciers pré­sents d’ar­rê­ter. Durant 9 minutes Floyd répète « I can’t breathe » (« je ne peux pas res­pi­rer ») avant de res­ter immo­bile, mort.

Il n’a­vait oppo­sé aucune résis­tance lors de son arres­ta­tion selon les images d’une camé­ra de sur­veillance du res­tau­rant situé à proxi­mi­té. Les poli­ciers avaient cha­cun une camé­ra – pié­ton mais la police n’a pas dif­fu­sé les images.

Derek Chau­vin avait déjà été impli­qué dans trois inter­pel­la­tions mor­telles en 2006, 2008, 2011, après avoir chaque fois fait usage de son arme. Il avait déjà fait l’ob­jet de trois plaintes au civil met­tant en cause son ton « humi­liant » et « déso­bli­geant ».  Durant sa car­rière de poli­cier il a fait l’ob­jet de dix – huit plaintes dont deux seule­ment avaient don­né lieu à sanc­tions : des lettres de réprimande. 

Ada­ma Trao­ré, jeune homme noir de 24 ans,est décé­dé aux mains des gen­darmes le 19 juillet 2016. Il a suc­com­bé à la gen­dar­me­rie de Per­san, après son inter­pel­la­tion à Beau­mont – sur ‑Oise.

Il a subi lors de son arres­ta­tion un pla­quage ven­tral, selon la même tech­nique que de celle uti­li­sée pour immo­bi­li­ser George.

Plu­sieurs exper­tises et contre – exper­tise ont eu lieu à l’i­ni­tia­tive de l’au­to­ri­té judi­ciaire et de la famille pour ten­ter de déter­mi­ner les causes exactes du décès d’A­da­ma. Elles ont abou­ti à des conclu­sions diverses sur les res­pon­sa­bi­li­tés res­pec­tives des gen­darmes ou des mala­dies car­dio-res­pi­ra­toires dont il souffrait.

L’ins­truc­tion judi­ciaire, clô­tu­rée une pre­mière fois en 2018 n’a pas rete­nu de res­pon­sa­bi­li­té pour les gen­darmes, puis a été rou­verte en 2019. Selon le pro­cu­reur de Pon­toise, Ada­ma aurait souf­fert d’une infec­tion très grave, tou­chant plu­sieurs organes, ce qui sera démenti.

Le pro­cu­reur  pour­rait faire l’ob­jet d’une sai­sine du Conseil supé­rieur de la magis­tra­ture pour « décla­ra­tions contraires à la véri­té » mais en l’at­tente un nou­veau magis­trat ins­truc­teur a été nommé.

Le 2 juin 2020  une contre  exper­tise,  non judi­ciaire et deman­dée par la famille,  a conclu à une  « asphyxie posi­tion­nelle induite par le pla­cage ventral ».

Les trois vic­times de ces « faits divers » ne se connais­saient pas: lieux, dates,  cir­cons­tances, contexte,  étaient différents.

Pour les Pales­ti­niens la vio­lence des colons et de l’ar­mée israé­lienne est quo­ti­dienne et l’o­pi­nion inter­na­tio­nale  tolère toutes les dérives sécu­ri­taires d’un État israé­lien désor­mais très léga­le­ment auto pro­cla­mé « État Nation du peuple juif ». Eyad al-Halaq l’a payé de sa vie, comme bien d’autres avant lui.

Pour une socié­té amé­ri­caine appe­lée à rede­ve­nir « great again », les vieux démons de l’es­cla­vage ne sont pas encore éra­di­qués.George Floyd l’a payé de sa vie.

En France une mani­fes­ta­tion pour que véri­té soit dite dans le cas d’A­da­ma, inter­dite mais réunis­sant au moins 20 000 per­sonnes, a eu lieu le 2 juin. De nou­veaux appels à ras­sem­ble­ments annoncent peut – être une suite des mou­ve­ments sociaux, des scènes déjà vécues depuis 2005 dans des ban­lieues, des quar­tiers dits « sen­sibles ». La mort d’A­da­ma Trao­ré impose la plus grande vigilance.

Les com­pli­ci­tés actives, voire les encou­ra­ge­ments  assu­més, des auto­ri­tés israé­liennes et amé­ri­caines montrent un racisme d’État éri­gé sciem­ment en sys­tème de gou­ver­ne­ment . En France nous ne jouons pas dans cette cour.

Mais le ministre Cas­ta­ner, déjà res­pon­sable comme ministre de l’In­té­rieur de bien des bavures poli­cières com­mises lors de nom­breux mou­ve­ments sociaux, a indi­qué  que si la mani­fes­ta­tion du 2 juin avait été inter­dite c’é­tait « pour rai­sons d’ur­gence sani­taire » et dans la France du décon­fi­ne­ment accé­lé­ré les mani­fes­ta­tions sur la voie publique impli­quant plus de 10 per­sonnes res­tent  inter­dites. Il vient de pro­mette une « sanc­tion » pour « chaque faute ou mot raciste » dans la police.

Mais nous sen­tons bien qu’un cli­mat délé­tère s’ins­talle dans notre pays : para­pluie  des mesures sani­taires pour cou­vrir les exten­sions d’un état d’ur­gence déjà fon­dé sur de nom­breux textes légis­la­tifs anti « ter­ro­risme », mou­ve­ments sociaux et leur expres­sion paci­fique sur la voie publique bien faci­le­ment enca­drés, réduits, voire inter­dits, déploie­ment sys­té­ma­tique de forces poli­cières et tolé­rance large en cas de dérives  , de dis­cri­mi­na­tions, voire de vio­lences graves, à l’en­contre de caté­go­ries de popu­la­tions, de types de popu­la­tions, ten­ta­tions de contrôle socié­tal glo­bal par sur­veillance et tra­ça­bi­li­té des per­sonnes infor­ma­ti­sé sous cou­vert de lutte conte une pan­dé­mie, néces­si­té d’en appe­ler de plus en plus fré­quem­ment aux plus hautes juri­dic­tions de l’État pour faire inter­dire des dérives auto­ri­taires gou­ver­ne­men­tales  (cas des sur­veillances par drones tout récemment ).

Il fau­dra plus que des paroles léni­fiante pour toute réponse aux trois ques­tions posées en introduction.

Trois ques­tions qui en appellent une autre :

Et nos valeurs démo­cra­tiques, nos liber­tés publiques,  elles comptent ?