Cette année qui débute sera, entre autres, celle de la commémoration des 500 ans de la naissance de la Réforme par Martin Lutter en 1517, événement qui a eu une résonance forte dans notre région qui a massivement adhéré à cette nouvelle religion, le protestantisme. Avant de traiter ce séisme qui a touché toute l’Europe, L’Alterpresse s’interroge, par ce billet, sur les réformes de nos jours…

On sait que la Réforme de Luther a engen­dré des conflits san­glants durant tout le 16e et le début du 17e siècle, qu’on a appe­lé les « guerres de reli­gion ». Mais était-ce bien des guerres de « reli­gion », ter­mi­no­lo­gie qu’on aime tel­le­ment uti­li­ser de ne jours car elle est tel­le­ment com­mode pour ne pas recher­cher ou divul­guer, d’autres causes de conflits contemporains.

1517 se situe dans une époque d’expansion éco­no­mique et d’inventions tech­no­lo­giques bou­le­ver­sant le monde. L’Eglise catho­lique et la haute noblesse s’accaparent les richesses ain­si créées d’une manière éhon­tée au détri­ment essen­tiel­le­ment des villes dans les­quelles s’épanouit la bour­geoi­sie nais­sante. La reli­gion est uti­li­sée par les puis­sants pour expli­quer aux pauvres qu’ils n’ont pas de bol, pauvres ils sont, pauvres ils res­te­ront… Dieu l’a vou­lu ainsi…

La révolte com­mence à gron­der et, au sein même de la reli­gion chré­tienne, appa­raît une exi­gence de réforme, un moine catho­lique, Luther donc,  rédige 95 thèses par­mi les­quelles ont peu lire celle-ci, la 28: « Ce qui est cer­tain, c’est qu’aus­si­tôt que l’argent résonne, l’a­va­rice et la rapa­ci­té grandissent. »

Car le Pape et les congré­ga­tions reli­gieuses avaient l’habitude de vendre des indul­gences, en clair, on pou­vait effa­cer ses péchés en payant une somme consé­quente au Saint-Siège…

Paral­lè­le­ment, dans notre espace rhé­nan, naît l’imprimerie. Sans cette inven­tion, la Réforme de Luther n’aurait sûre­ment pas eu le suc­cès qu’elle a connu. Car une de ses actions, est la tra­duc­tion de la bible dans les langues popu­laires et non plus seule­ment en latin, langue que 90% de la popu­la­tion ne pra­ti­quaient pas. Grâce à l’imprimerie, les idées de Luther se répandent comme une traî­née de poudre en Alle­magne et bien­tôt dans toute l’Europe. Le cler­gé et la haute noblesse tremblent car  la bour­geoi­sie nais­sante et la basse noblesse font de la nou­velle reli­gion une arme pour ins­tau­rer d’autres règles dans la socié­té grâce aux­quelles les richesses devront être dis­tri­buées différemment.

Les pauvres : les oubliés du festin !

Cet affron­te­ment entre deux classes, l’une pos­sé­dante mais en phase d’affaiblissement, l’autre créa­trice de ces richesses et en phase d’expansion, sera à l’origine des affron­te­ments san­glants appe­lés la plu­part du temps, guerre des reli­gions. On voit bien que ce sont plu­tôt les inté­rêts éco­no­miques et les anta­go­nismes au sein d’une socié­té qui en étaient l’origine.

Et les pauvres là-dedans ? Ils ont aus­si vou­lu se ser­vir, bien évi­dem­ment ! De nou­veaux cou­rants pro­tes­tants plus radi­caux jugent que le pro­tes­tan­tisme éta­bli ne va pas assez loin en oubliant  d’inviter les pay­sans à la table. Luther, le réfor­miste, condamne sévè­re­ment leurs recours à la vio­lence et les pay­sans seront écra­sés par les forces coa­li­sées des villes et de la noblesse.

De trou­blantes analogies…

Cinq siècles après, ne trou­vez-vous pas qu’on nous parle beau­coup, ces  der­niers, temps de « réformes » ? Si on rem­place « papau­té » par mon­dia­li­sa­tion, ou bien reli­gion chré­tienne par musul­mane, ou bien encore, tra­fic d’indulgences par opti­mi­sa­tion fis­cale, ou alors impri­me­rie par inter­net, on se retrouve en ter­rain connu.

Tenez, la répar­ti­tion des richesses à l’échelle pla­né­taire n’est-elle pas source de ten­sions ? Les puis­sances domi­na­trices qui sont en voie d’affaiblissement et celles qui aspirent à les rem­pla­cer, est-ce une simple vue de l’esprit ?

Et la volon­té d’instrumentaliser les popu­la­tions pour jus­ti­fier les inter­ven­tions bel­li­queuses sont-elles de vul­gaires élu­cu­bra­tions complotistes ?

Certes, l’histoire ne se répète pas mais le phi­lo­sophe nous rap­pelle aus­si que celui qui ne connaît pas l’his­toire est condam­né à la revivre

Luther sera célé­bré cette année et c’est tant mieux ! Mais jetez-vous sur les bou­quins par­lant de la guerre des pay­sans entre autres dans notre région : cette réforme là aurait, elle,  cer­tai­ne­ment chan­gé la face du monde !

Michel Mul­ler