Alors que 80% des Fran­çais sont oppo­sés à la réforme des retraites, l’in­ter­syn­di­cale 68 s’est réuni le 25 jan­vier dans les locaux de l’U­nion dépar­te­men­tale CFTC de Mul­house, 66 rue Thierstein. 

L’in­ter­syn­di­cale se pré­sente comme un point d’ap­pui et une force qui redon­ne­rait confiance aux sala­riés (ain­si qu’aux non-sala­riés) pré­sents dans les manifestations. 

Les prin­ci­paux res­pon­sables et secré­taires dépar­te­men­taux du Haut-Rhin y ont mul­ti­plié les salves à l’encontre du pro­jet gou­ver­ne­men­tal de réforme des retraites. 

Cer­tains, par­mi les syn­di­cats sup­po­sé­ment arran­geant avec de pré­cé­dentes réformes gou­ver­ne­men­tales, sem­blant même se radi­ca­li­ser à la faveur d’une situa­tion éco­no­mique et sociale dont ils ne com­prennent mani­fes­te­ment plus les contours, ni même l’orientation… 

  • Jacques RIMEIZE (Force Ouvrière) rap­pel­le­ra que l’unité nait de l’absence de jus­ti­fi­ca­tion de la réforme, car il n’y a pas de défi­cit des caisses de retraite. Et de rap­pe­ler que les 4 scé­na­rios évo­qués par le COR (conseil d’o­rien­ta­tion des retraites), le der­nier, et plus pes­si­miste, fait res­sor­tir un léger défi­cit d’i­ci quelques années. Infir­mant ain­si le dis­cours gouvernemental.

Le secré­taire de son Union dépar­te­men­tale sou­ligne que la pyra­mide des âges pro­dui­ra des cohortes de retrai­tés qui par­ti­ront de moins en moins nom­breux en ayant suf­fi­sam­ment cotisé.

C’est donc une sorte de double peine qui pré­vau­dra, puisque les nou­velles géné­ra­tions ne jus­ti­fie­ront pas des car­rières à taux plein et, ce fai­sant, béné­fi­cie­ront de niveaux ampu­tés de retraite. La per­ver­si­té et l’iniquité de la réforme réside dans ces injus­tices, alors que les géné­ra­tions du baby-boom s’éteignent en tant que classe d’âge active. 

Les coti­sa­tions retraite c’est en sub­stance du salaire dif­fé­ré, et cela carac­té­rise en tant que tel la sécu­ri­té sociale.

Com­ment com­prendre alors que l’État, lequel a rever­sé 3,5 mil­liards d’euros d’aides aux entre­prises dans le seul dépar­te­ment du Haut-Rhin, ne sau­rait trou­ver 12 mil­liards au niveau natio­nal, d’ici 2030 ?

La moi­tié des per­sonnes qui sol­li­citent leur retraite ne sont plus en situa­tion d’emploi. On aggrave alors la capa­ci­té à accé­der à ce droit social fon­da­men­tal. De sorte qu’a­près 60 ans beau­coup de retrai­tés en deve­nir bas­cu­le­ront d’a­bord dans le chô­mage, le RSA, ou l’invalidité. Ils pèse­ront alors sur d’autres régimes de la Sécu­ri­té sociale ou sur les comptes de l’Assurance chômage. 

L’État déplace donc le pro­blème. Et tout concours à détruire les sys­tèmes de pro­tec­tion col­lec­tifs et les acquis y afférents.

Pour le repré­sen­tant de FO, le nombre de mani­fes­tants est his­to­ri­que­ment éle­vé, et supé­rieur à celui de 2019. Rela­tant un échange avec un employeur sou­te­nant que les mini­ma sociaux sont trop éle­vés, il réplique que ce ne sont pas ces pres­ta­tions sociales qui sont trop éle­vées, mais les salaires qui sont trop bas. Les rele­ver pro­fi­te­rait néces­sai­re­ment à la Sécu­ri­té sociale.

Par ailleurs, les exo­né­ra­tions sociales se sont mul­ti­pliées, créant un rétré­cis­se­ment de l’échelle des salaires. Un seul exemple : un ouvrier de l’automobile alle­mand gagne 25% de plus qu’un fran­çais, à tra­vail égal… 

  • Natha­lie KERN (Confé­dé­ra­tion Géné­rale du Tra­vail) sou­li­gne­ra que le défi­cit du régime des retraites pour­rait attendre 12 mil­liards d’i­ci quelques années, soit 3% du bud­get glo­bal. Ces 3% pou­vant être com­blés de diverses manières. Elle rap­pelle par ailleurs que l’intersyndicale natio­nale a consti­tué une péti­tion en ligne, riche de près de 800 000 signa­tures à ce jour, depuis un peu plus de 2 semaines. 

Elle rap­pelle que les emplois pré­caires et à temps incom­plet sont majo­ri­tai­re­ment occu­pés par des femmes, et que les choses risquent de ne pas aller en s’améliorant pour beau­coup de gens : le pou­voir d’achat est mal­me­né. Tou­cher aux retraites est donc insup­por­table. Par ailleurs, aug­men­ter par exemple les effec­tifs dans la Fonc­tion publique, c’est aug­men­ter les cotisations.

  • Antoine DUGO (Confé­dé­ra­tion Fran­çaise Démo­cra­tique du Tra­vail) note­ra la force de l’intersyndicale sur le dos­sier des retraites, alors qu’il est pro­mis d’allonger la durée de coti­sa­tion à 64 et 65 ans, pro­vo­quant alors le front syn­di­cal uni­taire. L’effort finan­cier est por­té sur les sala­riés les plus pré­caires. Les deux der­nières réformes axant déjà l’essentiel des efforts finan­ciers sur les sala­riés ou sur les deman­deurs d’emploi. La popu­la­tion en a ras le bol de ces pro­cé­dés. Et le repré­sen­tant de la CFDT réclame le retrait pur et simple du projet.

Pour lui, le Pré­sident Macron est dans une posi­tion de défiance vis à vis des corps inter­mé­diaires. Il n’y a aucun res­pect, et l’homme parait dédai­gneux. Pas seule­ment à l’en­droit des orga­ni­sa­tions syn­di­cales, mais des Fran­çais en géné­ral. Avec par exemple des ministres qui racontent n’importe quoi.

Le tout, alors que le Pré­sident de la Répu­blique disait en 2019 avoir conscience des dif­fi­cul­tés des sala­riés pas­sé un cer­tain âge, et pro­met­tait de ne pas tou­cher à l’âge de départ. Les sala­riés ont été floués sur la parole don­née, ce qui jus­ti­fie d’autant plus le mou­ve­ment social. Un homme poli­tique doit être un homme de confiance, et aujourd’hui celle-ci est tota­le­ment perdue.

Si les repré­sen­tants de l’État sont res­pon­sables, les employeurs le sont éga­le­ment, car ils licen­cient pour inap­ti­tude et sou­vent pour une inap­ti­tude non pro­fes­sion­nelle. Ils ajoutent encore aux dif­fi­cul­té des sala­riés qui attendent de per­ce­voir une retraite, et cela pro­longe leur situa­tion de précarité. 

Les contri­buables n’ont pas à payer les effets des mala­dies pro­fes­sion­nelles. Il faut tout revoir et faire payer les entre­prises, ain­si que les béné­fices issus du capi­tal. C’est un choix de socié­té qui prend du temps à se construire.

Ceux qui paie­ront les consé­quences de cette réforme sur l’âge de départ sont ceux qui ont com­men­cé tôt. Et les jeunes qui ont démar­ré tard n’auront pas les 43 ans de coti­sa­tion. Le tra­vail, et le sens don­né au tra­vail doit être inter­ro­gé en tant que tel, au-delà du pro­blème de l’âge.

Pour le res­pon­sable du syn­di­cat répu­té le plus influent auprès du gou­ver­ne­ment, l’appel una­nime de l’intersyndicale est de venir plus nom­breux à la mani­fes­ta­tion mul­hou­sienne. Il faut mon­trer à ce gou­ver­ne­ment que l’on ne fait pas ain­si du dia­logue social dans ce pays.

La légi­ti­mi­té démo­cra­tique de Macron ne se pose pas. Cela dit, depuis plu­sieurs élec­tions, la droite extrême aug­mente son audience et ce n’est pas parce que l’on a voté Macron que l’on a opté pour sa poli­tique. Lui-même le recon­nait dans son inter­ven­tion d’après-élection.

Si le débat démo­cra­tique ne vit plus, on peut craindre le pire poli­ti­que­ment. Car c’est toute la mon­dia­li­sa­tion qui appa­rait aujourd’hui pour n’être plus qu’une impasse. Il faut pro­fi­ter de ce moment de bas­cule pour repen­ser le sys­tème éco­no­mique natio­nal, et remettre de l’activité au cœur. Le tra­vail consti­tuant aus­si du lien, pour peu qu’il soit qualitatif.

Il faut quelqu’un pour chan­ger la donne éco­no­mique. Si ce n’est pas « la rue qui com­mande » comme aime à le répé­ter les ministres de Macron, il s’agit bien d’écouter le peuple qui n’en peut plus !

Pour le repré­sen­tant CFDT, que le gou­ver­ne­ment cherche à frac­tu­rer le front syn­di­cal n’y chan­ge­ra rien : ça res­te­ra non à 64 ou 65 ans. Et cela ne s’arrêtera pas là. Au-delà de ce pro­jet, il fau­dra sta­bi­li­ser socia­le­ment le pays.

Les jeunes ne doivent pas tom­ber dans le fata­lisme, s’agissant de la pré­ser­va­tion du sys­tème de retraites. Il faut croire qu’un chan­ge­ment posi­tif est pos­sible. Et ce n’est pas la solu­tion pré­sen­tée par le gou­ver­ne­ment qui per­met­tra de pro­cu­rer une retraite digne pour tout le monde, sur­tout les plus fra­giles, selon le repré­sen­tant syndical.

  • Chris­tophe ANSEL (Fédé­ra­tion Syn­di­cale Uni­taire) ajou­te­ra que pour les ensei­gnants, l’al­lon­ge­ment de la durée s’a­jou­te­rait à la dété­rio­ra­tion des condi­tions de tra­vail. Cette réforme est une pro­vo­ca­tion de trop. Le gou­ver­ne­ment pré­tend rece­voir tout le monde, mais tout est déci­dé par avance. Cette pra­tique pro­vo­ca­trice contri­bue à conso­li­der l’intersyndicale, et incite de nom­breuses per­sonnes à venir gros­sir le rang des manifestants.
  • Pour Michel CORRIAUX (Confé­dé­ra­tion Fran­çaise de l’En­ca­dre­ment – Confé­dé­ra­tion Géné­rale des Cadres), le gou­ver­ne­ment a réus­si l’exploit d’unir toutes les orga­ni­sa­tions syn­di­cales. Une réforme qui est mani­fes­te­ment consti­tuée pour des faire des éco­no­mies et réduire les dépenses qui n’ont en fait rien à voir avec les retraites. Le tout sans métho­do­lo­gie, ni concer­ta­tion, et par un groupe de res­pon­sables publics qui estiment dis­po­ser de la véri­té absolue.

Pour lui, il faut être dans la rue le 31 jan­vier, car si le gou­ver­ne­ment semble déter­mi­né, il est aus­si fébrile, notam­ment au regard du rap­port de force social qui s’annonce. 

  • Mar­tial Petit­jean (CFE-CGC) ajou­tant qu’il faut chan­ger l’assiette de coti­sa­tion à l’avenir pour payer les retraites de nos enfants, car l’on abou­ti­ra à 1 actif pour 1 retrai­té. Il ne faut sur­tout pas que le sys­tème de retraite soit trans­for­mé en une annexe du bud­get de l’État, ain­si que l’expose le ministre de l’Économie Bru­no Le Maire, lequel pré­tend que les éco­no­mises réa­li­sées per­met­traient de finan­cer les hôpi­taux ou l’Éducation Natio­nale ! Si défi­cit il y a, il n’au­ra pas à être jugu­lé avant 15 ou 20 ans.
  • Pour Chris­tophe FAUSSER et Alain KAUFFMANN (Confé­dé­ra­tion Fran­çaise des Tra­vailleurs Chré­tiens), le gou­ver­ne­ment concerte dans le vide. Ce qui importe est de négo­cier. Tout le monde y est prêt. Mais il n’y a pas d’urgence. Le gou­ver­ne­ment ne res­pecte rien ni per­sonne. Les femmes sont per­dantes, les sala­riés et les plus modestes sont sacrifiés. 

Il est cho­quant d’entendre des jeunes qui pensent qu’ils n’auront plus de retraites. Pour le syn­di­ca­liste, il est plus que temps que le pré­sident range son orgueil et sa suf­fi­sance dans sa poche !

  • Tho­mas ESCHBACH (Union Natio­nale des Syn­di­cats Auto­nomes) affir­me­ra que le mou­ve­ment uni­taire est sui­vi et sou­te­nu par la popu­la­tion. La réforme envi­sa­gée étant injus­ti­fiée, injuste et bru­tale. Le gou­ver­ne­ment négli­geant les par­te­naires sociaux, ajoute de l’huile sur le feu et attise des ten­sions sociales supplémentaires.

La nature du Pré­sident Macron sem­blant de pro­vo­quer le pays. Et cela a l’air de lui plaire. La Pre­mière ministre Éli­sa­beth Borne parle sans cesse de concer­ta­tion. Mais plus elle en parle, et moins il y en a en véri­té. Com­bien de pro­po­si­tions syn­di­cales ont été rete­nues dans le cadre de cette réforme ? Aucune. Pour le repré­sen­tant de l’UN­SA, c’est une mani­pu­la­tion politique.

L’après-covid néces­si­te­rait de construire des rap­ports sociaux et des pro­jets qui ins­pirent la confiance. Or, ce pro­jet est un coup de bam­bou diri­gé contre la population… 

Le ren­dez-vous mul­hou­sien est fixé le 31 jan­vier à 13h30, place de la Bourse. 

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