Depuis le 12 novembre, les habi­tants de Mul­house sont tenus de se mas­quer le visage sur l’en­semble du ban com­mu­nal, à l’ex­cep­tion de petites zones de pro­me­nade, répar­ties aux quatre coins du ter­ri­toire muni­ci­pal. Cela vaut donc éga­le­ment pour l’en­semble des parcs et jar­dins urbains. 

La pré­fec­ture du Haut-Rhin, s’empressant, comme elle le fait à l’ac­cou­tu­mée, de pré­ci­ser que la déci­sion a été prise « en concer­ta­tion avec la maire de Mul­house ». Et valable (au moins) jus­qu’au 1er décembre. 

On se doute bien que ce n’est pas la fine équipe Lutz-Rott­ner, élue avec 9% des élec­teurs ins­crits, qui ferait montre d’une quel­conque résis­tance à l’en­droit d’une mesure hors-sol et douteuse. 

Il est vrai que la ville fai­sait déjà l’ob­jet d’une mesure toute par­ti­cu­lière depuis le mois d’aout, puisque la fré­quen­ta­tion du centre his­to­rique obli­geait au port du masque. 

A l’ap­pui de cette déci­sion, une reprise de la pres­sion sani­taire semble avoir bon dos. Le double quo­ti­dien unique « L’Al­sace » fait comme tou­jours le tra­vail du com­mu­ni­quant à la place du com­mu­ni­quant : « le taux de posi­ti­vi­té aux tests de dépis­tage Covid-19 s’établissait à 17,8% dans le Haut-Rhin le 11 novembre 2020 contre 11,4 % deux semaines aupa­ra­vant. L’augmentation est encore plus notable pour le taux d’incidence (nombre de cas confir­més pour 100 000 habi­tants) qui s’établit désor­mais à 444,8 pour le dépar­te­ment du Haut-Rhin contre 225,5 deux semaines aupa­ra­vant (chiffres de San­té Publique France) ».

Pour­tant, en jetant un oeil dans les détails de l’ar­rê­té pré­fec­to­ral, et dans ses « consi­dé­rant », on s’a­per­çoit qu’il s’a­git sur­tout d’une mesure essen­tiel­le­ment carac­té­ri­sée par la nature du ban com­mu­nal mulhousien :

Le taux d’in­ci­dence et de posi­ti­vi­té étant pour­tant peu ou prou le même à Col­mar, la capi­tale admi­nis­tra­tive du Haut-Rhin ne connai­tra pas, pour ce qui la concerne, le même sort que la cité du Boll­werk, dont on se sou­vient qu’elle avait été éga­le­ment pla­cée sous couvre-feu au mois de mars et avril, cela tou­jours « en concer­ta­tion » avec la mairie. 

Est-ce à dire que M. Strau­mann, maire de Col­mar, aurait tenu tête à M. Le Pré­fet, comme il a aura ten­té, vai­ne­ment, de main­te­nir récem­ment ouvert ses com­merces de proxi­mi­té ? Encore un mys­tère du micro-cli­mat poli­ti­co-sani­taire colmarien !

A l’ex­cep­tion notable de Mul­house, les cités haut-rhi­noises ne connai­tront d’ailleurs que des mesures de port du masque limi­ta­tives. Il est ren­du obli­ga­toire dans un péri­mètre de 50 mètres autour des entrées et sor­ties des éta­blis­se­ments d’enseignement, des crèches et des éta­blis­se­ments accueillant des acti­vi­tés péri­sco­laires, et des marchés. 

Un dis­po­si­tif pen­sé avec cohé­rence et sim­pli­ci­té du haut d’un per­choir bureau­cra­tique, qu’ap­pré­cie­ront sans doute avec mesure et pro­por­tion­na­li­té la maré­chaus­sée et autre police muni­ci­pale, promptes à fan­fa­ron­ner (comme le fait le ministre de la police Dar­ma­nin) sur le nombre de contra­ven­tions dres­sées contre les mal­ap­pris du masque en plein air. 

Maskopolis, ou la cité barrière 

Mais là n’est pas même l’es­sen­tiel. Les pré­ju­gés peuvent aller bon train contre Mul­house, ville pauvre, cos­mo­po­lite et d’aire urbaine un peu trop étroite selon l’appréciation pré­fec­to­rale, a contra­rio de Col­mar et du dépar­te­ment, il reste que, dans le mael­strom d’in­for­ma­tions flip­pantes dont sont abreu­vés quo­ti­dien­ne­ment les citoyens, on attend, tou­jours et encore, un début de com­men­ce­ment de preuve scien­ti­fique que le port du masque ser­vi­rait effec­ti­ve­ment à quelque pro­tec­tion que ce soit, en milieu extérieur. 

Vous n’êtes pas tenus de nous croire : pre­nez sim­ple­ment ce que déclare Antoine Fla­hault (défen­seur du port du masque pour les enfants dès 6 ans en milieu sco­laire, donc sans risque d’être confon­du avec un anti-masque conspi­ra­tion­niste, et pour qui « Il faut pro­lon­ger les efforts » [du confi­ne­ment]), Pro­fes­seur de san­té publique et ancien direc­teur de l’École des hautes études en san­té publique (EHESP). Inter­ro­gé récem­ment par le maga­zine de san­té « What’s up Doc ? » sur le port du masque en exté­rieur, voi­ci sa réponse : 

« Quand ces déci­sions n’ont pas de fon­de­ment scien­ti­fique, elles ne sont pas faciles à jus­ti­fier et à faire com­prendre. Aujourd’­hui, il semble dif­fi­cile de jus­ti­fier scien­ti­fi­que­ment le port obli­ga­toire du masque à l’extérieur. N’at­ten­dons pas des scien­ti­fiques qu’ils puissent venir aider les poli­tiques pour jus­ti­fier des mesures qui n’ont pas de fon­de­ment scientifique ».


Lien vers le site.

C’est donc en ver­tu d’un prin­cipe de pré­cau­tion à géo­gra­phie et socio­lo­gie variable, que cette mesure est prise à Mulhouse. 

Cela dit, pour­quoi ne pas extra­po­ler une telle mesure à toutes les rues de France et de Navarre ? Le taux de posi­ti­vi­té étant de 17,18% en moyenne natio­nale, le 14 novembre !

Il est aus­si bon de rap­pe­ler qu’en dépit des alarmes sur ce taux d’incidence, les courbes épi­dé­miques ne se sont jamais embal­lées dans le Haut-Rhin, ain­si que nous nous ris­quions à le dire dans notre article deve­nu viral et (inuti­le­ment) polé­mique sur le recon­fi­ne­ment de Noël, du 24 octobre. 

Voi­ci à ce sujet un point pré­cis sur la situa­tion épi­dé­mique dans le dépar­te­ment, au 14 novembre 2020 (les gra­phiques sont actua­li­sés quo­ti­dien­ne­ment par Ger­main Fores­tier, ensei­gnant de l’U­ni­ver­si­té de Haute Alsace, sur la base des don­nées offi­cielles de San­té Publique France) : 

Si les gra­phiques ne vous paraissent pas évo­ca­teurs, les ten­dances sont détaillées sur votre droite 

Zéro est arrivé (et il était gauche)

Cette nuit poli­ti­co-sani­taire dans laquelle le citoyen erre depuis des mois en véri­table zom­bie, laisse d’au­tant plus sidé­ré que chaque pan de liber­té devant lequel l’on accepte de recu­ler se fait à bas bruit, ou dans le silence assour­dis­sant de la part de ceux qui se pensent les amis de la liber­té et de la soli­da­ri­té, ceux qui, d’ordinaire, sont tou­jours prompts à dénon­cer les ukases gou­ver­ne­men­taux absurdes et dan­ge­reux, c’est à dire la gauche, mul­hou­sienne, alsa­cienne, pour peu qu’elle fré­tille encore. 

Il semble pour­tant que les « insou­mis » aus­si bien que les éco­lo­gistes laissent per­pé­trer pas­si­ve­ment une dérai­son poli­tique à voca­tion sani­taire. Sem­blant cre­ver de trouille à l’i­dée d’être assi­mi­lés ou asso­ciés aux com­plo­tistes, dès lors qu’ils s’es­saie­raient à for­mu­ler la moindre réserve à l’en­droit de la ges­tion de crise par le gouvernement. 

N’en par­lons pas même s’a­gis­sant d’une déci­sion pré­fec­to­rale sans fon­de­ment scien­ti­fique à Mul­house, comme dans les autres métro­poles, mais dont les effets ten­dront à cris­per davan­tage les échanges sociaux au sein d’une ville où les habi­tants connaissent déjà des pous­sées de fric­tions épi­so­diques, fon­dées sur la défiance. 

Absente sur la dénon­cia­tion de déci­sions arbi­traires, la gauche fran­çaise fait sur­tout silence quant aux moda­li­tés d’un confi­ne­ment natio­nal le plus auto­ri­taire, infan­tile et humi­liant de toute l’U­nion Euro­péenne, ain­si que nous l’illus­tre­rons pro­chai­ne­ment dans un « confi­no­mètre euro­péen », qui com­pa­re­ra par le détail l’é­ten­due des mesures atten­ta­toires aux liber­tés en France, par rap­port à l’en­semble de ses par­te­naires et voi­sins euro­péens, plon­gés dans la même réa­li­té épidémique. 

Un bonus documentaire pour s’aérer l’esprit critique et sortir de l’ornière franco-française : « Covid-19 : le virus ou la vie ? Français, Allemands et Suédois face à la crise », diffusé par Arte :

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