La Com­mu­nau­té de com­munes de Thann-Cer­nay (CCTC) pré­voit d’implanter dans la Zone d’Activité éco­no­mique (ZA) d’Aspach-Michelbach un Pôle San­té…

Par­tant du prin­cipe que des départs à la retraite vont concer­ner de nom­breux méde­cins géné­ra­listes d’ici cinq ans, la Com­mu­nau­té de com­munes, pré­si­dée par Fran­çois Hor­ny, éga­le­ment maire d’Aspach-Michelbach prend les devants pour ten­ter d’at­ti­rer des pro­fes­sion­nels de la méde­cine.

Pro­blème : Implan­ter un pôle médi­cal dans une zone d’activité, c’est s’assurer d’être à des lieues d’une gare, ou d’un arrêt de bus. Mora­li­té, fau­dra s’y rendre en bagnole, ou à pied… 

Une (pas) très bonne idée

Plu­tôt que de lut­ter pour for­cer le gou­ver­ne­ment à remettre en cause la liber­té d’ins­tal­la­tion pour les méde­cins, alors que toutes les autres pro­fes­sions para­mé­di­cales (y com­pris les sages-femmes) sont tenues de répondre aux besoins locaux défi­nis par la Sécu­ri­té sociale, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales s’en­gagent dans une logique concur­ren­tielle et bud­gé­taire pour se dis­pu­ter un rare contin­gent de méde­cins, une espèce appa­rem­ment en voie de disparition… 

S’il faut se réjouir qu’un ter­ri­toire accueille de nou­veaux pra­ti­ciens, il reste que le site choi­si, va tota­le­ment à l’encontre des dis­po­si­tions incluses dans le Plan Cli­mat Air Éner­gie Ter­ri­to­rial du Pays Thur Dol­ler, lequel pré­voit rien moins d’i­ci 2030, que :

  • Moins 16% de consom­ma­tions énergétiques 
  • Moins 33% d’é­mis­sions de gaz à effet de serre 
  • Une baisse des émis­sions de pol­luants atmosphériques
  • Une hausse de la pro­duc­tion locale d’éner­gies renouvelables
  • Une plus grande pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment et des res­sources naturelles

Or, pour atteindre ces objec­tifs, ne serait-il pas davan­tage judi­cieux de recen­trer les acti­vi­tés essen­tielles sur la ville, tout du moins, sur le par­cours du trans­port en com­mun exis­tant et non par des implan­ta­tions de ser­vices essen­tiels en péri­phé­rie, comme dans une zone d’activité, source de consom­ma­tion de terres agri­coles, de pol­lu­tions diverses impac­tant la bio­di­ver­si­té des envi­rons, et au final, le bien-être.

D’au­tant que la com­mu­nau­té de com­munes du Pays Thur Dol­ler fait valoir ses ambi­tions en matière de mobi­li­tés douces, comme « Favo­ri­ser l’intermodularité entre le tram-train, le TER, ou d’autres modes de dépla­ce­ment doux, pro­po­ser des pres­ta­tions de ser­vice dans les gares ou à proxi­mi­té, pour les locaux… ».

En construi­sant ce pôle médi­cal loin de la pre­mière gare, on est bien à l’opposé de cet objectif !

On annonce par ailleurs qu’une piste cyclable est pro­je­tée. Faut-il espé­rer que des per­sonnes âgées malades se mettent à tâter de la petite reine lorsqu’elles sont au plus mal ? 

« Petites villes de demain »

« Amé­lio­rer la qua­li­té de vie dans les petites cen­tra­li­tés et les ter­ri­toires ruraux alen­tour, par des tra­jec­toires dyna­miques et enga­gées dans la tran­si­tion éco­lo­gique », est un pro­jet gou­ver­ne­men­tal qui vise à amé­lio­rer les condi­tions de vie des habi­tant-es des petites com­munes et de leurs ter­ri­toires, en accom­pa­gnant les col­lec­ti­vi­tés enga­gées dans la tran­si­tion éco­lo­gique. Son objec­tif est de ren­for­cer les moyens des com­munes de moins de 20 000 habi­tant-es exer­çant des fonc­tions de cen­tra­li­tés pour concré­ti­ser leurs pro­jets, pour le man­dat 2020–2026.

Thann figure par­mi les dix com­munes haut-rhi­noises enga­gées dans la tran­si­tion. La cité de l’Œil de la sor­cière se voit affec­tée d’une somme sym­bo­lique afin de redy­na­mi­ser son centre-ville, sur les trois mil­liards d’euros mis à dis­po­si­tion au total, pour quelques 1600 communes. 

Si ce pro­gramme ne peut concer­ner que son centre (le tra­cé des anciens rem­parts), sa réus­site dépend autant, voire davan­tage, de ce qui se passe autour de ces remparts.

Or, le constat est impla­cable : de l’exis­tence d’un méga hyper­mar­ché et sa gale­rie mar­chande à la Croi­sière (de Cer­nay) ; des enseignes com­mer­ciales spé­cia­li­sées qui lui sont limi­trophes ; au nou­veau ciné­ma mul­ti­plexe de la croi­sière, tout converge vers la mort pro­gram­mée des centres-ville. 

Car, si Cer­nay paraît bien moins déso­lée que Thann, l’accroissement de cette zone d’ac­ti­vi­té, impac­te­ra for­cé­ment cette der­nière. Les pro­blèmes de bâti, de loge­ments, de com­merces ne sont que les symp­tômes de ce bas­cu­le­ment de la ville vers des centres com­mer­ciaux péri­phé­riques, dévo­reurs de terres agri­coles et dédiées au tout-bagnole. 

Progrès et/ou dégénérescence ?

Mais le pro­blème struc­tu­rel de la cité than­noise n’a pas pour ori­gine son « enton­noir » rou­tier lié aux consé­quences du pas­sage à niveau (le « PN 22 »), si ce n’est acces­soi­re­ment. La véri­table rai­son – selon nombre de Than­nois – est issue des déci­sions suc­ces­sives d’urbanisme, ou de l’as­cen­dant pris par la ville de Cer­nay sur le ter­ri­toire limi­trophe, mais éga­le­ment du « Drame-Train » qui, à l’inverse des pro­messes ini­tiales, n’au­ra fait qu’­han­di­ca­per la ville de Thann.

Par ailleurs, les élus de la com­mu­nau­té de com­munes ne font aucune men­tion de hôpi­tal de Thann ! L’auraient-ils déjà enter­ré pour lui pré­fé­rer la méde­cine libé­rale et pri­vée ? Favo­ri­ser celle-ci au détri­ment de la méde­cine publique serait-elle le che­val de bataille des élus locaux ?

En paral­lèle, une antenne de l’Ins­ti­tut de for­ma­tion en soins infir­miers ouvri­ra à la ren­trée 2023. Pré­vue pour accueillir 120 élèves infir­mier-ères, l’école éli­ra domi­cile à l’actuelle école mater­nelle Hel­stein ; qui fer­me­ra ses portes aux bam­bins pour les rou­vrir aux seniors. 

Les argu­ments avan­cés pour jus­ti­fier son ins­tal­la­tion dans la cité than­noise ? « Cen­tra­li­té et accès rapide à la sta­tion de tram-train… ». Ne sont-ils donc pas appli­cables au futur Pôle Santé ?

Ain­si, l’absurdité sociale d’installer des méde­cins dans une zone d’ac­ti­vi­té pro­cède d’une absur­di­té poli­tique : celle de consen­tir à faire la balance entre une école d’in­fir­mières de centre-ville, et un pôle san­té périphérique.

Et afin d’apporter davan­tage d’attractivité à cette zone, il est éga­le­ment pro­je­té l’installation d’un funé­ra­rium. C’est cer­tai­ne­ment plus pra­tique, si au pôle san­té les choses devaient mal se pas­ser ! De plus, dans le pro­lon­ge­ment des cabi­nets médi­caux, vien­dra à coup sûr un phar­ma­cien qui trou­ve­ra la jus­ti­fi­ca­tion par­faite pour quit­ter le centre-ville… 

Pour­suivre l’ur­ba­ni­sa­tion des cam­pagnes pour dévi­ta­li­ser les com­merces de centre ville est aux anti­podes des pré­sup­po­sés de la tran­si­tion éco­lo­gique : rési­lience, adap­ta­tion, main­tien du lien social, afin d’at­teindre les objec­tifs des sché­mas régio­naux d’aménagement, de déve­lop­pe­ment durable et d’égalité des ter­ri­toires, tant van­tés par les auto­ri­tés locales. 

Très en pointe sur le sujet, comme sur tant d’autres ayant prise avec l’é­co­lo­gie et le déve­lop­pe­ment durable, notam­ment dans la val­lée de la Thur, l’as­so­cia­tion Thur éco­lo­gie & trans­ports a récem­ment adres­sé un cour­rier à Fran­çois HORNY, Pré­sident de la Com­mu­nau­té de Com­munes de Thann-Cer­nay, dans lequel elle inter­roge les choix des élus locaux. 

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