Après le conseil municipal d’Ottmarsheim, ainsi que nous vous le relations ici, le conseil d’agglomération mulhousien (M2A) a rejeté une motion demandant la mise en œuvre d’une étude de dangers (EDD) au sujet de la coopérative d’Ottmarsheim, laquelle stocke dans des conditions qui interrogent et inquiètent, 3600 tonnes d’ammonitrates, un engrais azoté potentiellement explosif.
Rappelons brièvement qu’en 2018, un lanceur d’alerte pointait un stockage non conforme et dangereux de 3 600 tonnes de nitrate d’ammonium agricole sur le site de la Coopérative céréalière d’Ottmarsheim, près de Mulhouse.
Deux ans plus tard, si le site s’est mis en conformité avec les règlementations, les autorités et services de contrôle de l’Etat, comme la DREAL, tout comme les agriculteurs, continuent d’affirmer que le produit ne peut exploser dans les conditions de stockage actuelles. Un postulat contesté par des experts chimistes et en risques industriels.
La motion était portée par l’élu d’opposition Joseph Simeoni et soutenue par les élu-es du groupe « Mulhouse cause commune ». L’idée étant de contraindre la coopérative agricole ou l’usine voisine Boréalis de financer elle-même l’étude indépendante.
Réponse gazeuse
Tout comme lors du conseil municipal d’Ottmarsheim, la confusion a été manifeste dès lors que Jean-Marie Behe, maire de la commune, et délégué communautaire aux risques industriels, a commencé à argumenter en défaveur.
Se posant en tant qu’ancien pompier officiant sur la bande rhénane depuis 42 ans. Il enfile les lieux communs : « la sécurité dans la zone est une priorité », en décryptant difficilement le papier qu’il lisait d’une lecture hachée.
Après s’être saisi de la problématique portée par « le collectif du 22 septembre » (alors qu’il s’agit du 26 septembre), il dit avoir « pris les devants afin de proposer une démarche constructive avec l’exploitant ». Soit accueillir les élus communautaires. Lesquels « ont eu droit à une visite du site et un échange avec l’exploitant ».
Mieux que cela, l’exploitant aura témoigné, selon lui, d’une « culture du risque au sein de l’entreprise ». Par ailleurs la DREAL n’a rien trouvé, elle qui ne communique qu’aux seules autorités autorisées, comme on le constate dans les articles de notre confrère Reporterre.
Comble du ridicule : le maire évoque une étude effectuée par l’exploitant lui-même en 2018, à propos du danger des ammonitrates. Il « a pris en compte les prescriptions de cette étude ». Quelles sont-elles ? « Elles ne peuvent être divulguées pour des raisons de sécurité » ! Là c’est sûr, on peut faire confiance à l’exploitant et à son maire porte-parole.
Afin de noyer l’enjeu essentiel, rien de tel qu’une opportune petite diversion, sous la forme de l’invitation pour une visite guidée auprès du voisin Boréalis, qui fabrique certes de l’ammonitrate, mais n’est pas fournisseur de son voisin agricole… Il s’agit de comprendre dans quelles conditions sont fabriquées les engrais. Avec amour, sans doute ?
Puis il s’empressera de distinguer la qualité de stockage local, avec l’explosion du port de Beyrouth en 2020. Selon lui, même les substances étaient différentes que celles conservées par la CAC. Ce dont il est franchement permis de douter.
« Il ne faut pas mélanger les affaires » nuance-t-il. Et après un nouvel intervalle de silence : « la motion ne présente pas d’intérêt ».
Fabian Jordan reprend alors la parole pour finir d’enfoncer les portes de silos ouvertes. Le président est venu (sur place), il a vu, et rien n’est foutu.
De toute évidence, l’intervention de Behe, particulièrement pénible, et que l’on croirait écrite sur la commande d’un service communication, n’a pas convaincu tout l’auditoire communautaire.
Pierre Salze, maire de Feldkirch, par exemple, pour lequel le principe d’une étude de dangers parait pertinent, ajoute qu’une autorité de contrôle indépendante manque à cet égard. Il ne viendrait à personne, souligne-t-il, de demander à EDF de contrôler les centrales nucléaires. C’est donc la tâche de l’autorité de sureté nucléaire (ASN).
Reste un problème auquel le maire ne souscrit pas : faire intervenir des journalistes dans une étude de dangers ! Ils pourraient peut-être rendre l’opinion publique un peu trop explosive ?
Quoi qu’il en soit, les résultats du vote ont déjà été marqués par un premier feu d’artifice, pour le moins surprenant : 15 élus ont voté pour, 54 contre, et 17 se sont abstenus.
Le message commencerait-il à porter parmi les élus ?
Détail de la motion défendue par l’élu du groupe Mulhouse cause commune, lors de l’assemblée communautaire du 15 mars