En 2007, un article que j’avais écrit pour le bulletin syndical du Sfa-Cgt (Syndicat Français des Artistes-Interprètes), intitulé « le spectacle vivant amateur en Alsace », avait atterri sur le bureau du Directeur Régional des Affaires Culturelles, relayé à son intention par le Ministère de la Culture et de la Communication. Le directeur en question convoqua alors une réunion associant les conseillers de la DRAC, les représentants régionaux et départementaux du Ministère du Travail, un responsable de l’Agence Culturelle d’Alsace et moi-même.
Au fil de la discussion, j’évoquais à titre d’exemple le cas d’un spectacle qui venait de tourner dans toute la région, une opérette d’Offenbach, montée par une troupe lyrique d’amateurs d’Obernai, avec le soutien du Conseil Régional et dont la diffusion s’était effectuée à grand renfort de publicité professionnelle, les tarifs pratiqués l’étant tout autant. Le conseiller musique de la Drac qui me demanda, narquois, ce que j’avais à l’encontre de l’opérette, fut mouché par son directeur qui avait, lui, bien compris qu’une production professionnelle ne pouvait en aucun cas rivaliser avec une telle opération.
Quelques jours plus tard, j’appris par le responsable de l’Agence culturelle d’Alsace (ACA) participant à la réunion, mais resté muet, que les musiciens de l’orchestre du spectacle avaient touché des petites enveloppes …
Anecdote qui illustre à quel point la question des pratiques en amateur des arts du spectacle vivant et celle du travail dissimulé, tout en étant distinctes, se chevauchent volontiers.
Le texte en question figure en tant que tel en fin de celui-ci, car il reste (hélas !) pertinent dans son ensemble, et plutôt que de l’amender à la marge, il me semble préférable de le compléter auparavant par quelques réflexions supplémentaires en la matière couvrant la période qui s’est écoulée depuis sa rédaction.
Et en premier lieu, cette remarque : bien loin d’être réglé, le problème se pose huit ans après avec encore plus d’acuité.
UN AFFRONTEMENT PROFESSIONNEL – AMATEUR ?
La reprise de l’élaboration de la loi sur la création artistique – après un temps d’arrêt d’une année qui avait un parfum d’enterrement – remet la question à l’ordre du jour, car le point est l’endroit d’une vive confrontation entre les organisateurs de gros festivals et de grands spectacles (Festival Interceltique de Lorient, Le Puy du Fou, pour ne citer que ceux-ci) d’une part, et les organisations syndicales, CGT en tête, cette dernière forte d’un accord avec la COFAC (coordination de 23 fédérations, confédérations et unions nationales se consacrant aux activités culturelles essentiellement non-professionnelles).
Par la bouche du conseiller juridique de la foire poitevine à spectacles chère à de Villiers – et qui exerce également cet office pour l’association « Manif pour tous » – les premiers ne revendiquent rien moins qu’un « statut du bénévolat » que Jean-Pierre Raffarin avait également appelé de ses vœux en son temps.
La position de la Cgt repose, elle, sur deux principes : la légitimité pleine et entière de l’exposition au public des spectacles non-professionnels, voire la nécessité de la soutenir et de l’encourager, d’une part, le refus de voir utiliser les artistes non-professionnels dans un contexte lucratif sans qu’ils soient dans ce cas légalement rémunérés, d’autre part.
L’affrontement ne se situe donc pas entre professionnels et amateurs, mais oppose en fait et objectivement les organisateurs de spectacles aux deux derniers simultanément, car il est également dans l’intérêt des non-professionnels que le caractère bénévole de leurs pratiques ne soit pas dévoyé par une exploitation commerciale.
Il serait d’ailleurs judicieux, pour plus de clarté, de préférer le binôme professionnel/non-professionnel à celui de professionnel/amateur, pour débarrasser ce dernier vocable de la connotation négative qui s’est substitué à son sens étymologique.
En tout état de cause, il ne saurait avoir d’autre signification que celle-ci : est dénommée artiste amateur, dans le domaine de la création artistique, toute personne qui pratique, seule ou en groupe, une activité artistique à titre non professionnel, et qui n’en tire aucune rémunération.
Le débat sous-jacent porte en fait sur la réactualisation du contenu d’un décret datant de 1953 qui déjà encadrait les représentations de spectacles amateurs, décret tombé en désuétude car inadapté aux situations nouvelles, mais dont l’existence signale que la question ne date pas d’aujourd’hui.
AMATORAT, BENEVOLAT, UNE MÊME AUBAINE BUDGETAIRE
Ce qui précède est sans doute quelque peu théorique, et il y a sans nul doute une réelle difficulté à faire comprendre la nature du problème, tant les pratiques artistiques sont indistinctement perçues comme activités de loisir autant, voire davantage, que lieu d’exercice professionnel. En cela, il n’y a guère que le sport qui présente une situation analogue, ou encore le phénomène des bénévoles souvent retraités qui prennent en charge les petites bibliothèques et médiathèques de petites communes, alors que des bibliothécaires, diplômes (et formation adéquate) en poche, affluent aux guichets de Pôle-Emploi.
On peut aussi tirer un parallèle avec le phénomène survenant dans d’autres branches économiques du recours abusif à des stagiaires, peu ou pas rémunérés.
Quelques exemples locaux permettront d’y voir plus clair et de mettre à jour la confusion qui règne dans les notions évoquées.
- Le directeur d’un relais culturel haut-rhinois annonce, à l’occasion de la présentation de saison 2011, que la programmation s’ouvre davantage aux amateurs, et en donne la raison : les difficultés financières de la structure. C’est l’aveu (naïf) qu’il ne s’agit nullement de promouvoir les pratiques amateurs, mais bien de les utiliser comme pis-aller en place de spectacles professionnels.
- Les deux orchestres d’Alsace de l’Opéra du Rhin font régulièrement appel à des chœurs entièrement ou partiellement amateurs, alors que les artistes lyriques souffrent d’un manque d’emploi galopant : l’aubaine financière est évidente.
La rencontre d’ensembles amateurs et professionnels est bien entendu tout à fait souhaitable, mais doit être dûment règlementée pour éviter toute concurrence déloyale.
– Un adjoint au maire d’Eguisheim lançait en 2012 un appel à des groupes musicaux en leur proposant un « cachet » d’une hauteur invariable de 160 euros. Un cachet, faut-il le rappeler, n’est rien d’autre qu’un salaire forfaitisé. La rémunération proposée ici correspond à peine à un salaire individuel conventionnel exprimé en brut. Or, il s’agit d’ensembles, aux effectifs en outre différents. Sans doute que cet édile ne se doute pas qu’il lui faut légalement établir une fiche de paie.
Si la plupart des artistes qui exercent leur art en amateurs le font sans chercher à en tirer rémunération, une bonne part du travail dissimulé, dans le secteur du spectacle, et notamment dans le domaine de la musique, est le fait d’amateurs, cette activité étant secondaire par rapport à une autre étrangère aux pratiques artistiques et qui leur assure une protection sociale.
Il y a, en fait, deux types de travail illégal, l’un subi, et dont sont victimes au premier chef les professionnels, l’autre consenti, voire recherché.
CONVICTIONS, CODE DU TRAVAIL ET CONTRADICTIONS
Ainsi, tel enseignant, par ailleurs musicien, pourtant syndiqué et encarté à la gauche de gauche, qui accepte (et, dans les faits, encourage et suscite) des rémunérations illégales, permettant à ses employeurs de se dérober aux obligations sociales et se soustrayant aux siennes fiscales. Interpelé à ce sujet à mon instigation, il revendique cette pratique en raison de l’appoint qu’elle fournit à ses revenus trop faibles, alimentant au passage la détestable idée qu’éthique et politique n’ont rien en commun. Mais c’est un adhérent à jour de cotisations et, par ces temps de disette militante, on ne le chatouillera pas davantage sur le sujet…
Et quand une chanteuse « engagée » amateur propose de chanter gratuitement à un festival associant verts et « alternatifs » soucieux de « social », tout en suggérant un passage de chapeau à titre d’indemnisations, personne n’y voit malice, et surtout pas qu’il s’agit d’une rémunération illégale, puisqu’elle n’est ni forcément à hauteur du minimum conventionnel ni soumise à cotisations sociales.
La vitesse avec laquelle des défenseurs présumés du Code du travail se transforment en ses démolisseurs objectifs est sidérante.
Ces entorses légales ne concernent pas que les artistes, mais à l’occasion également les techniciens du spectacle : ainsi, les jeunes gens rencontrés sur un site de festival jeune public à Thann, convoqués et présents depuis le matin (indice flagrant d’une présomption de salariat !), travaillant gratuitement au montage et démontage des spectacles, dans l’espoir de se faire remarquer et de pouvoir ainsi entrer dans la profession.
Les organisations de gauche et leurs militants sont inégalement conscients des enjeux inhérents à cette problématique. Ne parlons pas de la gauche dite « de gouvernement », qui, décidément, n’a rien compris des attentes tant des amateurs que des professionnels, quand le conseiller Musiques Actuelles de la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique) annonce la constitution d’une enveloppe de 2 millions d’euros, consacrés à l’aide à la rémunération des 40 000 artistes-interprètes amateurs dans le dispositif « Cafés-culture » ( ?!?).
La gauche et sa gauche ne fait forcément mieux que les autres dans le domaine : que signifie le choix de Jean-Luc Mélenchon en pré-campagne présidentielle d’assister en Avignon à un spectacle … amateur ?
AVIGNON AUSSI
Les spectacles amateurs ont fait irruption en Avignon depuis plusieurs années sur le grand « marché aux bestiaux » que constitue le festival « off » sans qu’on ne comprenne très bien dans quel but : une sorte de consécration du travail ou positionnement en tant qu’objet de vente, acte commercial qui de ce fait les met en porte-à-faux avec l’esprit de gratuité propre à l’amatoriat ainsi qu’avec la loi ? Au passage, ils accentuent par leur nombre croissant les coûts déjà exorbitants de location de lieux pour les compagnies dont la survie dépend impérativement des ventes réalisées lors du festival.
Pourtant, cette gauche-là sait d’habitude reconnaître un plombier, quand il est polonais, et les dangers de la déréglementation n’échappent pas d’ordinaire à sa perspicacité. Là, non : « quel mal y‑a-t-il à ce que des amateurs montent sur scène, y compris les plus prestigieuses et les plus valorisantes ? » Et d’assimiler l’exigence de règlementation des professionnels à un pur réflexe corporatiste de défense de privilèges et d’un pré carré auquel les amateurs, identifiés comme porteurs de l’expression « populaire » auraient également droit. La presse régionale choisit également le camp de ses clients majoritaires, quand, en 2008, un projet de loi – vite abandonné – remet la question sur le tapis et que les DNA du 15 août publient un article intitulé « Attention à la fausse note ! » qui caricature au passage en les mutilant, pour les besoins de la démagogie, les propos du rédacteur signataire du présent papier.
C’est la ministre alsacienne de la culture, Catherine Trautmann, qui introduisit en son temps l’accompagnement des pratiques amateurs (non-professionnelles) dans le cahier des charges des structures labellisées (CDN, Scènes nationales, etc.).
Contingentées, situées en marge de la saison, exemptes de billetterie, les représentations amateurs ne posent dans ces conditions aucun problème.
On assiste cependant dans ces établissements à des phénomènes très différents, celui de compagnies (restreintes à un metteur en scène et son équipe administrative) reprenant en pleine saison d’une structure à l’autre le même spectacle avec à chaque fois des comédiens amateurs (non-rémunérés) du cru : l’économie réalisée sur les salaires artistiques est substantielle et patente.
Où commence la lucrativité qui nous permettrait de dessiner les frontières acceptables d’une exposition au public des spectacles amateur, sans que ceux-ci fassent l’objet d’une exploitation commerciale ? Avec la seule billetterie ? La fontaine à bière débite toujours davantage quand les notes égrenées par un musicien retiennent et stimulent les consommateurs.
UNE DELIQUESCENCE DU RESEAU SOCIO-CULTUREL
Il reste encore à pointer la déliquescence du réseau socio-culturel de ces dernières décennies, qui a longtemps constitué le lieu d’accueil par excellence des pratiques artistiques amateurs : leur redynamisation serait à même de résoudre en bonne part le problème.
Il faut prendre conscience que l’exposition même « vertueuse » de spectacles amateurs implique néanmoins nécessairement une dérogation au code du travail (à l’article L8221‑4, en l’occurrence).
A défaut de règlementation précise et détaillée, ce qui est en jeu n’est rien moins que le statut du salariat dans la branche, et dans lequel en général pourrait s’ouvrir une brèche de taille.
« La culture doit être rentable ! » avait proclamé en 2003 Guy Bronner, président de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, et d’ajouter : « La culture est une industrie qui doit être rentable. Si elle ne l’est pas, elle n’a pas de place dans notre société. Ce qui ne se vend pas n’a pas de raison d’être. »
Or, le spectacle vivant est, selon la loi dite de Baumol et la formule employée par cet économiste, un secteur « archaïque », soit irréductible à toute « rationalisation » économique en terme de coûts salariaux : en clair, il est impossible de réduire en la mécanisant la part humaine que nécessite la production d’un opéra ou d’une pièce de théâtre.
Bien évidemment, nous ne souscrivons pas à cette vision marchande de la culture dont le spectacle vivant est constitutif. Mais elle prévaut aujourd’hui et sous-tend les politiques culturelles actuellement à l’œuvre.
Et si nous n’y prenons garde, le recours aux artistes non-professionnels pourrait permettre de corriger ce que le libéralisme perçoit comme une aberration économique.
Daniel MURINGER
Mars 2015
ETAT DES LIEUX ANTÉRIEUR
LE SPECTACLE VIVANT AMATEUR EN ALSACE
S’il fallait déterminer un moment dans l’histoire de l’Alsace où les pratiques artistiques associatives prennent leur essor, on le situerait aisément dans la période de l’annexion allemande de 1871 à 1918. Troupes de théâtre et sociétés de musique revêtent alors une signification politique et deviennent le refuge de la réprobation populaire face à la rigueur du « Kulturkampf » prussien, qu’elles soient d’initiative ouvrière ou paroissiale. Le théâtre dialectal notamment souligne implicitement la différence linguistique avec la langue des nouveaux administrateurs venus de Berlin.
C’est bien sûr le théâtre en dialecte qui constitue la particularité régionale majeure et jusqu’à aujourd’hui, même si l’on constate un effritement récent tant en terme de recrutement d’acteurs que de public, qui fait tout simplement écho à celui de la langue vernaculaire.
Mais il ne faut pas négliger l’étonnante vivacité des sociétés de musique, harmonies, chorales, clubs de mandolines, d’accordéons, de cithares (!), de « chalumeaux » (schalmei) qui perdurent depuis, très souvent – du moins dans la première moitié du XXè siècle – en lien avec le mouvement ouvrier.
Et ce n’est pas un hasard si la ville de Strasbourg est retenue par le Komintern pour l’organisation de l’une des deux (?) éditions des Muzik-Olympiaden en 1935 auxquelles participent de nombreux ensembles amateurs (ainsi que quelques professionnels) sous l’égide du compositeur Hans Eissler, du chanteur et comédien Ernst Busch (chanteur et comédien anti-nazi), et dont le comité d’organisation fait figurer les noms de Paul Vaillant-Couturier, Henri Barbusse et… André Malraux.
Aujourd’hui, et notamment à l’aune des difficultés d’emploi des professionnels, la situation s’apprécie différemment. Elle s’apprécie différemment selon que l’on soit comédien ou musicien. Elle est également perçue différemment – à l’intérieur de la section régionale du SFA – entre le nord et le sud de l’Alsace : les professionnels de nos métiers qui résident pour plus de ¾ d’entre eux à Strasbourg ou dans les environs, soit dans le Bas-Rhin, sont bien moins sensibles à la question des amateurs que leurs collègues haut-rhinois, et l’on est en droit de se demander, à défaut d’une autre explication, si la rareté des professionnels dans ce dernier département ne constitue pas un encouragement aux amateurs à « combler le vide », en quelque sorte.
Toujours est-il qu’en matière de théâtre – dialectal ou non – on assiste, parallèlement aux troupes qui se restreignent à un champ local et qui participent indéniablement et positivement à l’animation culturelle de leurs communes, à une irruption de compagnies amateurs qui empiètent le terrain professionnel. Ainsi, la Fédération Départementale du Théâtre Amateur du Haut-Rhin a signé récemment une convention avec les lieux de diffusion, nombreux en Alsace en raison d’une prospérité économique aujourd’hui brutalement révolue. Des troupes vendent des spectacles, font des tournées, interviennent en milieu scolaire. C’est en fait à une structuration offensive des ensembles amateurs que nous sommes confrontés.
En musique, la question revêt des formes différentes, notamment celle d’un tuilage récurrent entre la problématique amateurs et travail illégal. Précisément en raison de la multiplicité des sociétés de musique – sans doute un autre trait propre à la région – dispensatrices de formation musicale, il existe un grand nombre de praticiens amateurs dont beaucoup sont enclins à chercher un complément de revenus dans l’animation musicale publique ou privée sans exiger de couverture sociale, jugée superflue et dont le coût serait soustrait à la rémunération effective.
Au-delà de cas d’espèce tels le recours à des amateurs dans les Chœurs de l’Opéra du Rhin ou la manifestation annuelle « Rêve d’une nuit d’été » dans le val de Villé, qui met en scène pendant dix jours 600 amateurs pour 5000 spectateurs avec le concours d’un affichage professionnel dans tout le Grand Est et l’appui de voyagistes, nous sommes confrontés à un pullulement de situations qu’il est souvent difficile d’apprécier, par manque d’informations précises. Le concert des professeurs de telle école municipale fait-il l’objet de rémunérations ? Et si oui, légales ? La recherche d’une animation musicale par tel supermarché à des conditions inférieures au salaire minimum a‑t-elle abouti à la probable embauche d’un amateur acceptant des conditions illégales ?
L’Inspection du Travail n’a ni l’envie (« parce c’est compliqué ») ni les moyens de vérifier. Mais la même Inspection du Travail (vécu personnel) n’hésite pas à donner suite à une plainte émanant de musiciens amateurs (adeptes plus que probables du travail au noir) et à demander des explications, certes sans trop de conviction, à un ensemble de musiciens professionnels offrant leurs services dans un journal de petites annonces, parution jugée illégitime par les amateurs sus-nommés. Nous étions de fait dans la situation cocasse où des amateurs portaient plainte à l’encontre de professionnels pour concurrence déloyale! L’Inspecteur du Travail comprend bien vite qu’il se trompait de cible dans son investigation et en est resté là. Est-il allé au bout ? Les employeurs de ces amateurs (souvent des occasionnels) se trouvent dans l’illégalité, mais par ignorance, ignorance confortée par ces musiciens du dimanche qui se gardent bien, quand ils le savent, d’informer leurs employeurs sur leurs obligations.
Il n’est en outre pas aisé de dessiner la frontière au-delà de laquelle les troupes amateurs entrent en concurrence avec des spectacles professionnels. Même quand elles se cantonnent à un espace géographique restreint, on peut estimer qu’elles remplissent une fonction dispensant les collectivités territoriales concernées de s’interroger sur leurs politiques culturelles et les moyens budgétaires y afférant. Quelle nécessité d’accueillir des spectacles professionnels quand la troupe de théâtre amateur locale et l’harmonie municipale (dont la prestation s’est au demeurant nettement améliorée en une vingtaine grâce à une politique de formation énergique dans le Haut-Rhin notamment) font avantageusement l’affaire ?
Le Conseil Régional d’Alsace ne nous aide pas à démêler ces fils quand il décide récemment d’aider les troupes amateurs à la condition pour elles de trouver trois lieux de diffusion.
Les professionnels eux-mêmes ne mesurent pas les enjeux quand ils se bornent à estimer que les amateurs leur fournissent du travail (certes, mais uniquement de formation et d’encadrement, et non de plateau).
La DRAC, après un démarrage difficile, nous donne l’impression de s’emparer un tant soit peu de la question. Il n’est en effet pas cohérent de se contenter de répercuter le discours ministériel sur le développement de l’emploi culturel en ne s’attaquant pas à tout ce qui sur le terrain lui fait obstacle.
Ainsi, la section régionale avait rédigé il y a deux ou trois ans un courrier à l’attention des maires de la région (qui détient le record national en nombre de communes !) sur les questions amateurs et travail illégal. Dans l’incapacité matérielle d’acheminer ce courrier, nous avons demandé le concours de la DRAC : elle a – partiellement – donné suite à notre demande en faisant parvenir un courrier de teneur similaire mais réduite, et uniquement aux présidents d’associations de maires des deux départements.
Néanmoins, nous devons peut-être à ce courrier l’apparition, dans le programme de manifestations d’une petite commune de la mention amateurs/professionnels associée à chaque troupe. C’est déjà ça.
La DRAC vient aussi de nous aviser qu’elle retirait son soutien financier à une lettre électronique (« Info-Culture ») d’annonces de spectacles, de stages, de concours et de recrutement artistique et administratif, suite à une intervention de notre part concernant un appel d’offres émanant d’une compagnie amateur recherchant des spectacles à destination du primaire et des collègues. L’appel s’adressait à toutes les compagnies, même « éventuellement professionnelles » (!). La position du Rectorat sur cette affaire n’est, quant à elle, pas encore très claire…
Les offres de recrutement amateur de cette lettre électronique excèdent d’ailleurs de loin celles destinées aux professionnels.
Reste à établir des rapports, pour l’heure inexistants, avec les groupements d’amateurs. Nous ne pouvons en rester à un seul affrontement légal, un échange des points de vue et une recherche d’intelligence mutuelle est indispensable, en prolongement à un décret dont tout laisse à penser que sa pleine application et sa mise en œuvre seront difficiles et imparfaites. Il nous appartient d’approcher ce problème avec une volonté de pédagogie, en direction des amateurs comme du public.
Gardons-nous aussi de crier haro sur le baudet. Pour peu qu’elle revienne à ses fondamentaux, la pratique amateur du spectacle vivant est peut-être un des derniers lieux de convivialité, de bénévolat, des valeurs de générosité et de gratuité, dont associations, partis politiques et syndicats déplorent aujourd’hui la déliquescence.
Daniel MURINGER
Avril 2007
très bon bilan d’une situation que malheureusement peu de gens connaissent y compris dans le milieu artistique « amateur ».
amicalement
GB