Entre les mesures de confi­ne­ment auto­ri­taire, limi­tant les dis­tances et durées par­cou­rues, les auto attes­ta­tions déro­ga­toires de sor­tie, les mesures de couvre feu (qui se sub­sti­tuent au pré­cé­dentes attes­ta­tions à par­tir du 15 décembre, si l’on suit bien), la France conti­nue imper­tur­ba­ble­ment à se se vau­trer dans le ridi­cule bureau­cra­tique et la bato­nite règlementaire.

Avec le 19ème siècle nar­ré par Gio­no dans « Le hus­sard sur le toit », le pre­mier quart du 21e siècle aura vu la douce France rendre le concept rétro­grade de l’assignation à rési­dence, ou d’autodétention, à voca­tion sani­taire, d’une invrai­sem­blable sophis­ti­ca­tion kaf­kaïenne et d’une fac­ture coer­ci­tive sans pareil euro­péen, que ce soit au cours du pre­mier ou du second cycle épi­dé­mique de coronavirus. 

Ain­si, avant même le couvre-feu du 15 décembre qui pré­cé­da et sui­vra la période d’as­si­gna­tion domi­ci­liaire, le citoyen dut avoir recours à « lattes­ta­tion de dépla­ce­ment déro­ga­toire » et/ou un « jus­ti­fi­ca­tif de dépla­ce­ment pro­fes­sion­nel » et/ou un « jus­ti­fi­ca­tif de dépla­ce­ment sco­laire », dès lors qu’il lui pre­nait le besoin de tirer sur la corde du kilo­mètre de rayon de dépla­ce­ment règle­men­taire, que le gou­ver­ne­ment a bien vou­lu lui pro­di­guer, à nou­veau, lors de ce second épisode. 

Le tout à l’occasion d’une pan­dé­mie dont le taux de léta­li­té est infé­rieur à celui de la grippe asia­tique de 1958 (2 mil­lions de décès selon l’OMS, contre 1,6 mil­lion pour le coro­na­vi­rus), et une fois et demie supé­rieure à la grippe de Hong-Kong de 1968.

Deux épi­sodes pan­dé­miques qui n’ont pour­tant don­né lieu à aucune action publique dis­pro­por­tion­née, se tra­dui­sant par des pri­va­tions, inter­dic­tions et obli­ga­tions tant indi­vi­duelles que col­lec­tives, aus­si larges, abs­conses et absurdes, que celles devant les­quelles nous sommes déso­lé­ment pla­cées à ce jour.

Pour­tant, ce qui parait tout à fait remar­quable à cette occa­sion, est qu’au­cun lea­der pro­gres­siste, ni aucun mou­ve­ment social fran­çais n’ait même son­gé à contes­ter leur dure­té et leurs moda­li­tés, comme si l’u­buesque satis­fe­cit natio­nal se per­sua­dait que les pays du monde (à l’ex­cep­tion de quelques contrées per­dues) ont dû pro­cé­der de manière aus­si bru­tale et infan­tile que le-pays-des-droits-de-l’homme.

Il n’é­tait donc que temps de dépor­ter le regard du coté de nos voi­sins euro­péens, les­quels font face au même virus, dans des condi­tions essen­tiel­le­ment com­pa­rables, mais dont les gou­ver­ne­ments ont la folle audace de se mon­trer pro­por­tion­nés dans leurs pres­crip­tions, et res­pec­tueux de leurs popu­la­tions, qu’ils se sont ingé­niés à res­pon­sa­bi­li­ser, en se dis­pen­sant de déployer un régime poli­cier char­gé de contrô­ler les faits et gestes d’une popu­la­tion réduite au rang de majeur inca­pable.

Une manière d’a­gir des élites fran­çaises qui en dit long sur la posi­tion de sur­plomb qu’ils façonnent dans la morgue et l’entre-soi des hautes écoles et des cabi­nets minis­té­riels. Bien évi­dem­ment, ces consi­dé­ra­tions pru­den­tielles ne valurent pas vrai­ment pour les pays d’Eu­rope du Sud, comme on aura l’oc­ca­sion de le voir lors d’un pro­chain épisode. 

Les infor­ma­tions que nous rela­tons ci-des­sous sont issues de col­la­tions obte­nues de la part de cor­res­pon­dants habi­tant dans les pays exa­mi­nés, aux­quels nous avons posé des ques­tions-types et/ou pro­ve­nant de sites offi­ciels gérés par les gou­ver­ne­ments de ces pays. Nous y ajou­tons un indice de poli­tique auto­ri­ta­riste infan­tile, l’IA­PI ou « infan­tile autho­ri­ta­rian poli­cy index », mesu­ré sur une échelle de 10. Le maitre-éta­lon étant bien sûr la France, avec la note maxi­male de 10/10.

L’Allemagne, le pays des « limitations sociales » (presque) cohérentes… 

Nos voi­sins ger­mains ont sou­vent été cité en exemple en matière de ges­tion de la crise du coro­na­vi­rus. On ver­ra plus bas que leur taux de léta­li­té est bien plus bas que le nôtre, et que ce résul­tat doit connaitre des fac­teurs et causes objectives. 

Du point de vue séman­tique, la dif­fé­rence est déjà notable entre les deux côté du Rhin : les Fran­çais confondent 2 termes qui n’ont pas vrai­ment le même signifié : 

Confi­ner en fran­çais a pour sens éty­mo­lo­gique « bor­ner, voi­si­ner, atteindre des limites ». A l’é­gal du dépar­te­ment Finis­tère, qui trans­crit lit­té­ra­le­ment la fin de la terre.

Or le gou­ver­ne­ment fran­çais a impo­sé le terme « confi­ner » au sens du verbe « confin­ner » (avec deux n), terme du 15ème siècle, qui signi­fie « enfer­mer ». L’exé­cu­tif fait donc valoir une socié­té car­cé­ra­li­sée pour lut­ter contre un virus, et déploie l’ar­se­nal répres­sif et son per­son­nel ad-hoc, char­gé de véri­fier la bonne sujé­tion citoyenne. 

Les Alle­mands uti­lisent quant à eux le terme « Aus­gang­sperre » qui marque une limi­ta­tion sociale et phy­sique, plus rare­ment de « Lock­down », qui signi­fie fer­me­ture, sachant que les termes ren­voient tou­jours à la notion de res­pon­sa­bi­li­sa­tion per­son­nelle des citoyens. Y com­pris s’a­gis­sant du res­pect de la « Qua­rantäne », en cas de mala­die contagieuse. 

De fait, la police ne contrôle pas les citoyens dans la rue. A quoi cela sert-il, sinon à rajou­ter l’hu­mi­lia­tion et la psy­chose ? La police alle­mande réprime quant à elle l’es­sen­tiel, c’est à dire ce qui fait sens du point de vue de la pré­ven­tion sani­taire : les fac­teurs de conta­gio­si­té poten­tiels. Par exemple en empê­chant les attrou­pe­ments dans la rue ou cer­tains locaux. D’où une gra­da­tion des amendes en fonc­tion de leur gravité. 

Voi­ci le détail des réponses de notre cor­res­pon­dant allemand : 

Questions posées à un citoyen allemand du Bade Wurtemberg : 

- Devez-vous ren­sei­gner sys­té­ma­ti­que­ment une auto-attes­ta­tion de sor­tie dérogatoire ?

Non

- Subis­sez-vous des amendes pour non pro­duc­tion d’une attestation ?

Non

- À com­bien s’élève l’amende pour non-res­pect des mesures sanitaires ?

Elles peuvent s’élever de 25 à 250 euros selon les circonstances.

- Connais­sez-vous des limites d’es­pace et de temps de sortie ?

Non

- Cer­tains maga­sins sont-ils fer­més durant la période de restriction ?

Tous les lieux de res­tau­ra­tion et d’hébergement, les bars et clubs

- Les masques sont-ils obli­ga­toires, et si oui dans quels lieux inté­rieurs ou extérieurs ?

Les masques sont obli­ga­toires dans tous les maga­sins ain­si que dans les cabi­nets médi­caux, ou selon que les portes des bâti­ments affichent que l’accès ne s’o­père qu’avec masques. À l’extérieur les masques doivent être por­tés sur les mar­chés et dans les zones étroites des centres-villes. On recom­mande aus­si une dis­tance de 1,50 à 2 mètres dans les maga­sins et à l’extérieur.

- Com­ment la popu­la­tion réagit-elle devant ces restrictions ?

Une grande par­tie ne trouve rien à redire et s’y conforme. Il y a cepen­dant chez nous les « Quer­den­ken » (ceux qui pensent autre­ment), dont par­mi eux beau­coup de gens de droite. Et il y a des manifestations.

- Com­ment les forces poli­tiques d’op­po­si­tion réagissent-elles aux restrictions ?

La grande majo­ri­té trouve les déci­sions bonnes, il y a tou­te­fois une cri­tique venant de la gauche, des libé­raux et de la SPD, que trop de mesures passent par des mesures de l’exé­cu­tif via des décrets plu­tôt que par le par­le­ment.

- Est-ce que les écoles de musique sont ouvertes ?

Oui, dans le res­pect des règles sanitaires.

La ren­contre avec d’autres per­sonnes est limi­tée, on peut se rencontrer :

1. Avec les membres d’un même foyer

2. Avec les membres de son foyer et d’un autre, incluant les époux, les com­pa­gnons et com­pagnes de vie, les par­te­naires de coha­bi­ta­tion, les parents en droite ligne, en ne dépas­sant pas 10 personnes.

Cela est éga­le­ment valable à l’extérieur. Les règle­ments covid peuvent varier légè­re­ment d’un Land à l’autre.

Pour preuve, ci-des­sous, un pano­ra­ma de la poli­tique de port du masque obli­ga­toire, en fonc­tion des län­der. Le Bade Wur­tem­berg rend le port néces­saire dans les trans­ports et maga­sins. La Rhé­na­nie-Pala­ti­nat y ajoute les marchés. 

L’Al­le­magne sep­ten­trio­nale de Meck­lem­bourg-Pomé­ra­nie-Occi­den­tale est la seule à impo­ser le masque dans 4 situa­tions : Les trans­ports, les super­mar­chés, les écoles et les éta­blis­se­ments de santé.

« Là où l’Al­le­magne porte désor­mais tous les jours un masque »

Voi­ci enfin l’en­semble des mesures prises dans le Bade-Wur­tem­berg en novembre, expo­sé dans une bro­chure offi­cielle, et tra­duite en fran­çais par les ser­vices du Land :

Nouvelles dispositions depuis le 12 décembre 

C’est un choc poli­tique pour beau­coup de nos voi­sins alle­mands qui découvrent pour la pre­mière fois depuis l’apparition du virus, une mesure de res­tric­tion auto­ri­taire, sous la forme d’un couvre-feu. 

La mesure a été annon­cée par le ministre-pré­sident du Bade Wur­tem­berg, le ven­dre­di 11 décembre. Le couvre-feu est appli­cable depuis le same­di 12 décembre, et ins­tau­ré entre 20 heures et 5 heures du matin.

En jour­née, de 5h à 20h, les sor­ties du domi­cile sont auto­ri­sées pour des achats, l’é­cole, mani­fes­ter, ou faire du sport seul, ou avec une seule autre per­sonne exté­rieure à son foyer. Les réunions pri­vées sont limi­tées à 5 per­sonnes maxi­mum de deux foyers dif­fé­rents. Ange­la Mer­kel en pré­ci­se­ra les moda­li­tés en com­pa­gnie des ministres-pré­si­dents de la Répu­blique fédérale.

Le pré­sident du Bade Wur­tem­berg, l’écologiste Win­fried Kret­sch­mann, semble avoir pris sa déci­sion sur la recom­man­da­tion appuyée de la Chan­ce­lière, face à la recru­des­cence des cas de Covid-19. 

Une recru­des­cence tou­te­fois rela­tive à l’é­chelle natio­nale, com­pa­rée à la situa­tion fran­çaise, puisque l’Allemagne comp­ta­bi­lise 260 décès par mil­lion d’ha­bi­tants, contre 881 pour la France, au 12 décembre. 

Est-ce à dire qu’une sur­réac­tion fébrile gagne les diri­geants alle­mands alors que le nombre de conta­mi­na­tions stagne au plus haut ? Quoi qu’il en soit, c’est en ver­tu d’un prin­cipe filial autant que moral que la chan­ce­lière semble agir. 

Les yeux humides, elle décla­rait notam­ment devant les dépu­tés du Bun­des­tag : « Si nous avons trop de contacts et qu’a­près on se rend compte que c’é­tait notre der­nier Noël avec les grands-parents, alors, on aura vrai­ment échoué ».

Hélas, rien n’in­dique nulle part qu’un couvre-feu ou qu’un confi­ne­ment coer­ci­tif se tra­dui­sant par des inter­dic­tions com­mi­na­toires ait un quel­conque effet sur la cir­cu­la­tion du virus, lequel semble avoir son his­toire natu­relle propre, qui repose sur des condi­tions objec­ti­ve­ment favo­rables à sa pro­pa­ga­tion et à sa mor­bi­di­té, comme la tem­pé­ra­ture, l’en­vi­ron­ne­ment, le niveau de pro­mis­cui­té, l’é­tat de san­té géné­ral, l’âge et l’es­pé­rance de vie pré­vi­sible, etc. 

L’ex­pé­rience menée par les marins-pom­piers de Mar­seille (qui appel­le­rait une géné­ra­li­sa­tion immé­diate à l’é­chelle natio­nale), pré­le­vant des échan­tillons d’eaux usées pour en recher­cher des traces virales, a notam­ment per­mis d’an­ti­ci­per éton­nam­ment la dyna­mique épi­dé­mique de la ville « six jours avant les pre­miers symp­tômes phy­siques », et cela à rebours de toute stra­té­gie poli­tique, dont on a consta­té à cette occa­sion qu’elle n’a­vait pas ou peu d’effets… 

Score de l’Allemagne à l’IAPI (infantile authoritarian policy index) : 5/10

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