Nous publions ci-après un petit témoignage d’un « rescapé du covid » qui narre avec décalage et humour son périple sanitaire, balloté entre les 2 principales cités du Haut-Rhin. Une situation assez illustrative de la tragi-comédie qui se joue de nous, et autour de nous, ces temps derniers. 

Je vais bien quoiqu’ayant cho­pé un petit rhume (du genre à uti­li­ser 1 rou­leau de PQ par jour), et ayant l’arrière gorge irritée.

Ma mère a 90 ans et ma sœur a fait son test Covid 19 PCR, ma fille aus­si, que je me dis : « Allons Mar­co sois quand même pas con et passe ton test PCR ! ».

Je le passe donc allè­gre­ment à Pfas­tatt ven­dre­di 30 octobre et après avoir enten­du quelques cra­que­ments et accu­sé tout de même une sacrée dou­leur je dis au gars que c’est bizarre, j’ai l’impression de sai­gner et il me répond aus­si sec que c’est sûre­ment les restes de mon rhume !

En repar­tant et en cra­chant par la fenêtre je me suis ren­du compte que j’avais bien évi­dem­ment eu rai­son ! C’était bien du sang.

Après une pre­mière épis­taxis le same­di soir où je perds envi­ron 15 cen­ti­litres de sang ce qui n’est pas sans m’inquiéter et je vais me cou­cher pas très tran­quille tout de même.

Dimanche matin vers 8h30 je me réveille en sen­tant que du sang coule dans ma bouche et là ça n’arrête plus, on flippe, ma femme, ma fille et moi et on fonce aux urgences de Mul­house bas­sine plas­tique sous mon nez qui reçois à la louche (on peut le dire) 50 à 60 cl de sang.

On nous reçoit direc­te­ment, ça pisse tou­jours de plus belle, et l’urgentiste me met une mèche dans chaque narine mais ça n’arrête pas et je crache allè­gre­ment mon sang par la bouche (un délice je vous dis) tan­dis que je com­mence dou­ce­ment à tour­ner de l’œil. J’observe alors cet effet que ceux qui se taillent les veines connaissent bien, un peu comme un joint de can­na­bis mais alors un très mau­vais joint ! Je com­mence à être nau­séeux car l’estomac n’aime pas ava­ler du sang et d’un jet je régur­gite un bon verre de bière de sang et direc­te­ment après un deuxième verre !

Vous pour­rez obser­ver au pas­sage mes réfé­rences pour ce qui concerne les com­pa­rai­sons, bref…

Là je com­mence tout de même à flip­per sa race pour ain­si dire en me disant que j’en suis tout dou­ce­ment à perdre un litre de sang ! Fran­che­ment quel gâchis, ça en était indécent…

Quand je pense que jusqu’à mes 36 ans j’avais don­né 25 fois mon sang (j’ai certes quelques manies par­fois étranges), l’urgentiste à qui je confiais ce secret me dit alors que c’était un juste retour des choses.

Ma femme atten­dait à côté car je crois que si elle avait vu ça elle serait tom­bée dans les pommes illico.

Quant à moi je com­men­çais à son­ger à ce qui ne m’a jamais quit­té durant mes grands moments d’égarements et cela depuis que je suis assez jeune je dois le recon­naître, et j’ai nom­mé la mort !

Sen­ti­ment qui se confir­mait d’autant plus que l’on me trou­vait de plus en plus livide, (pour une fois que l’on ne me reproche pas mon visage érubescent !)

Tou­te­fois le sang avait déci­dé de cal­mer son débit à mesure d’ailleurs que je pou­vais obser­ver, quoiqu’étant mas­qués les visages des urgen­tistes un peu plus ras­su­rés même si l’un d’eux me dit qu’une demi-heure de mieux et…. Bref j’avais com­pris le message.

Je tiens d’ailleurs ici à remer­cier et à féli­ci­ter toute cette belle équipe aux urgences du Dia­co­nat de Mul­house qui on peut le dire, m’a sau­vé la vie !

-2-

L’ORL finit par arri­ver, et après obser­va­tion, alors que je lui explique que j’ai fait un test PCR Covid, il s’explique : « Il est pos­sible qu’il y ait eu un per­ce­ment du canal grand pala­tin (ou canal­pté­ry­go­pa­la­tin) qui est un canal de la base du crâne per­met­tant le pas­sage de l’ar­tère pala­tine des­cen­dante (et de sa veine) ain­si que des nerfs petit et grand pala­tin entre la fosse pté­ry­go-pala­tine et la cavi­té orale ».

Vous aurez pu remar­quer que j’avais per­du du sang mais pas la mémoire…

Au pas­sage je lui confir­mais son diagnostic…

Le mieux pour vous me dit-il, car je ne veux prendre aucun risque, est de vous envoyer à Col­mar car je pense que l’équipe qu’ils ont dans le ser­vice ORL à Pas­teur serait plus à même d’intervenir dans une situa­tion aus­si extrême ce qui eu aus­si­tôt l’effet de me rassurer…

Vers 10h 30 ma femme qui atten­dait à côté est venue rejoindre et donc for­cée de recon­naître l’homme ensan­glan­té et tou­jours aus­si livide avec lequel elle s’était pac­sée quelques années aupa­ra­vant ce qui fût pour moi d’un grand réconfort.

Après avoir cha­leu­reu­se­ment remer­cié tout le monde, car il n’était plus l’heure de décap­su­ler la moindre bière et encore moins d’allumer un joint, me voi­là par­tit pour Col­mar dans une somp­tueuse ambu­lance tran­quille­ment ins­tal­lée dans le sens inverse de la marche ce qui n’était pas sans me faire craindre un troi­sième vomis­se­ment, bref le réveil du dimanche matin le plus sym­pa de toute ma vie !

Après un tra­jet inter­mi­nable où l’ambulancier d’ailleurs fort sym­pa n’arrêtait pas de décon­ner avec l’ambulancière au volant, je me disais que l’humour quand même, quand on en a c’est quek chose, et la vie, la vie…

Je me retrouve donc à l’hôpital Pas­teur de Col­mar, en-méché jusqu’au fin fond des fosses nasales pour 48 heures.

Ce furent sans doute les deux nuits de soli­tude et de réflexion sur la mort les plus longues de ma vie, quoique j’avais tout de même l’avantage d’être entou­ré d’une dizaines d’infirmières fort sympathiques !

J’appréhendais le démé­chage qui eu lieu mar­di matin à 10h30 mais tout s’est bien dérou­lé et j’ai pu ren­trer chez moi vers 14h.

Depuis je vis autant dans l’angoisse d’un retour au galop d’une épis­taxis ful­gu­rante que dans l’apaisement d’un retour de par­mi les morts…. Mais j’ai bon espoir, car il y pire, bien pire dans le monde, hélas.

Ah oui, au fait, j’oubliais le plus pathé­tique, mon test Covid PCR s’est avé­ré ININTERPRÉTABLE ! Vrai de vrai.