Le bel âge (3 tomes – his­toire complète)

Vio­lette, Lila et Hélène ont cha­cune leurs pro­blèmes, leurs objec­tifs et leur mode de vie. Dans le pre­mier tome, Mer­wan nous brosse les por­traits de jeunes femmes en galère avant de les faire se ren­con­trer. Sans jamais tom­ber dans le mélo­drame, les scènes sonnent juste et réson­ne­ront cer­tai­ne­ment avec les expé­riences qu’on peut vivre lors­qu’on devient de jeunes adultes. Le trait doux et simple de l’au­teur donne une cer­taine mélan­co­lie à ce bel âge, bien éloi­gné des dis­cours pré­fa­bri­qués sur les jeunes, leur vie et leurs attentes.

Amère Rus­sie (2 tomes – his­toire complète)

Lorsque Eka­te­ri­na apprend que son fils a dis­pa­ru en Tchét­ché­nie, elle n’hé­site pas une seconde. Cette petite vieille au carac­tère bien trem­pé se met en route avec son chien-comé­dien pour Grozs­ny dans l’es­poir de le retrou­ver. Au fil des ren­contres, elle se retrouve prise au piège d’en­jeux stra­té­giques qui la dépassent et devient le témoin d’une guerre trop sou­vent oubliée. Auré­lien Ducou­dray, l’au­teur, a agré­men­té son ouvrage de recherches où la fic­tion d’A­mère Rus­sie rejoint la réa­li­té du ter­rain, notam­ment avec les fameuses ama­zones de Bas­saïev. Grâce à un trait rond, proche de celui de la bande-des­si­née comique, Anlor insuffle aux per­son­nages une bon­hom­mie apai­sante qui per­met de ne pas tom­ber dans la lour­deur et la déprime.

Com­mu­nardes (3 tomes – his­toire complète)

Décou­vrir la com­mune sous un angle réso­lu­ment fémi­niste ? Chiche ! Avec sa tri­lo­gie « Les Com­mu­nardes », Wil­fried Lupa­no a choi­si 3 héroïnes plus ou moins dis­crètes de la Com­mune. Au-delà des idéaux de la révo­lu­tion, ces femmes connaissent leurs propres dif­fi­cul­tés qu’il s’a­gisse de recon­nais­sance, d’ap­pro­vi­sion­ne­ment de la famille et d’ac­cès aux res­pon­sa­bi­li­tés. Les trois his­toires se répondent avec des chan­ge­ments d’illus­tra­teurs plu­tôt réus­sis pour mar­quer les dif­fé­rences entre les 3 femmes héroïnes cha­cune de leur album. La petite Vic­to­rine qui sou­haite mener l’as­saut sur les Prus­siens, la célèbre Eli­sa­beth Dmi­trieff ou encore Marie, l’une des nom­breuses petites mains de la Com­mune, nous font voya­ger au coeur d’un Paris assié­gé par l’en­ne­mi et mena­cé par la Répu­blique et son repré­sen­tant mépri­sé, Adolphe Thiers. En écho avec la série La Banque dont j’ai déjà par­lé, on retrouve la pro­blé­ma­tique de la finance et son impli­ca­tion invi­sible et pour­tant bien réelle sur l’é­chec de cette expé­rience poli­tique inédite. A méditer.

A cou­cher dehors (2 tomes – his­toire complète)

J’ai lu cette BD quelques mois après Amère Rus­sie et je n’a­vais pas fait le rap­pro­che­ment avec l’é­quipe aux manettes : Anlor et Auré­lien Ducou­dray se retrouvent pour un autre dip­tyque lié, de loin à la Rus­sie et tou­jours extrê­me­ment drôle et lié encore, de loin cette fois, à la Rus­sie. Pen­sez ! Trois amis SDF s’ins­tallent dans la mai­son que l’un d’eux a héri­té de sa grand-tante. Seule­ment la chance est à double tran­chant car en récu­pé­rant la mai­son, les amis s’en­gagent à prendre soin de Nico­las, le fils tri­so­mique fan de You­ri Gar­ga­rine. Les situa­tions cocasses s’en­chaînent aus­si vite que les répliques à la Audiard dans une ambiance rocam­bo­lesque. Chaque per­son­nage apporte son lot de rire ou de grin­ce­ment de dents pour une virée sur le péri­phé­rique pari­sien que vous ne serez pas près d’oublier !

Le pou­voir des innocents 

(2 cycles – 10 tomes – en cours)

New-York ins­pire les auteurs de BD. Après avoir lu DMZ, me voi­ci à nou­veau plon­gée dans un thril­ler poli­tique haut-de-gamme. Alors que la ville est tenue par la mafia, les élec­tions s’an­noncent fac­tices tant le favo­ri, un répu­bli­cain pour­ri, semble devoir l’emporter haut-la-main. La vio­lence gra­tuite de bandes orga­ni­sées lui per­met de creu­ser faci­le­ment l’é­cart avec sa concur­rente direct, Jes­si­ca Rup­pert. Pour­tant, les appa­rences peuvent être trom­peuses : un vété­ran du Viet-Nâm trau­ma­ti­sé, une épouse débrouillarde, un boxeur au som­met de sa gloire et une petite fille noire vont voir leurs his­toires se croi­ser jus­qu’à la révé­la­tion finale. Der­rière un polar bien mené se cache aus­si l’in­croyable foi de l’au­teur, Luc Brun­sch­wig, en la poli­tique et com­ment elle peut chan­ger les choses en bien, pour peu qu’on donne le pou­voir aux bonnes per­sonnes. A lire abso­lu­ment pour redon­ner envie aux per­sonnes de s’im­pli­quer dans la vie de la cité !

For­çats (2 tomes – his­toire complète)

Eugène Dieu­don­né est empri­son­né à Cayenne pour un crime qu’il n’a pas com­mis. Régu­liè­re­ment, il tente de s’é­chap­per, ce qui allonge sin­gu­liè­re­ment sa peine. Mais qui pour­rait trou­ver les mots pour décrire l’hor­reur du bagne ? Qui pour­rait mobi­li­ser l’o­pi­nion publique pour la fer­me­ture défi­ni­tive de ses portes ? C’est alors qu’ar­rive le grand repor­ter Albert Londres qui se confronte à la réa­li­té du bagne pour en sor­tir plu­sieurs articles, un livre et sur­tout une solide ami­tié avec Eugène. Patrice Per­na s’est atta­ché à son sujet tout en docu­men­tant soli­de­ment son tra­vail. Son com­père, l’illus­tra­teur Fabien Bedouel réa­lise un très beau tra­vail avec un trait car­ré, dur comme ses héros. De la belle ouvrage.

Les man­gas

Aya­ko (3 tomes – his­toire complète)

C’est le mois du Japon à Mul­house ! Alors quoi de mieux qu’une petite sélec­tion de BD pour se plon­ger dans l’am­biance. Le maître Osa­mu Tezu­ka, l’un des fon­da­teurs du man­ga moderne, a lais­sé quelques ouvrages à la biblio­thèque dont le magni­fique Aya­ko. L’his­toire, sorte de pho­to­gra­phie cruelle du Japon des années 1950–1970, met en scène une famille japo­naise res­pec­tée. Mais der­rière les appa­rences se cachent un monde hypo­crite et dan­ge­reux. La petite Aya­ko, douce et aimable, ver­ra sa vie sacri­fiée au nom de l’hon­neur. Les autres membres de sa famille, témoins plus ou moins consen­tants de son his­toire, brossent le por­trait d’un Japon aux visages mul­tiples, loin des cli­chés habituels.

Très cher frère (1 album – his­toire complète)

A voir la cou­ver­ture, on pour­rait s’at­tendre à un shô­jo clas­sique, ce terme dési­gnant les his­toires de jeunes demoi­selles han­tée par l’a­mour. Mais ce serait mal connaître Ryo­ko Ike­da, bien connue pour son ouvrage « La rose de Ver­sailles », trans­po­sée chez nous en anime sous le nom « Lady Oscar » et même repris par Jacques Demy le temps d’un tournage.

Les traits fins et élé­gants, voir roc­co­co, sont dignes des meilleurs romans à l’eau de rose mais l’his­toire tour­men­tée de la jeune Nana­ko rejoi­gnant un éta­blis­se­ment pour fille n’est pas juste l’oc­ca­sion de mettre en scène de pre­mières amours contra­riées. Fus­ti­geant la rigi­di­té d’une socié­té qui empri­sonne les gens, et sur­tout les femmes, der­rière les appa­rences, Ike­da prône la liber­té d’être soi-même, en dépit des conve­nances, avec une touche d’a­nar­chisme bien­ve­nue. La fin, mélan­co­lique à sou­hait, nous rap­pelle que la vie est courte et que quand le bon­heur se pré­sente, il faut le saisir.