Photo de Martin Wilhelm
Les syndicats et organisations qui ont appelé, en ce jour, à une mobilisation sous forme de grèves et de manifestations en ce mardi 5 octobre, peuvent mesurer tout le chemin qui leur reste à faire pour fédérer la grogne de la population.
Pourtant, les revendications mises en avant, étaient toutes frappées du bon sens et étaient bien une réponse aux interrogations du monde du travail en ces temps socialement troubles. Alors que tous les sondages annoncent que c’est le pouvoir d’achat qui est la première préoccupation des Français dans la perspective présidentielle, loin devant les questions migratoires, il apparaît que ces citoyens ne viennent pas soutenir leur revendication dans la rue !
La partie majoritaire du cortège mulhousien était formé par les personnels des services publics : normal, puisque tous les gouvernements successifs ont liquidé des pans entiers de ce service public que les Français défendent ardemment. Pourtant, là non plus, les usagers (qui devraient être les premiers à défendre leur hôpital, leur poste, leur services…) n’étaient pas là ! Alors, fiasco ? Ou première étape de reprise d’une mobilisation en construction ?
Un jour de semaine, est-ce opportun ?
Cela n’est sûrement pas l’essentiel, mais l’on peut quand même s’interroger. Tous les samedis depuis plusieurs semaines, des milliers et des milliers de personnes sont présentes les samedis dans des manifestations dénonçant les atteintes aux libertés que représente le passe sanitaire ! Si ces manifestations avaient lieu le mardi, auraient-elles le même succès ? Poser la question, c’est y répondre. Pourquoi les syndicats s’obstinent-ils à appeler un jour de semaine à des actions alors que la majorité des salariés sont au boulot ? Les purs et durs me diront : mais il y a appel à la grève, et si les salariés font grève ils pourront venir à la manif. Oui, mais s’ils ne peuvent faire grève ?
On a l’impression que ces appels se réitèrent depuis des années, sans que les syndicats ne prennent en compte l’évolution de la situation et de la société. Le constat est clair : les salariés du privé sont en difficultés pour faire grève et ils ne peuvent donc sortir de leur entreprise. Et cela se comprend aisément. Il est vrai que les salariés de la fonction public ont plus de possibilités de faire grève : cela explique qu’ils forment la majorité des cortèges. Mais qu’est-ce qu’une majorité de 500 manifestants dans une ville qui a connu des samedis avec 6000 personnes qui défilaient en famille dans les rues de la ville !
Il serait urgent que les syndicats mettent leur logiciel à jour pour permettre à tous ceux qui souhaiteraient manifester leur mécontentement de pouvoir le faire sans être obligé de faire grève. Et pour cela, il ne reste que le samedi pour se retrouver.
Les syndicats sont-ils encore entendus ?
L’Alterpresse68 a été « aimablement » tancé par un dirigeant de la CFDT car nous aurions été trop critique à l’égard de cette organisation (d’ailleurs absente dans les organisateurs de la protestation du 5 octobre). Et le quidam de nous rappeler que la CFDT est devenue « la première organisation syndicale française » et que nous manquions de respect pour la démocratie de ne pas intégrer cela.
Force est de constater que les syndicats, principaux acteurs de la démocratie sociale depuis des la fin du XIXe siècle, n’ont plus les moyens de peser significativement sur les politiques économiques et sociales du patronat et du gouvernement
En somme, comme nous sommes la première organisation, nous avons l’adhésion du monde du travail à notre politique syndicale. Il est vrai qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! Être la première organisation syndicale dans un pays où le syndicalisme est de moins en moins reconnus et perd des adhérents en masse, en voilà un exploit !
Non, force est de constater que les syndicats, principaux acteurs de la démocratie sociale depuis des la fin du XIXe siècle, n’ont plus les moyens de peser significativement sur les politiques économiques et sociales du patronat et du gouvernement. Nous aurons l’occasion, dans ces colonnes, d’effectuer un travail approfondi sur la crise des syndicats, mais il est clair que les acceptations des reculs sociaux (comme le font les syndicats dits réformistes comme la CFDT) et l’impossibilité des organisations plus combattives de les empêcher, ont fait douter le monde du travail de l’efficacité du syndicalisme à le défendre efficacement.
Rien n’empêche qu’un rebondissement est possible dans l’avenir. Mais rien ne dit non plus que cela se fera : car il n’est pas écrit qu’une population qui souffre socialement, se révolte spontanément.
Pourtant, l’absence de réaction ne sous-entend pas acceptation de son sort. Il suffit d’écouter autour de soi pour mesurer l’insatisfaction d’une majorité citoyenne devant les injustices sociales qui se développent de jour en jour. Même aidés par des médias d’une rare complaisance, le gouvernement et le patronat n’arrivent pas à convaincre du bien-fondé de leur politique sociale.
Alors, où cela pourrait-il bien pécher ? La dissolution des liens entre les syndicats et le monde du travail est flagrante et les quelques bastions qui font encore illusion n’y changent rien : les syndicats doivent retisser des liens nouveaux et différents avec les travailleurs de toutes les catégories sociales et de toutes les générations.
Les élections présidentielles : un terrain à occuper
Si les choses se poursuivent comme elles sont parties, le débat des élections présidentielles se focalisera uniquement sur les questions de migration et de sécurité. C’est une volonté commune de M. Macron et de la droite, l’extrême-droite compris. On se demande même pourquoi le PS s’invite à la même table… Il n’y a guère qu’une partie des Verts, autour de Sandrine Rousseau, la France Insoumise et le Parti Communiste avec Fabrice Roussel, qui tentent de mettre la question sociale au centre des débats.
Cela risque d’être largement insuffisant ! Les syndicats voient là un boulevard s’ouvrir pour eux ! N’est-ce pas eux qui prétendent occuper le terrain social ? Et pourquoi les syndicats, ou du moins certains d’entre eux qui peuvent encore se parler, ne définiraient-ils pas, ensemble, une plate-forme sociale à soumettre à tous les candidats et à mener campagne autour des engagements des candidates et candidats ? Ou bien d’autres idées, bien plus pertinentes que les nôtres, pourraient jaillir de la réflexion syndicat unitaire pour mettre le social comme le principal sujet à débattre durant les 6 prochains mois ?
Plus quelques manifestations dans la rue pour appuyer leurs suggestions, propositions et revendications. Et espérer rassembler un peu plus que 500 personnes, un prochain samedi de mobilisation.
Ci-dessous, la galerie photographique réalisée par Martin Wilhelm
Les syndicats, depuis plusieurs années, ont l’habitude de signer avec le patron. Et on n’entend plus guère la voix de la CGT. C’est ce qu’on entend depuis des lustres, de la part des salariés, quand on dresse l’oreille. Par conséquent, les syndicats n’ont plus la confiance des salariés. Donc quoi d’étonnant à ce que cette manifestation n’ait rassemblé en fait que les syndiqués eux-mêmes (pour la plupart) ?!
On est un peu dans la même configuration que celle de la présidentielle de 2017 où Macron a été en fait élu par son propre parti, la plupart des électeurs français s’étant abstenus, se sentant déçus et trahis à l’époque par quasiment tous les politiques prétendants au titre (ou plutôt au trône !).
Tout cela est bien dommage. Les Français ont effectivement beaucoup de revendications légitimes mais, apparemment, pas de leaders, ni politiques, ni syndicaux, pour les porter avec eux. Triste constat…
Bonjour,
Les interrogations de Michel M. dans son article, ne posent peut être pas toutes les bonnes questions.
Enfin, l’adjectif est certes excessif, or les bonnes questions – à mon sens – dépassent largement la question du jour de manif, bien que celle-ci soit légitime.
En effet, tout le monde ne pas faire grève, ne peut exprimer son désarroi, sa colère un samedi, puisque seuls certains secteurs du service public et quelques branches d’industries ne vont pas au turbin le samedi. Il y a aussi davantage de salarié-es du samedi qu’il y a 30 ans.
Dans des secteurs comme le commerce, faire grève est très difficile.
Une question n’est-elle pas aussi: quel rôle doit avoir le syndicat autre que l’accompagnement des directives gouvernementales ? Voir par exemple les modalités non suffisamment détaillées par l’Etat sur l’obligation vaccinale pour certain-es salarié-es. Pourquoi les syndicats font le boulot du gouvernement ? Pour paraître revendicatif, combatif, proches des salarié-es ? Ne serait-ce pas par “courtoisie” représentative !
Autre question, en quoi le corporatisme prétend-il encore pouvoir défendre les intérêts matériels et moraux des travailleureuses ?
Et, plutôt que de défendre le “travail”, pourquoi “l’emploi” est-il considéré comme une justification syndicale ? Qu’un parti politique dit de gouvernement parle d’emploi (et donc “d’employabilité”) au sens de la servitude, me paraît logique, pour un patron également, mais pour le syndicalisme, ne devient-elle pas volontaire ? Le rôle du syndicalisme de lutte de classe doit être pris comme intemporel. Or celui-ci ayant quasi disparu (hormis chez des syndiqué-es), faut pas s’étonner qu’il ne reste que 7% d’encarté-es, avec un taux encore plus faible dans le privé. Sur qu’il n’est pas facile non plus de faire grève lorsque la conscience de classe a laissé sa place à la “conscience” consumériste et à l’individualisme… aussi chez nombre de syndiqué-es.
En quoi l’appel pour ce 5 octobre à manifester son inquiétude doit-il être en amont des élections politiciennes, est-il porteur pour les travailleureuses ? N’est-ce pas là une action purement symbolique et contre productive ; Macron et son monde doivent en rire.
Le syndicalisme n’a pas à être la courroie de transmission de tel ou tel parti politique, mais à défendre le travail point par point,
Le syndicalisme réformiste a tué l’essence même syndicalisme !
Pourquoi ce silence assourdissant face à un pass-sanitaire qui suspend, licencie, refus d’embauche… ? Excepté dans le secteur de la santé où quelques syndiqué-es sont abandonné-es par leur “camarades”… excepté aussi des syndiqué-es qui ne se sont pas affiché-es ces samedis-là.
En quoi, manifester les samedis contre le pass (actions insuffisantes) profite à l’extrême droite ? N’est-ce pas plutôt la désertification de gauche sur la place publique qui profite aux “fachos” (la nature ayant horreur du vide).
Un-e bon-ne citoyen-ne de gauche laissant la place à l’extrême droite sous couvert de ne pas “marcher avec” semble oublier que peut être les artisans commerçant qu’il-le fréquente pour sa consommation votent peut être à l’extrême droite. Idem pour les collègues de travail (qui sont souvent syndiqué-e), le voisin, avec qui on palabre… plus seront abandonné des liens entre toustes les travailleureuses, plus de fachos devra croiser la gauche bien pensante, celle qui cherche à gouverner et à enfoncer un peu plus le monde du travail.
Pourquoi à la “tête” des centrales syndicales, la Sécurité globale (nouvelle loi liberticide de ce printemps) n’est-elle pas considérée comme un danger (intercorporatif) ? Ce que malheureusement ne désapprouve pas la majorité de syndiqué-es. Rappelons que toutes nouvelles lois sécuritaires (dites notamment anti terroristes) impactent directement ou indirectement le monde du travail. On comprendra que le patron de la CFDT file droit dans le sens gouvernemental. Sa défense de “l’emploi” se résume à défendre ce qui reste de droit au travail, au détriment de la défense du droit lui-même.
Merci pour cet article qui a ouvre – peut-être – un débat
Emile Pouget
Par ailleurs, où étaient les syndicats ce 15 septembre pour défendre LE DROIT AU TRAVAIL des salariés (soignants, sapeurs pompiers etc.) qu’on a suspendus, qu’on a virés sans plus d’état d’âme que cela tout simplement parce qu’ils ont eu le courage de refuser d’être les cobayes d’une injection expérimentale (ARNm) ?! N’ayons pas peur des mots, et appelons un chat un chat. Car cette injection doit rester un choix et non pas devenir une obligation d’autant plus que personne dans les hautes sphères, et ailleurs aussi, ne veut prendre la responsabilité financière des conséquences de cette injection expérimentale sur la santé ! Alors où étaient-ils ?! Où ?
Mettre à jour le logiciel des syndicats pour défiler plutôt le samedi ? N’est-ce pas un espoir illusoire puisqu’une telle mise à jour n’est pas faite depuis déjà plusieurs dizaines d’années ? Mardi, la CGT n’avait même pas mobilisé sa camionnette avec sono : qq mégaphones inaudibles comme trop souvent. Je me souviens des manifs pour les retraites en 2010-2011 où les syndicats appelaient à manifester un jour de semaine, mais pas à 14 h, à 16h30 pour ratisser les salariés du privé qui peuvent souvent sortir tôt l’après-midi.