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La question se pose à l’aune d’une offre assez abondante de textile bon marché dans le coeur de ville et en périphérie, alors que le représentant actuellement le plus hype, Pricemark, vient tout juste d’ouvrir sa vingt-quatrième boutique française à Mulhouse.
Cette entreprise irlandaise, filiale d’Associated British Foods, une multinationale de l’agroalimentaire, s’inscrit dans la même logique de positionnement que les low-costeurs d’autres secteurs économiques du commerce et des services, tels Ryanair (aviation), AirBnb (hotellerie), ou Uber (taxis), consistant à intégrer une innovation de rupture dans un élément de sa chaine de valeur.
Mais qu’est-ce qui rompt exactement ? Il est admis chez les analystes économiques que ce qui change radicalement face à une innovation de rupture sont les usages et les habitudes de consommation.
Avec Pricemark l’innovation n’est pas technologique. Il ne s’agit pas vraiment d’un « disrupteur », mais d’un réseau de boutiques physiques traditionnelles (qui ne vend pas même en ligne). Mais son modèle économique est centré sur des volumes considérables et une offre en transformation permanente, c’est à dire des prix écrasés et une gamme de produit maitrisée, y compris dans le secteur du bazar.
A Mulhouse, ce mardi 18 juillet 2023, la locomotive commerciale que constitue la venue de cette chaine dans la galerie marchande Porte jeune, est d’emblée repérable par la file impressionnante de clientes (surtout des femmes) venues pour l’ouverture du magasin, et dont certaines ont déjà patienté plus de 2 heures.
Les plus blasées parmi elles nous affirmeront même que l’évènement n’est manifestement pas à la hauteur de l’ouverture strabourgeoise (à écouter plus bas dans nos extraits audio)…
La police est omniprésente, comme s’il s’agissait de prévenir un assaut de délinquantes prêtes à bondir sur les robes trapèze en lin, ou sur cet adorable « corset bustier en dentelle et satin », dont le prix, absolument ridicule, dissuaderait même Victor Lustig de tenter la vente de la tour Eiffel, pour lui préférer le commerce de prêt-à-porter d’origine bangladaise…
La presse-prêt-à-penser était admise officiellement dans la Mecque du prêt-à-porter. Ses journalistes avaient droit à des badges estampillés « visiteurs ». L’ordination n’est donc pas encore de mise pour nos confrères.
Notre journaliste est quant à lui considéré comme surnuméraire, voire élément perturbateur, car il était dépourvu de badge, de sorte que des vigiles s’estimaient autorisé à interrompre un enregistrement.
Des questions insistantes réclament de connaitre notre identité. On nous fait patienter pour « rencontrer un responsable du magasin », mais l’attachée de presse doit considérer que les passagers clandestins du journalisme que nous devons lui paraitre, ont vocation à poireauter sans mot dire, de sorte que nous abandonnons l’espoir de cette rencontre non communicative.
Et tandis que l’accueil relevait de la kermesse de village, musique de dj assourdissante (du groupe Abba !) à l’appui, les adjoints Philippe Trimaille et Alain Couchot (premier adjoint au maire) y allaient de leurs discours de bienvenue…
Quant aux gérants et vendeuses des concurrents Chaussea et Jennyfer (écouter les enregistrements ci-dessous), ils connaissaient simultanément leur première traversée du désert commercial…
Une haie d’honneur est faite aux premières clientes qui pénètrent le temple textile. Parmi elles, une femme semble transie d’émotion et sourit jusqu’aux oreilles, tandis que sa voisine sort carrément le smartphone pour immortaliser le moment.
Le contraste est donc stupéfiant entre la quinzaine de militants associatifs (voir les enregistrements ci-dessous) qui au dehors tentent d’informer sur la problématique de la « fast fashion » ou du tout-jetable, sur le long terme, ainsi que ses conséquences sociales ou environnementales, et le réel reconstitué par le court termisme des clientes, lesquelles ont d’excellentes raisons personnelles de vouloir s’y rendre.
Il n’est pas question de morale, ni de condamnations grandiloquentes. Juste de faire le constat que la double exploitation dont sont sujettes les classes populaires, en tant que consommateurs et en tant que producteurs exploités, augurent de bien considérables difficultés idéologiques et dialectiques pour les partis politiques prônant la transformation sociale et écologique…
Nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets en la compagnie de Frédéric Marquet, le manager du commerce à Mulhouse, qui nous a assuré de sa présence lors d’un podcast sur l’état du commerce à Mulhouse, et ailleurs, diffusé fin aout ou début septembre dans notre média...
Détail des réactions sur place recueillies par Michel Muller, avec successivement des clientes devant l’entrée du magasin, une vendeuse de chez Jennyfer, le gérant de Chausséa, un militant de l’association Attac68, et une représentante du collectif Alternatiba :
Galerie photographique de Martin Wilhelm :


























