Selon l’article de Wikipédia : « L’Hygiaphone est né à la suite de l’épidémie de grippe de 1945 qui fit de nombreuses victimes parmi la population, contamina une grande partie des agents de vente de la SNCF et eut un impact très négatif sur le taux d’absentéisme et la productivité de l’entreprise publique. Cette dernière rechercha alors un système permettant « de voir, d’entendre et de protéger » son personnel et l’Hygiaphone fut développé en réponse.
Le système réside dans la mise en place d’une membrane vibrante amplifiant le son et apportant le confort de communication attendu par les agents tout en les protégeant contre la projection de microbes. »
Le pétrole ne coule toujours pas des profondeurs de notre sol, mais Dieu que notre pays se montre inventif en matière de prévention. Et la source de créativité ne tarit toujours pas. Notre capacité à rehausser le niveau de l’hygiénisme législatif jusqu’au point d’immunité démocratique terminale, écartelé entre l’absurde réglementaire, et le liberticide infantile et abscons, n’a de cesse de faire l’admiration du monde civilisé.
Oh, certes, notre pays n’est pas seul à avoir eu pour éblouissement d’obliger les citoyens à présenter une auto-attestation de sortie. Trois autres pays au monde ont eu la riche idée d’en faire de même. Autant d’occasions pour créer des situation abusives et favoriser l’arbitraire des autorités de police et de gendarmerie. Mais pourquoi faire simple, quand on dispose d’un gouvernement tout prêt à être ramassé à la pelle et au petit balais, ainsi qu’il est montré ci-dessous.
Il est vrai que l’Italie a été la première à dégainer en la matière. Et son modèle d’attestation a visiblement inspiré l’exécutif français. La Grèce a benoitement suivi très récemment les grands pionniers européens. Mais l’Azerbaïdjan, cette fière République caucasienne peuplée de 10 millions d’âmes, troisième pays au monde exigeant une attestation, a ce faisant effectué un bond technologique considérable, humiliant les rétrogrades européens de l’ouest avec leurs piètres attestations de papier : un SMS y suffit pour signaler sa sortie !
Avouons-le d’emblée, l’État français, irrigué par son exécutif ministériel, ses ramifications préfectorales, et son bras régalien formé des forces de police et de gendarmerie, aura vu bondir le covid19 comme le moteur d’une nouvelle source de droit aussi délirante qu’extra légale, voire même extra-terrestre selon certains.
A ce titre, le moment marquera à jamais le souvenir ému des historiens martiens, le jour où leurs soucoupes atterriront sur notre sol, afin d’étudier l’infini prodige de nos arabesques juridiques, en l’année de grâce 2020.
Confit de vache enragée
Notre recension commence en la modeste commune de Lutterbach (5000 habitants), près de Mulhouse. Un couple sort promener le chien en ce 15 mars. Il évite soigneusement les quelques âmes qui foulent les trottoirs. Pourtant, un jeune planton post-pubère de la police municipale de Pfastatt-Lutterbach (les deux communes mutualisant leurs moyens) se dresse face à eux et amorce un dialogue digne du théâtre de l’absurde:
– Vos attestations (elles sont présentées)
– Ça ne va pas
– Comment ça ?
– Vous n’avez pas le droit d’être à deux dans la rue !
– Mais nous sommes confinés ensemble !
– Ça ne change rien : que ce soit des enfants, des soeurs, des frères, pas le droit !
Les enfants seront donc invités à se promener seuls (ou comme en Italie et en Espagne, à ne pas sortir du tout !).
L’un de nos lecteurs s’est par ailleurs fait contrôler avec son attestation en règle indiquant une sortie brève pour pratique sportive. Un policier l’interpelle et lui intime l’ordre de courir sous peine de verbalisation. Renseignement pris auprès de la préfecture, la cellule préfectorale du Haut-Rhin lui confirmera que l’intervention policière était abusive. D’autres personnes témoignent du même vécu sur Mulhouse.
Rappelons qu’en Alsace, il fut interdit par un arrêté spécial week-end de Pâques, de se promener à deux, ou même de se retrouver à deux adultes dans le même véhicule. Conformément au proverbe « un tiens vaut mieux [faire ta promenade esseulé] que deux tu l’auras (pour la Pâques de 2023) ».
C’est que les forces de l’ordre ne furent qu’encouragés à poursuivre une telle œuvre de bienfaisance. Leur ministre, Christophe Castaner, ayant demandé aux préfets «d’examiner au cas par cas», la «nécessité de durcir les mesures» en cas de «relâchement».
Puisque Papa leur a laissé toute latitude pour agir en poursuivant de leur zèle farouche les impudents qui osaient ne pas présenter le contenu de leurs paniers à la première sommation, les fonctionnaires s’en sont donc données à cœur joie.
Ainsi, plusieurs personnes ont écopé d’une amende pour être sortis acheter des serviettes hygiéniques, des bouteilles de soda ou un journal. Les forces de l’ordre ayant estimé qu’il ne s’agissait pas de produits de « première nécessité ».
Le journaliste David Dufresne, qui travaille notamment sur les violences et abus policiers, mentionne le cas d’une dame ayant eu l’outrecuidance d’acheter des paquets des gâteaux ! Elle est interpellée dans l’enceinte d’un supermarché par des gendarmes, alertés par un anonyme (citoyen exemplaire évidemment). Sanction : 135 euros. La folle insolente gavée aux glucides a été tancée et invitée à ne pas revenir dans le magasin avant une semaine, sous peine de doubler son amende.
Mais les policiers se prirent pour devoir d’agir également afin de sauver physiquement la population égarée. Leur expertise médicale, aussi spontanée que prodigieuse, a là encore, fait des merveilles.
Ainsi, à Toulouse, une demandeuse d’asile sortie du périmètre autorisé pour trouver un magasin acceptant les chèques-services, enceinte jusqu’aux dents, fut jugée « à terme », et a donc écopé de 135 euros d’amende pour avoir acheté un « pack d’eau ». Un déplacement « non conseillé à ce stade de grossesse », selon le gardien de la paix. Un conseil très avisé de la part d’un homme sage, qui fut également sage-femme pendant son service.
Il existe pourtant bien des citoyens plus sournois, en la prolifique espèce des « joggeurs ». Observation qui ne saurait échapper à l’œil vigilant de nos défenseurs de l’ordre public.
Sorti mener une activité physique individuelle, Élie est ainsi interpellé à 200 mètres de chez lui. Le vil paltoquet arborait un jean au lieu de la tenue de sport réglementaire qui sied à tout arpenteur de chaussée. Impardonnable.
Le « joggeur » Christophe fut quant à lui encore plus retors : alors qu’il sortait faire de l’exercice, il était sanctionné par une policière-à-qui-on-ne‑l’a‑fait-pas, laquelle apercevait la pointe d’une baguette de pain dans son sac de sport, achetée juste avant le contrôle. L’infâme ! Comptait-il s’en servir pour prendre les passants en sandwich ?
Délit de banderolage
Mais le zèle policier ne saurait connaitre de limites sous un régime d’État délicieusement infantilisant et autoritaire. Dans la tradition faux-derchiste typiquement française, est instauré un délit d’opinion par voie de banderoles, déguisé sous la qualification d’« outrage à dépositaire de l’autorité publique ». Surtout lorsqu’il vise Emmanuel Macron.
A Toulouse (notamment), une jeune femme en a fait les frais, et placée en garde-à-vue pour outrage. Sa banderole « Macronavirus, à quand la fin ? » aurait officiellement troublé son voisinage.
À Paris, Marseille et Caen, des habitants confinés ont reçu la visite de policiers parce qu’une banderole à coloration politique décorait leur fenêtre. Selon les situations, la police a exigé le retrait ou demandé des précisions sur les revendications des banderoleurs insolents.
Pourtant, le prodige gouvernemental le dispute quelques fois au surnaturel, quand ce sont les policiers eux-mêmes qui fatiguent sérieusement, devant la régression programmée de la population qui se balance elle-même.
Un article de nos confrères de France-Info titrait à ce sujet : Confinement : la délation représente jusqu’à 70% des appels dans certaines grandes agglomérations, selon le syndicat Alternative Police
Quant au bien nommé syndicat des « Policiers en Colère », il se lâche ouvertement, et demande de réduire les appels de délation :« Tous les jours nos services reçoivent des appels de personnes qui dénoncent un voisin, un collègue ou un proche pour non-respect du confinement. Si ces délations en disent long sur la mentalité de certains de nos concitoyens, elles restent, fort heureusement, marginales par rapport à la masse des 67 millions de Français. A l’heure où le gouvernement adore verbaliser les Français, il pourrait utilement créer une contravention à 135 euros pour dénonciation abusive du non-respect du confinement, ce qui aurait probablement le mérite de désengorger nos lignes d’urgence ».
Au-delà de cela, les plus hauts représentants de l’État eurent également l’occasion d’illustrer combien ils pouvaient être prêts à recourir à n’importe quelle mesure extra-légale pour tenir les citoyens en respect.
Ainsi, le préfet de Seine-et-Marne renonçait récemment à recourir aux chasseurs pour faire respecter le « confinement ». Selon « La Gazette des Communes », « Le préfet de Seine-et-Marne voulait rendre plus restrictives les mesures d’interdiction de déplacement en lien avec l’épidémie de Covid-19 en réquisitionnant des chasseurs du département. Une bronca l’en a dissuadé, mais les chasseurs convoitent toujours certaines missions de police de l’environnement ».
De récentes et massives commandes de drones (650 appareils pour un montant de 4 millions d’euros) par les forces de l’ordre, augurent également de la façon dont on procédera très prochainement pour discipliner efficacement le citoyen un peu trop rétif aux mesures de séquestrations arbitraires auxquelles l’État va avoir recours, au regard des folles stratégies de reconfinement répétées (dites « stop & go ») au cours des prochains mois.
Une stratégie hautement risquée politiquement, car les mots d’ordre à caractère sanitaire ne valent vraiment que formulés par des gouvernements dont le discernement et la confiance ne sont pas sujets à caution au sein de la population.
Comme en Allemagne, où pourtant les mesures d’ « éloignement social », bien plus souples qu’en France, sont déjà contestées par une fraction de la population, comme on le voit dans cette vidéo tournée le 13 avril à Berlin :
A lire ici très prochainement, la seconde partie de cet article, consacrée aux aberrations municipales au temps du covid19…