Jour­na­liste et réa­li­sa­teur de docu­men­taires, notre confrère Pierre-Emma­nuel Luneau-Dau­ri­gnac a été l’un des pre­miers à enquê­ter sur la ques­tion des rap­ports ambi­gus entre entrai­neurs, sou­vent hommes en posi­tion de pou­voir, et ath­lètes en deve­nir, pour beau­coup des jeunes femmes tri­bu­taires de leur for­ma­teur, y com­pris en matière de vio­lence ou d’abus sexuels, sur le che­min de leur accom­plis­se­ment professionnel.

Il a publié au début de l’année 2021 un ouvrage inti­tu­lé « L’entraineur et l’enfant », publié aux édi­tions du Seuil. Il y traite pré­ci­sé­ment des déviances com­mises dans le cadre de la for­ma­tion de ces futurs meilleurs ath­lètes nationaux.

Une par­tie y est notam­ment consa­crée aux liens entre la famille Hor­ter et Roxan­na Mara­ci­nea­nu, aujourd’hui ministre délé­guée aux sports du gou­ver­ne­ment Castex.

Il y rap­pelle le secret de poli­chi­nelle qu’a été l’histoire d’amour entre Lio­nel Hor­ter et Roxa­na Mara­ci­nea­nu, alors qu’il se trou­vait être son entrai­neur à Mul­house. Une his­toire qui valut au mul­hou­sien de divor­cer peu après son mariage pour emmé­na­ger avec sa jeune ath­lète, de dix ans sa cadette. 

En vou­lant inter­ro­ger l’ordre des rap­ports de subor­di­na­tion entre entrai­neurs et spor­tifs, qui peuvent faire l’objet d’abus de la part des pre­miers sur les seconds, le jour­na­liste y revient tout d’abord sur l’inextricable situa­tion actuelle dans laquelle se trouve engon­cée la famille fon­da­trice du club de nata­tion MON, un temps recon­nu comme l’un des meilleurs centres d’entrainement de France.

La famille de spor­tifs mul­hou­siens y est décrite comme extrê­me­ment sou­dée autour de patriarche, Laurent Hor­ter, véri­table « par­rain » de la nata­tion fran­çaise, la mère, Marie-Octa­vie, membre de la Fédé­ra­tion fran­çaise de nata­tion, et co-fon­da­trice avec son époux du MON en 1962.

Leurs reje­tons Lio­nel et Franck pour­suivent natu­rel­le­ment le sillon du patriarche en tant que spor­tifs, puis diri­geants et entrai­neurs. La tra­di­tion fami­liale étant prise comme pierre angu­laire, qu’ils pré­sentent comme « une valeur essentielle ».

L’auteur y recons­ti­tue ain­si l’asymétrie des rap­ports entre une « famille puis­sante », et une jeune fille récem­ment immi­grée de Rou­ma­nie, dont la famille s’est ins­tal­lée à Mul­house, et pour qui le sport est un moyen de pro­mo­tion essentiel. 

Alors que le jour­na­liste s’apprête à inter­ro­ger la ministre Mara­ci­nea­nu, sur­vient l’enquête de Radio France sur le clan Hor­ter, où sont poin­tés des soup­çons de mal­ver­sa­tion finan­cières, d’enrichissement per­son­nel, de fac­tu­ra­tions fan­tai­sistes, de non-paie­ments de spor­tifs en for­ma­tion, d’avantages en nature sous la forme de luxueux voyages du patriarche, d’acquisitions de pro­prié­tés immo­bi­lières, de cap­ta­tions de sub­ven­tions à des fins de finan­ce­ment de socié­té pri­vées appar­te­nant à la famille…

Lio­nel Hor­ter, pré­su­mé inno­cent jusqu’à preuve du contraire, est par­ti­cu­liè­re­ment visé par l’enquête en cours. On lui reproche la pos­ses­sion d’une grande mai­son à la Mar­ti­nique d’une valeur de 1 mil­lion d’euros, de plu­sieurs véhi­cules de luxe, et toute une série de finan­ce­ments croi­sés entre la struc­ture asso­cia­tive MON, et diverses socié­tés pri­vées dont les Hor­ter sont action­naires, ain­si que des cumuls de reve­nus publics (en tant que conseiller tech­nique et spor­tif) et pri­vés, sans auto­ri­sa­tion de l’administration…

En l’absence d’enquête de la part du minis­tère des Sports, il parait ain­si dif­fi­cile de ne pas y voir une consé­quence de la proxi­mi­té per­son­nelle de la ministre avec le diri­geant sportif.

La trace de cette attache en est d’ailleurs gra­vée sur le bas­sin qui sert à l’entrainement des spor­tifs membres du MON, puisqu’il porte depuis avril 2019 le nom de Roxa­na Maracineanu.

Cette der­nière étant venue en per­sonne inau­gu­rer le bas­sin homo­nyme, et quelques temps plus tard prendre la tête du comi­té de sou­tien de Franck Hor­ter, lequel se pré­sen­tait en deuxième place de la liste assi­mi­lée LREM aux élec­tions muni­ci­pales de 2020, por­tée par Lara Million. 

Il semble au pas­sage que le choix de Franck Hor­ter ait por­té le doc­teur Rott­ner (ex-maire et pre­mier adjoint) au bord de l’apoplexie, lui qui n’imaginait pas que l’on puisse être aus­si déloyal qu’il a pu l’être envers sa mar­raine en poli­tique, une cer­taine Arlette Gross­kost.  

Il est vrai que la mémé flin­gueuse alsa­cienne, aujourd’­hui ran­gée de la mare aux cro­co­diles, s’était (encore) fen­due d’une décla­ra­tion déli­cieu­se­ment piquante, dont elle avait jadis le secret, à l’endroit de son ex-pro­té­gé, lors de ces der­nières élec­tions : « Je ne me suis pas bat­tue pen­dant toute ma car­rière poli­tique pour retrou­ver à la mai­rie de Mul­house le porte-ser­viette de quelqu’un d’autre, lequel remet­tra le porte-ser­viette à sa place quand il ne sera plus élu ailleurs. ».

Mais quit­tons les basses eaux fan­geuses pour en reve­nir à la per­son­na­li­té de Mara­ci­nea­nu. L’auteur finit par obte­nir une entre­vue avec la ministre des Sports. Outre le pro­blème des abus sexuels qu’elle évoque, et dont elle a choi­si de faire l’aiguillon de son action minis­té­rielle, elle dis­culpe aus­si­tôt Lio­nel Hor­ter, alors que le jour­na­liste venait de men­tion­ner leur liai­son com­mune, leur dif­fé­rence d’âge et (sur­tout) de statut.

Elle bafouille en jus­ti­fi­ca­tions, expose des « dif­fi­cul­tés dans ma rela­tion avec Lio­nel Hor­ter », parle de « tra­vailleurs » de 10 ans pour contex­tua­li­ser le sort des jeunes spor­tifs, avant de se rétrac­ter dans l’embarras.

Et alors que Pierre-Emma­nuel Luneau-Dau­ri­gnac est sur le point d’être éjec­té par la char­gée de com­mu­ni­ca­tion de la ministre, Mara­ci­nea­nu pour­suit en ten­tant d’extraire la pro­blé­ma­tique des abus de pou­voir et des vio­lences dans le sport de sa propre expé­rience per­son­nelle. Et lâche que « Lio­nel n’est pas un entrai­neur tout-puissant ».

De toute évi­dence, la famille Hor­ter a per­du beau­coup de sa « toute-puis­sance », de son cré­dit et de son influence, tant natio­na­le­ment que localement.

Et les der­nières infor­ma­tions qui nous par­viennent ne sont pas pour ras­su­rer lors des réunions de famille. On évoque ain­si des licen­cie­ments, et des per­qui­si­tions de docu­ments et d’ordinateurs au siège de la structure… 

L’en­trai­neur et l’en­fant, 336 pages, édi­tions du Seuil, ISBN-10 : 2021463958

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