Les affaires de la famille Hor­ter sombrent un peu plus dans les eaux chlo­rées du cal­cul égoïste. Les conclu­sions du cabi­net d’audit Deloitte, dili­gen­té par la Région Grand Est (deuxième finan­ceur du MON), aux­quels nous avons eu accès, sont glo­ba­le­ment acca­blantes pour la répu­ta­tion du club, et sur­tout pour sa famille dirigeante.

Ils illus­trent on ne peut mieux les pra­tiques dis­cré­tion­naires de ges­tion au sein de la struc­ture spor­tive d’excellence, que le Mul­house Olym­pic nata­tion est cen­sé être, ou avoir été. Nombre d’aberrations semblent héri­tières d’une pra­tique de l’entre-soi clanique.

Une assemblée générale de pure forme

A ce sujet, le MON a tenu son assem­blée géné­rale le 5 décembre 2020, dans un contexte par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile. Une assem­blée qui a elle seule révèle com­bien les usages du clan Hor­ter consi­dèrent cer­tains usages sta­tu­taires avec légèreté.

Celle-ci a eu lieu en visio­con­fé­rence en rai­son des res­tric­tions sani­taires. Mais pas ques­tion d’y voir l’occasion d’un exer­cice de trans­pa­rence compte tenu le poids des accu­sa­tions qui pèsent sur ses diri­geants, et l’importance de l’argent public qui est en jeu.

Et pour parer à ce que des yeux indis­crets y fourrent leurs torves orbites, on ver­rouille. Ain­si, une décla­ra­tion nomi­nale avec code d’accès y est néces­saire pour se connecter.

Une tren­taine de per­sonnes étaient pré­sentes selon nos infor­ma­tions, dont une mineure de 16 ans, reliée à la famille Horter.

Ici, on ne s’embarrasse pas trop de scru­pules, de sorte que le « quo­rum » (c’est-à-dire le seuil mini­mal de pré­sents néces­saires pour acter légi­ti­me­ment les déci­sions d’une assem­blée col­lé­giale) ne semble pas être le sou­ci majeur.

Pierre Zum­biehl secré­taire de séance, et ancien chef de ser­vice des équi­pe­ments aqua­tiques de Mul­house à la retraite, est même prié par un inter­ve­nant de comp­ter les pré­sents et les pro­cu­ra­tions après la tenue de l’assemblée !

On y a noté l’apparition de Daniel Bux, char­gé des sports à M2A, et qui cette fois fut invi­té à une assem­blée géné­rale, alors qu’il sou­te­nait s’en être dis­pen­sé jusqu’ici.

Éga­le­ment pré­sents, Chris­tophe Ste­ger adjoint aux sports à la mai­rie de Mul­house, qui fut neutre nous dit-on, et le dis­tin­gué dépu­té Bru­no Fuchs qui fit montre d’un sou­tien fervent à la famille du MON, au sens propre et figuré. 

Franck Hor­ter a vou­lu feindre la séré­ni­té, attes­tant que la situa­tion était dif­fi­cile, mais pas déses­pé­rée, même si son frère se disait très bles­sé par les vile­nies qui sont répan­dues sur sa famille et le club.

Quant à la qua­li­té de « membre actif » de l’association MON, seule sus­cep­tible de vous per­mettre d’assister à l’assemblée géné­rale d’une struc­ture asso­cia­tive, cen­sé­ment démo­cra­tique, mieux vaut mon­trer fidé­li­té et loyau­té à sa direc­tion avant d’y songer.

Car pour obte­nir la qua­li­té de « membre actif », les sta­tuts pré­voient que l’on y soit pré­sen­té par 2 autres membres, à la manière d’une pro­cé­dure de cooptation.

Et ce n’est pas fini : c’est le comi­té direc­teur qui désigne la per­sonne digne de deve­nir membre actif ! Ce fai­sant, pour y être éli­gible, il faut éga­le­ment être membre licen­cié du MON depuis au moins 4 ans…

Les francs-maçons peuvent ain­si aller se sécher et se rha­biller, tant leurs pro­cé­dures d’adhésion semblent bibliques de simplicité !

Avec ce ver­rouillage à triple tour, la sur­ve­nue de passe-droit est tou­jours pos­sible. On nous a d’ailleurs fait part de l’appartenance hau­te­ment contes­table de membres du Comi­té direc­teur qui ne rem­plissent pas les condi­tions pour y siéger.

A ce sujet nos contacts recensent au moins 3 per­sonnes qui pos­sé­de­raient la qua­li­té de membre du « MON Club » (une socié­té ano­nyme créée et gérée par la famille Hor­ter avec l’assentiment de M2A), mais pas de l’association MON. Ils sié­geaient pour­tant lors du Comi­té direc­teur du 10 avril 2018, à tout le moins.

Mais puisque le Comi­té direc­teur désigne qui bon lui semble, il peut éga­le­ment dis­po­ser des sta­tuts à sa guise.

Bien sûr la famille Hor­ter y occupe les places de choix : pré­si­dence et direc­tion générale.

Der­nière ano­ma­lie sta­tu­taire : la liste des membres du Bureau dési­gnés par ledit Comi­té direc­teur, consti­tuant l’exécutif pilo­tant l’association au quo­ti­dien, ne semble pas connue du Greffe du tri­bu­nal judi­ciaire de Mul­house, alors même que les der­niers sta­tuts y ont été dépo­sés en 2018. 

Le rapport d’audit Deloitte : un premier entrebâillement de la boite noire MON

Dili­gen­té par la Région Grand Est, qui a sus­pen­du sa sub­ven­tion au MON, sur la requête expresse de Jean Rott­ner, le rap­port d’audit signé du cabi­net Deloitte ne se foca­lise évi­dem­ment que sur la seule ges­tion de l’association MON, sachant que la famille Hor­ter est par­tie pre­nante d’un maillage de socié­tés dis­tinctes dont il est dif­fi­cile de syn­thé­ti­ser les tenants et abou­tis­sants ain­si que les pas­se­relles par les­quelles elles peuvent être inter­re­liées, à com­men­cer par la SARL « Mon Club ». 

La page 5 du rap­port le pré­cise clairement :

« Notre état des lieux de l’association se limite strictement :

• À l’association Mul­house Olym­pic Nata­tion, dit le MON, étant pré­ci­sé que les refac­tu­ra­tions entre l’association MON et la SARL MON Club n’ont pas été cou­vertes par notre inter­ven­tion. En effet, nous avons consta­té au cours de notre étude que l’organisation du club autour d’une part de la pra­tique de loi­sirs et d’autre part de la pra­tique de haut niveau était scin­dée dans deux struc­tures dif­fé­rentes : une struc­ture com­mer­ciale, la SARL MON Club, non cou­verte par notre ana­lyse, pour la pra­tique dite de loi­sirs, et la struc­ture asso­cia­tive pour la pra­tique de haut niveau, le MON ».

Par ailleurs, le cabi­net ne peut que consta­ter et subir les défaillances du contrôle finan­cier de la struc­ture sportive :

« A noter, qu’à notre connais­sance, le rap­port du com­mis­saire aux comptes sur l’exercice clos au 30 sep­tembre 2019 n’a pas été émis à la date de nos tra­vaux ».

De sorte que pour éta­blir une vue plus exhaus­tive de la situa­tion finan­cière impac­tée, la ges­tion de l’association MON devrait être mise en regard avec l’ensemble des socié­tés avec les­quelles elle échange struc­tu­rel­le­ment et financièrement.

Mais pour en reve­nir aux constats du cabi­net Deloitte, syn­thé­ti­sés en page 7 du rap­port, ils sont édifiants :

  • Il est impos­sible de retra­cer l’utilisation des fonds publics du fait de l’absence de comp­ta­bi­li­té ana­ly­tique ou de docu­men­ta­tion interne
  • Les jus­ti­fi­ca­tifs trans­mis à la Région dans le cadre du sui­vi des dépenses ne sont pas exhaus­tifs au regard des exi­gences conven­tion­nelles du par­te­na­riat avec le bailleur de fonds public, et les élé­ments trans­mis le sont hors délais !
  • La situa­tion finan­cière est dégra­dée, même si elle parait en légère amélioration
  • L’association est gran­de­ment tri­bu­taire des sub­ven­tions publiques, pour près des deux tiers de son budget
  • Puisqu’il n’y a pas de per­son­nel per­ma­nent char­gé de l’administration, les pro­ces­sus clés tant finan­ciers que règle­men­taires ou juri­diques ne sont pas objet d’un sui­vi ou d’autocontrôles internes
  • Enfin, comme on aura pu le pres­sen­tir à l’occasion de la tenue de l’assemblée géné­rale du 5 décembre, la forme juri­dique des pro­cès-ver­baux des assem­blées géné­rales ou du Comi­té direc­teur n’est pas conforme aux exi­gences légales

Le bilan comp­table laisse ain­si appa­raitre un résul­tat néga­tif qui parait limi­té en 2019, mais méri­te­rait une explo­ra­tion plus appro­fon­die, en lien avec les socié­tés connexes déte­nues par la famille Horter. 

Les dettes sont impor­tantes, notam­ment s’a­gis­sant des rede­vances de loyers dus à M2A, et qui relèvent d’un mon­tage finan­cier pour le moins com­plexe, puis­qu’il implique de mul­tiples trans­ferts entre (notam­ment) l’as­so­cia­tion MON et la socié­té « MON Club », ain­si que nos confrères de Radio France en avaient réa­li­sé une expli­ci­ta­tion dans leur enquête. 

Pour ce qui relève de la dépen­dance aux fonds publics, le cabi­net Deloitte réca­pi­tule dans un tableau l’identité des contributeurs :

Pour s’en tenir aux seules col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, M2A est de loin le pre­mier bailleur de fonds, avec plus de 480 000 euros attri­bués chaque année.

C’est un bien­fai­teur notoi­re­ment fidèle et régu­lier, prêt à ver­ser imper­tur­ba­ble­ment de l’argent public, sans faire appli­quer quelque contre­par­tie ou réforme que ce soit dans la ges­tion de la struc­ture spor­tive, cela en dépit des alarmes qui ont reten­ti ces der­nières années, notam­ment à la faveur d’un exa­men par la Cour régio­nale des comptes en 2017.

La Région Grand Est a été quant à elle plus pru­dente. Elle n’a ces­sé de dimi­nuer son apport depuis l’année 2017, peut-être à la faveur de la publi­ca­tion du rap­port de la Cour des comptes. Les fonds ont ain­si décru de près de 50%, pas­sant de 65 000 à 33 000 euros annuels entre 2017 et 2019 !

Le dépar­te­ment du Haut-Rhin n’a pas varié quant à lui son injec­tion annuelle, pour un mon­tant de 24 000 euros en moyenne annuelle.

Des justificatifs pour la semaine des 4 jeudis

Après exa­men des termes des conven­tions signées entre le MON et la Région Grand Est, le rap­pel sys­té­ma­tique des manques de docu­ments à four­nir par le MON dans des délais impar­tis (comme conve­nu aux articles 4 et 5 de la conven­tion signée par les deux par­ties), est un exer­cice par­ti­cu­liè­re­ment redou­table mené par le cabi­net, qui illustre s’il le fal­lait encore, com­bien les diri­geants de l’association MON ne se sont jamais embar­ras­sés d’a­voir à rendre compte de l’usage de l’argent public qu’ils percevaient. 

Citons par exemple, pour l’année 2016/2017 :

  • Pas de jus­ti­fi­ca­tifs des dépenses de for­ma­tion et de communication
  • Assem­blée géné­rale tenue 8 mois après la clô­ture de l’exercice comp­table en 2015/2016, 7 mois plus tard pour la sai­son 2016/2017
  • Pas de rap­port sur l’utilisation des sub­ven­tions en 2016/2017
  • Rap­port du com­mis­saire aux comptes émis 12 mois après la date de l’exercice 2016/2017 et jamais trans­mis à la Région…

Tout est du même ton­neau lors des années suivantes :

Plus fâcheux encore, les frais de sou­tien sco­laire pour les jeunes spor­tifs en deve­nir. La Région avait accor­dé 25 000 euros sup­plé­men­taires à leur finan­ce­ment. Ver­sés à la socié­té de cours par­ti­cu­liers « Aca­do­mia » (en plus du CNED), le MON s’était enga­gé à rever­ser une par­tie de la somme aux familles, mais cela ne fut pas fait dans le res­pect de la parole don­née, ou plu­tôt écrite. L’argent ser­vant sans doute à d’autres fins. 

La Région avait depuis lors ces­sé de ver­ser cette contri­bu­tion complémentaire.

Des politiques qui font la planche

Cette invrai­sem­blable iner­tie, ou cette désin­vol­ture per­sis­tante dans la ges­tion et l’ad­mi­nis­tra­tion d’une asso­cia­tion à valeur de patri­moine local, pour laquelle un solide par­terre de res­pon­sables poli­tiques sont prêts à se mouiller en défense et illus­tra­tion, comme on l’au­ra vu aus­si bien lors de l’as­sem­blée com­mu­nau­taire de M2A qu’au cours du conseil muni­ci­pal de Mul­house, ne laisse d’interroger. 

Pour­quoi tant de com­plai­sance indé­fen­dable de la part de nom­breux res­pon­sables poli­tiques locaux et régio­naux, favo­ri­sant un sen­ti­ment d’im­pu­ni­té chez les res­pon­sables de cette struc­ture tout le long de ces der­nières années, quand ces mêmes res­pon­sables seraient tom­bés à bras rac­cour­ci contre n’im­porte quelle autre orga­ni­sa­tion tri­bu­taire de fonds public, et pla­cée dans pareille situa­tion, mais qui n’au­rait pas béné­fi­cié de l’au­ra, des réseaux et appuis dont celle-ci jouit, encore et toujours ?

Der­rière ces his­toires sca­breuses, il y a aus­si, et peut-être sur­tout, des familles sale­ment déçues ou trom­pées, qui réclament jus­tice et attendent répa­ra­tion. Ce dont on n’a pas l’air de faire grand cas jus­qu’à pré­sent, puisqu’ils sont si petits, et que les autres sont (trop) puissants. 

Cette ressource est accessible gratuitement pour une période de 10 jours. Pour nous permettre de continuer à vous proposer articles, documentaires, vidéos et podcasts, abonnez-vous à partir de 3 euros seulement !