Une manifestation était organisée le vendredi 14 mai en fin de matinée, sur le parking de l’enseigne située à Morschwiller-le-Bas, près de Mulhouse. Plus d’une cinquantaine de salariés et de soutiens s’y sont retrouvés, et plusieurs centaines de tracts exposant la situation étaient distribués aux clients de passage.
L’enseigne de bricolage détenue par la famille Mulliez (Auchan, Saint Maclou, Kiabi, Cultura etc.) via le groupe ADEO, se fait pourtant fort de jouer la proximité et les valeurs partagées avec son personnel.
Dans un chapitre de la rubrique magazine de son site, intitulé « Une entreprise, des collaborateurs, des valeurs », l’employeur administre un narratif corporate, digne d’un évangile humaniste : « Chez Leroy Merlin, nous partageons un métier mais aussi une façon de le vivre à travers six valeurs que nous incarnons au quotidien : confiance, respect, autonomie, engagement, proximité et audace ».
Mieux, l’enseigne a pris soin d’adopter une charte. Un document de 13 pages nommé « code de conduite éthique ». Sa page 3 précise que : « Une conduite éthique est la règle pour tous les collaborateurs de la communauté des entreprises d’ADEO, partout dans le monde, à tous les niveaux de l’entreprise sans exception ».
Paternalisant au possible, le président d’ADEO et son « leader » paraphent personnellement l’introduction du document, et interpellent en le tutoyant le salarié soucieux d’éthique au travail : « Les questions d’éthique sont rarement simples. La cohérence avec nos valeurs nous conduit à devoir les aborder. Ne garde pas ces questions pour toi : parles-en et demandes conseil soit auprès de ton référent RH pour les sujets de type harcèlement ou discrimination, soit auprès de ton référent anticorruption. Tu seras toujours soutenu dans cette démarche ».
Au chapitre 3 du même document, intitulé « Non-discrimination et lutte contre le harcèlement », les patrons s’adressent à leurs employés à l’égal d’un messie administrant une morale universelle à ses apôtres : « Traite tes collègues de travail et tes partenaires commerciaux comme tu aimerais qu’ils te traitent ». Amen.
Ethique et toc
A ceci près que, face au réel social et professionnel, et à la logique entrepreneuriale, la morale d’affichage égalitaire se trouve aussitôt démentie par les faits. Et certains employés d’encadrement disposent de leurs collègues de manière plus égale que d’autres.
Ainsi, le 21 avril 2021, en situation de pause, quelques salariés sont pris à partie par le directeur du magasin de Mulhouse. Prétextant la nécessité de différer leur repos, il finit par apostropher un salarié qui tente de lui répondre : « Quand je parle, tu écoutes, et tu fermes ta gueule ! ». Puis « Ne me regarde pas comme ça ! Baisse les yeux ! ». Enfin, lui plaçant la main sur l’épaule : « Je vais t’apprendre à me respecter toi ! ». Des salariés stupéfaits assistent à la scène.
Violence des échanges en milieu professionnel oblige, le concours de lâcheté est lancé : le salarié humilié publiquement espèrera pendant quelques jours que des membres de l’encadrement viennent se manifester, mais il déchante rapidement.
Il contacte les ressources humaines, mais il n’y trouve pas plus d’humanité, que de ressources solidaires. En désespoir de cause, le syndicat CGT organise la riposte. Le délégué syndical central du groupe prévient la direction nationale, mais celle-ci ne réagit pas davantage.
Le syndicat accuse un deux poids deux mesures, dès lors qu’un salarié lambda aurait été mise à pied immédiatement s’il avait été à l’initiative de l’agression.
Une situation qui s’est déjà répétée, notamment à Valence, en 2017, où l’on découvrait sur l’intranet de l’entreprise un fichier du personnel, sur lequel figurait des annotations illégales au regard du droit du travail, qualifiant et insultant des intérimaires, du type «Big big boulet», «beurk», «vicieux», «très virulent», «mauvais état d’esprit», «veut le beurre et l’argent du beurre». La direction avait condamné, sans qu’il n’y ait de suite disciplinaire connue.
Mais rien n’arrive jamais hors contexte social : la plateforme valentinoise connaissait en 2016 un conflit social qui avait impacté d’autre sites nationaux.
Manque de bol pour l’enseigne, le salarié mulhousien et les témoins de la scène ont résolu de prendre au mot la charte d’éthique, et viennent réclamer des comptes à la direction du magasin. Ils demandent le départ du directeur, ou « store manager », de l’établissement de Morschwiller, Arnaud De Chardon.
Mais de quoi se plaignent ces salariés ?! Eux qui ont la chance de disposer d’une plateforme de lancement d’alerte à destination de leur direction et du management, qui leur permet de respecter leur anonymat… jusqu’à ce qu’ils se fassent connaitre !
En revanche, la direction du magasin mulhousien n’a quant à elle pas souhaité faire connaitre ses commentaires sur le mouvement de grève.
Ci-dessous une galerie photographique de la manifestation réalisée par notre collaborateur Martin Wilhelm