Résu­mé des épi­sodes précédents

Dans une inter­view accor­dée à « L’Al­sace » début février, le dépu­té-maire de Cer­nay ne répond que vague­ment aux ques­tions qui lui sont posées suite aux décla­ra­tions (obli­ga­toires) qu’il a faites à la Haute Auto­ri­té pour la Trans­pa­rence de la Vie Publique (HATVP).

L’é­quipe de « L’Alterpresse68″ décide alors d’ « appro­fon­dir le dos­sier Sor­di » et syn­thé­tise ses trou­vailles en « 7 ques­tions » qui, avant publi­ca­tion, sont adres­sées début mars par écrit au dépu­té, avec copie à la HATVP. Si cette der­nière accuse récep­tion en nous remer­ciant pour les infor­ma­tions com­mu­ni­quées, Michel Sor­di, désem­pa­ré, ter­gi­verse et fina­le­ment ne répond pas à nos « 7 ques­tions ». Il finit par rédi­ger une lettre des­ti­néee aux 77 maires de sa cir­cons­crip­tion par laquelle ils apprennent, stu­pé­faits, que leur dépu­té vient de renon­cer à bri­guer un nou­veau man­dat. Ils sont priés de croire qu’un atta­che­ment pour le « ter­rain » et pour sa ville s’est sou­dai­ne­ment empa­ré de l’élu.

Mais quand le maire de Cer­nay, suite à une enquête de « ter­rain », est accu­sé de népo­tisme par le men­suel alsa­cien « Heb­di », il ne dit mot.

Quand il est pla­cé sous le regard de « L’œil du 20h » du JT de France 2 du 3 avril, le par­le­men­taire se réfu­gie encore une fois dans le silence. En aggra­vant son cas. Car les soup­çons de conflits d’in­té­rêt qui font l’ob­jet de cette séquence télé­vi­sée sont ren­for­cés : faute de réponse de Michel Sor­di à leurs nom­breuses sol­li­ci­ta­tions, les jour­na­listes se sont tour­nés vers David Habib, vice-pré­sident de l’As­sem­blée Natio­nale, qui ne trouve « pas nor­mal » – et vou­drait inter­dire – ces « cumuls d’ac­ti­vi­tés qui nour­rissent les soup­çons ». La répro­ba­tion est vigoureuse.

De « ces cumuls d’ac­ti­vi­tés qui nour­rissent les soup­çons de conflits d’in­té­rêt », par­lons-en, donc. Pour ten­ter au moins d’en décrire quelques-uns, le mieux pos­sible. Car se taire serait tom­ber dans le piège de l’o­mer­ta qui étouffe. Le contraire de la parole et de la trans­pa­rence qui libèrent.

Daech et « LAFARGE »

Face au mutisme obs­ti­né du dépu­té-maire de Cer­nay, les jour­na­listes de France 2 sont allés inter­ro­ger le « direc­teur du déve­lop­pe­ment durable » de « EQIOM » (filiale du groupe irlan­dais de construc­tion « CRH ») qui offre au dépu­té une rému­né­ra­tion brute de plus de 40 000 euros par an depuis juin 2014. Pour quelle fonc­tion ? « Michel Sor­di est rat­ta­ché à la direc­tion de la construc­tion durable », a fait savoir le repré­sen­tant d’ « EQIOM » qui n’a fait que confir­mer la décla­ra­tion faite à la HATVP par le dépu­té qui se dit « char­gé de mis­sion auprès de la Direc­tion de la construc­tion durable ». Ni l’un ni l’autre ne révèle la défi­ni­tion de fonction(1). Tant que la trans­pa­rence nous est refu­sée, on en est réduit à quelques hypo­thèses qu’ étayent des recoupements.

Cette « mis­sion », M. Sor­di l’a exer­cée pen­dant très long­temps, jus­qu’en 2014, pour un autre groupe : celui du cimen­tier suisse « HOLCIM » qui a fusion­né avec « LAFARGE ». C’est cor­ré­la­ti­ve­ment à cette fusion que le dépu­té a chan­gé de patron. Suite à des exi­gences des auto­ri­tés de la concur­rence, « HOL­CIM-France » a en effet cédé une par­tie de ses actifs haut-rhi­nois – dont le dépu­té ?! – à « EQIOM/CRH ».

Si le « char­gé de mis­sion » deve­nait plus bavard il pour­rait peut-être appor­ter des infor­ma­tions inté­res­santes sur ce qui s’est pas­sé durant la période d’é­va­lua­tions réci­proques et de négo­cia­tions qui a pré­cé­dé la fusion des groupes « HOLCIM » et « LAFARGE ». Il se trouve que cette phase de tran­si­tion a coïn­ci­dé avec des évè­ne­ments qui se sont dérou­lés en 2013 et 2014 autour d’une cimen­te­rie déte­nue par « LAFARGE » à Al-Jala­biah en Syrie.

Quand on était « char­gé de mis­sion auprès de la direc­tion de la construc­tion durable » dans un groupe (« HOLCIM ») qui pré­pa­rait sa fusion avec « LAFARGE », pou­vait-on igno­rer ce que le quo­ti­dien « Le Monde » a révé­lé en juin 2016 ? A savoir que « LAFARGE » s’é­tait arran­gé finan­ciè­re­ment et pra­ti­que­ment avec des dji­ha­distes (notam­ment de Daech) pour main­te­nir jus­qu’en sep­tembre 2014 – mal­gré les risques dus à la guerre – la ren­ta­bi­li­té de cette cimen­te­rie acquise pour 600 mil­lions d’eu­ros ? Pou­vait-on igno­rer les appels des sala­riés dont les condi­tions de tra­vail étaient pro­fon­dé­ment dégra­dées et dont la vie même était constam­ment mena­cée dans un contexte d’une extrême violence ?

Le silence entre­te­nu sur de tels faits, leur déni ou leur « igno­rance », ne pou­vaient pas res­tés sans consé­quences. Les effets de l’o­mer­ta vou­lue par la direc­tion de « LAFARGE » se sont fait sen­tir jusque sur les col­lègues de Michel Sor­di qui ont contes­té en juillet 2016 les révé­la­tions du « Monde » dans un rap­port par­le­men­taire – rédi­gé au nom de la « mis­sion d’in­for­ma­tion » sur les moyens de Deach com­po­sée d’une tren­taine de députés(2) – où il est écrit : [Rien] ne confirme ces accu­sa­tions [du « Monde »]. Rien ne per­met d’établir que le groupe, ou ses enti­tés locales, ont par­ti­ci­pé, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, ni même de façon pas­sive, au finan­ce­ment de Daech.

Or on vient d’ap­prendre, début mars, que le cimen­tier « LAFARGE/HOLCIM » a fina­le­ment recon­nu avoir indi­rec­te­ment finan­cé des groupes armés en 2013–2014 pour main­te­nir en acti­vi­té sa cimen­te­rie d’Al-Jala­biah en Syrie !…

Michel Sor­di pos­sé­dait-il des infor­ma­tions de nature à évi­ter à ses 30 col­lègues dépu­tés de se faire ber­ner à ce point par le cimentier ?

Si ce n’est pas le cas, cela vou­drait dire que le péri­mètre de la fonc­tion qu’on lui avait attri­buée est étran­ge­ment étroit au regard de son inti­tu­lé offi­ciel, comme au regard du niveau de sa rémunération.

Si c’est le cas, com­ment aurait-il pu conci­lier les deux « mis­sions » : celle qu’il devrait assu­mer auprès de ses col­lègues dépu­tés et celle qu’il assure auprès de ses (ex) employeurs de « la direc­tion de la construc­tion durable » ?

Les mêmes contra­dic­tions et « conflits » sur­gissent, le même type de ques­tions se posent s’a­gis­sant d’une plainte que vient de dépo­ser l’ONG Sher­pa qui vise « LAFARGE » et dénonce des faits de finan­ce­ment du ter­ro­risme et de mise en dan­ger déli­bé­ré d’au­trui. Il vau­drait mieux, pour les plai­gnants comme pour la jus­tice, que l’o­mer­ta soit rom­pue. Mais ce serait très fâcheux pour la multinationale…

Le mur de Trump et « LAFARGE/HOLCIM »

Le « rat­ta­ché à la direc­tion de la construc­tion durable » du groupe « EQIOM/CRH » pour­rait sai­sir une autre occa­sion de sor­tir de son silence : l’af­faire du « mur de Trump ». Voi­là mani­fes­te­ment une « construc­tion » qui n’a pas droit au sta­tut de « durable » aux yeux des res­pon­sables du groupe « CRH » qui « a fait savoir qu’il ne four­ni­rait pas de maté­riaux pour le mur, alors qu’il dis­pose d’u­sines tout près de la fron­tière » entre le Mexique et les Etats-Unis (« Le Monde » du 10 mars 2017) ; une posi­tion éthique qui hono­re­rait ce groupe, si elle devait être effec­ti­ve­ment durable.

A prio­ri, le sala­rié d’ « EQIOM/CRH » pour­rait d’au­tant plus faci­le­ment van­ter les mérites de son groupe que le groupe concur­rent, « LAFARGE/HOLCIM », vient d’ac­cep­ter sans état d’âme le mar­ché de 20 mil­liards de dol­lars que repré­sente la construc­tion de ce mur. Mais com­ment ledit sala­rié pour­rait-il dénon­cer le cynisme d’un groupe dont une des com­po­santes (« HOLCIM ») l’a chou­chou­té de 1983 à 2014 ?… Encore un conflit d’in­té­rêts (per­son­nels) qua­si ingé­rable, sinon par le silence.

La situa­tion est si com­pli­quée que le dépu­té ne pour­rait même plus faire savoir, le cas échéant, qu’il a choi­si de ser­vir le groupe « EQIOM/CRH » plu­tôt que le groupe « LAFARGE/HOLCIM » pour des rai­sons éthiques… Ce peut être cor­né­lien, un conflit d’intérêt !

En tout cas, l’é­quipe de L’Alterpresse68 le répète : elle reste prête à accueillir toute confes­sion et toutes réponses de Michel Sor­di à toutes les ques­tions qui lui ont déjà été posées, et à les publier sans réserve.

L’é­quipe de L’Alterpresse68

(1) Une défi­ni­tion de fonc­tion four­nit les objec­tifs per­ma­nents, les taches prin­ci­pales, les com­pé­tences et moyens mis en œuvre et les rela­tions tant hié­rar­chiques qu’o­pé­ra­tion­nelles liées à la fonc­tion d’un membre du per­son­nel (Wiki­pé­dia).

(2) Cette « mis­sion d’in­for­ma­tion » sur les moyens de Daech, pré­si­dée par Jean-Fré­dé­ric Pois­son était com­po­sée de : M. Kader Arif (rap­por­teur), M. Fran­çois Asen­si, M. Gérard Bapt, M. Xavier Bre­ton, M. Guy-Michel Chau­veau, M. Alain Claeys, M. Jean-Louis Des­tans, M. Oli­vier Falor­ni, M. Oli­vier Faure, M. Yves Fro­mion, M. Her­vé Gay­mard, M. Jean-Marc Ger­main, M. Claude Goas­guen, Mme Gene­viève Gos­se­lin-Fleu­ry, M. Meyer Habib, M. Benoît Hamon, M. Serge Jan­quin, M. Jean-Fran­çois Lamour, Mme­San­drine Maze­tier, M.Jean-Claude Mignon, M.Alain Moyne-Bres­sand, M. Jacques Myard, M. Jean-Claude Per­ez, M. Jean-Fré­dé­ric Pois­son (pré­sident), M. Axel Ponia­tows­ki, M. Joa­quim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduar­do Rihan Cypel, M. Fran­çois Roche­bloine, M. Fran­çois de Rugy.

Cette « mis­sion » là, Michel Sor­di ne s’en était pas chargé…

Pour celles et ceux qui ont raté les pre­miers épi­sodes, mais qui veulent tout savoir, il suf­fit de suivre les liens suivants :

Dos­sier Sor­di : les 7 ques­tions posées au dépu­té (publié le 22 mars 2017).

C’est le deuxième article d’une série de trois :

Dos­sier Sor­di : on l’approfondit ! (publié le 8 mars 2017)

Dos­sier Sor­di : les 7 ques­tions posées au dépu­té (publié le 22 mars 2017)

Dos­sier Sor­di : le dépu­té laisse béton ?! Nous pas ! (publié le 27 mars 2017)

Un cin­quième article a été mis en ligne le 29 mai : Dos­siers Sor­di et Sto­ca­mine : sor­tons la véri­té du fond du trou ! ; un autre, publié le même jour, le com­plète en pro­po­sant une action qui vise à y voir plus clair sur le dos­sier Sto­ca­mine : Pour une enquête par­le­men­taire sur le dos­sier Stocamine