Les sénateurs haut-rhinois votent une loi qui est honnie par ceux qui les ont élus !
Des millions de grévistes et manifestants ont tenté, mercredi 15 mars, jour de la réunion de la Commission mixte paritaire Sénat-Assemblée nationale qui doit présenter un texte au vote des députés ce jeudi 16 mars. Ces millions seront-ils écoutés par leurs élus ou bien ces derniers passeront pas la force pour imposer un texte rejetés par 93% des actifs et 68% de la population ! Au risque d’ouvrir une grave crise démocratique dont personne ne connaît l’issue à ce jour.
LES MENSONGES CULTIVENT LA DÉFIANCE
Quelles que soient les formes d’adoption de cette réforme des retraites rejetées massivement par la population, elle aura un important effet négatif sur la démocratie représentative ! Car imposer au peuple une réforme dont il ne veut pas est un déni de démocratie, qu’on le veuille ou non !
Le nombre des opposants dans la population française, n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure des débats qui ont explicités la teneur de cette réforme. Pire, chaque intervention de la Première ministre, des ministres en charge (pathétiques Véran, Attal et Dussopt) a grossi le rang des opposants.
Si le gouvernement mettait l’opposition au début sur le compte de la méconnaissance (« on doit faire plus de pédagogie » !), il a bien fallu qu’il constate que les Français ont très bien compris que ce projet gouvernemental était négatif : notre journal l’a maintes fois démontré.
Après de de multiples manifestations, inédites tant sur la forme que par le nombre de participants, l’opposition n’a pas baissé.
Pourtant, chose singulière, même des citoyens qui estimaient dans les enquêtes d’opinion, que le gouvernement allait imposer son texte par la force, continuaient à s’opposer… Preuve que le malaise est profond et va bien au-delà de la réforme des retraites. Notamment la question du pouvoir d’achat, ou la précarité qui s’étend. Tout autant que le sentiment de recul social et sociétal imposé par une poignée de nantis, servis par un gouvernement à leur botte… Oui, tout cela et bien d’autres choses…
Légitimité ET DÉMOCRATIE
On ne peut par éluder la crise politique qui s’annonce. Une crise de défiance déjà perceptible lors des abstentions dans tous les scrutins. Visible quand un Président de la République ne recueille que 16,59 % des voix des électeurs inscrits, au 1er tour de l’élection présidentielle, cela signifie clairement que 4/5 de la population s’opposent à lui. Dans la merveilleuse 5e République, cela permet à un individu de s’affirmer « légitime » au regard de la Constitution. Mais est-il pour autant « légitime » démocratiquement ?
Pour le moins, cela devrait conduire un président de la République à un peu d’humilité, à une prise en compte de l’opposition qu’il engendre, et s’il veut s’affirmer « Président de tous les Français », il doit, pour le moins, mener son mandat en essayant de convaincre du bien-fondé de ses choix.
Or, l’actuel Président de la République n’en a cure : il gouverne par la force, avec à ses côtés une cohorte de personnes qui partagent sa vision du peuple qui ne serait évidemment qu’inculte et réfractaire à toute évolution.
Dans les sociétés occidentales, héritières de principes, de valeurs, qui reposent sur des pouvoirs et des contre-pouvoirs afin de lui assurer un certain équilibre, les choix autoritaires qui se développent dans l’ensemble de cette aréopage, montrent une réelle défiance des gouvernements envers leur population…
DÉMOCRATIE SOCIALE BAFOUÉE
Un de ces contre-pouvoirs, c’est la démocratie sociale. Représentée par les organisations syndicales, le monde associatif, des ONG…, elle permet de porter l’expression d’une grande partie des citoyens aux oreilles de dirigeants politiques. La démocratie sociale n’est pas « concurrente » de la démocratie politique, mais elle est complémentaire, et elle pèse lourd…
Il faut toujours rappeler que, même en France où elles ne se portent pas pour le mieux, les organisations syndicales rassemblent bien plus d’adhérents que les partis politiques. Elles ont une légitimité ancrée dans les entreprises, puisque leurs délégués sont élus par les travailleurs.
Elles ont donc voix au chapitre, et pas seulement pour une « concertation » comme aime à le dire M. Macron. Non, il y a des pans entiers de l’organisation de la société, qui relèvent du « pacte social », c’est à dire de leurs compétences, et l’Etat ferait bien de les reconnaître !
Or, de tout cela il ne reste plus grand-chose dans la France macronienne. Suivant les pas des précédents gouvernements, dont ceux issus de la mal-nommée sociale-démocratie, M. Macron n’a eu de cesse d’ignorer les syndicats et même, récemment, de les humilier…
LE RISQUE DÉMOCRATIQUE
Les sénateurs haut-rhinois, tous LR ou Macronistes, ont voté sans sourciller la loi au Sénat, alors que la grande majorité de ceux qui les ont élu, y étaient opposés. Comment ne pas éveiller une colère et une défiance encore plus importantes envers les élus politiques ! Qui sont-ils, ces sénatrices et sénateurs, pour aller à l’encontre des attentes citoyennes, sans les écouter ou même les consulter ?
Actuellement, ils et elles se planquent pour ne pas affronter les citoyens. Mais il faudra bien qu’un jour, ils ne sortent de leur terrier ! Comment vont-ils être accueillis ? Pensent-ils, comme d’habitude, qu’il faut laisser passer l’orage et le peuple oubliera cette forfaiture ? N’ont-ils pas perçu les avertissements que représentent l’abstention et le vote d’extrême-droite qui expriment le rejet de cette politique sans scrupules et sans valeurs ?
A présent, la balle va être dans le camp de l’Assemblée nationale : la loi sera adoptée contre l’avis du peuple.
De deux choses l’une : ou bien le gouvernement trouvera une majorité avec la droite LR et les centristes, ou bien il faudra passer par l’article 49–3 !
Nous serons quoi qu’il en soit dans une crise politique, mais la situation ne sera pas tout à fait la même en fonction de la forme que prendra cette adoption.
S’il se trouve une majorité de députés pour voter ce texte, l’ensemble de ces élus devront partager avec le gouvernement la responsabilité de ce passage en force, et ils devront en assumer les conséquences dans leurs circonscriptions, où les citoyens ne manqueront pas de rappeler leur responsabilité dans l’adoption d’un texte réduisant drastiquement leurs droits en matière de retraite.
Car où s’arrêtera cette boulimie de réformes anti-sociales de la classe dirigeante ? L’objet du prochain pan de démolition de l’Etat social sera-t-il la Sécurité Sociale, offerte aux intérêts privés, à l’image du monde anglo-saxon ?
Mais si le gouvernement devait passer par le 49–3, les choses seraient différentes : il devra, seul, assumer cette responsabilité et le Parlement pourra (à travers l’adoption d’une motion de censure) espérer redevenir un acteur majeur de la démocratie représentative, ce qui redorera le blason des députés et sénateurs qui cesseront de passer pour des auxiliaires du gouvernement, et seront à nouveau reconnu comme des élus portant la parole de ceux qui les mandatent : la majorité des électeurs.
C’est peut-être encore le moment de se faire entendre par votre élu, lorsqu’il sera amené à voter un texte inique, inutile, injuste et impopulaire.
La galerie photographique de Martin Wilhelm :