Une sala­riée de l’hôtel de la bourse de Mul­house vient de récep­tion­ner un cour­rier recom­man­dé dans lequel le res­pon­sable de l’établissement la convoque en date du 07 aout 2020 pour un « entre­tien préa­lable avant éven­tuel licen­cie­ment pour motif éco­no­mique », ain­si qu’en dis­pose l’euphémisme juri­dique ins­crit dans le Code du travail.

La sala­riée risque donc un licen­cie­ment pour un motif qui ne tient offi­ciel­le­ment pas à sa per­sonne, mais au contexte éco­no­mique dif­fi­cile que tra­verse l’entreprise hôtelière.

Et en effet, l’employeur s’appuie sur la fameuse et décriée « loi tra­vail » (citée expres­sé­ment dans le cour­rier auquel nous avons eu accès), pour jus­ti­fier de l’état finan­cier de son entre­prise, notam­ment l’absence de chiffre d’affaires pour les mois d’avril, mai et juin 2020, en rai­son du confinement.

Ain­si, depuis l’adoption de cette réforme du Code du tra­vail par le gou­ver­ne­ment de Fran­çois Hol­lande, puis d’Emmanuel Macron, tout diri­geant d’une entre­prise de moins de 11 sala­riés peut ne men­tion­ner qu’un seul tri­mestre de dif­fi­cul­té de tré­so­re­rie pour faire valoir un licen­cie­ment éco­no­mique. L’hôtel mul­hou­sien comp­ta­bi­li­sant 8 salariés.

Le syn­di­cat soup­çonne en effet l’employeur de vou­loir se débar­ras­ser à bon compte d’une sala­riée syn­di­quée, alors que deux employées entre­pre­naient jus­te­ment de créer une sec­tion syn­di­cale au sein de l’hôtel

Pas­sé le cadre légal, le syn­di­cat dépar­te­men­tal des tra­vailleurs de l’hôtellerie, du tou­risme et de la res­tau­ra­tion de la CGT 68, a choi­si de poin­ter un autre motif au licen­cie­ment de la salariée.

Der­rières les formes de la loi, une jungle antisociale ? 

Le syn­di­cat soup­çonne en effet l’employeur de vou­loir se débar­ras­ser à bon compte d’une sala­riée syn­di­quée, alors que deux employées entre­pre­naient jus­te­ment de créer une sec­tion syn­di­cale au sein de l’hôtel. L’une des deux étant « man­da­tée » par le syn­di­cat, elle devient dès lors une « sala­riée pro­té­gée », et seule l’Inspection du tra­vail peut alors auto­ri­ser le licen­cie­ment.

Ce n’est pas le cas pour la seconde sala­riée, simple adhé­rente syn­di­cale. Selon la CGT, elle aurait admis son appar­te­nance syn­di­cale auprès de son employeur, après des pres­sions reçues de sa part.

Ce fai­sant, serait-elle donc mena­cée de licen­cie­ment parce que syn­di­ca­liste CGT non pro­té­gée ? L’organisation ouvrière l’af­firme explicitement.

La dis­cri­mi­na­tion syn­di­cale ou le licen­cie­ment au pré­texte d’une appar­te­nance syn­di­cale sont des délits punis par la loi. Chaque sala­rié étant libre d’adhérer ou non au syn­di­cat de son choix afin de faire valoir ses intérêts.

Rai­son pour laquelle la struc­ture syn­di­cale a fait état de son sen­ti­ment, pour le moins cour­rou­cé, dans un tract dif­fu­sé lar­ge­ment, sui­vi d’une mobi­li­sa­tion le same­di 1er août à 17 heures, qui a réuni une tren­taine de per­sonnes devant l’établissement hôtelier.

Un col­lec­tif ras­sem­blant des mili­tants de la CGT, du PCF, des gilets jaunes, et des agents de l’Urssaf y font état d’une situa­tion « scan­da­leuse », voire « inadmissible ». 

Elle s’étonne pareille­ment de ce que l’employeur, invo­quant ses dif­fi­cul­tés de tré­so­re­rie, ne trouve d’autre solu­tion que le licen­cie­ment, alors que le dis­po­si­tif de chô­mage par­tiel mis en place par le gou­ver­ne­ment depuis mars 2020 reste tou­jours de vigueur.

Nous avons sol­li­ci­té Arnaud Bon­ne­tain, gérant de l’hôtel de la bourse, sur cette ques­tion, mais n’avons pas obte­nu de réponse.

Nous aurions volon­tiers évo­qué avec lui le fait que la socié­té dont il est gérant, offi­ciel­le­ment créée en 2019, relève de la hol­ding créée par le chef cui­si­nier alsa­cien, ori­gi­naire de Rouf­fach, Phi­lippe Boh­rer.

Une hol­ding en forme de constel­la­tion, consti­tuée d’au moins 34 socié­tés, aus­si bien dans des domaines liés à la res­tau­ra­tion que l’hôtellerie, l’immobilier ou la loca­tion d’immeubles. Cer­taines struc­tures déga­geant plu­sieurs cen­taines de mil­liers d’euros de chiffre d’affaires en 2018. 

Dans ces condi­tions, on a quelques dif­fi­cul­tés à adhé­rer en la néces­si­té d’un choix de ges­tion pro­cé­dant du licen­cie­ment éco­no­mique, quand l’ensemble des socié­tés du « groupe » sont plu­tôt flo­ris­santes, et que l’État conti­nue à sou­te­nir le dis­po­si­tif de chô­mage par­tiel à hau­teur de 84 % du salaire net des employés… voire même 100 % pour les mois de mars, avril et mai, les mois pour les­quels l’hôtel de la bourse n’a pré­ci­sé­ment engran­gé aucun chiffre d’affaires.

Une nou­velle action est pré­vue par un col­lec­tif de sou­tien le ven­dre­di 7 août devant l’hô­tel de la bourse à 10h30, soit 30 minutes avant que la sala­riée ne soit reçue en entre­tien préa­lable au licen­cie­ment, et deux des sala­riés de l’hôtel se sont décla­rés en grève illi­mi­tée depuis same­di soir. 

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