Les élèves du Théâtre National de Strasbourg, rejoints par ceux du théâtre de la Colline et faisant suite à l’occupation de l’Odéon à l’initiative de la Cgt spectacle occupent le prestigieux établissement strasbourgeois d’une manière illimitée depuis le mercredi 10 mars.
Cela fait des mois que les salariés, leurs syndicats, les directeurs de salles et leurs structures professionnelles, dénoncent cette absurdité d’interdire l’accès aux salles de ciné ou de spectacles car des mesures ont été prises pour mettre en place des mesures de protection.
La Culture dispose d’un ministère qui n’est pas le mieux traité (sauf exception) par les gouvernements successifs : il n’a aucun poids face à Bercy ; très souvent on se moque du ou de la Ministre de la Culture le-la ramenant à un distributeur de subsides et de décorations… L’actuelle pensionnaire de la rue de Valois a d’ailleurs fait ses armes dans les émissions de Cyril Hanouna et avait son rond de serviette aux Grosses Têtes. C’est évidemment là que se forge une conception exigeante des affaires culturelles !
La presse a rendu compte de cette occupation qui trouve de la sympathie auprès de la direction du TNS mais elle se borne à ne parler que d’une seule revendication, celle de l’exigence de la réouverture des salles.
Des demandes d’un autre ordre
Si ce point est bien la préoccupation unique des directions de lieux, les revendications exprimées entre autres par la CGT Spectacle vont bien au-delà ; elle considère même que ce n’est pas là le plus important, ni même un impératif absolu (même si l’on peut se poser des questions, quand des artistes peuvent intervenir dans les écoles pendant que le théâtre à côté doit rester fermé).
Il leur importe davantage que des aides massives soient dégagées pour soutenir l’emploi, notamment pour permettre le plus directement possible de “travailler quand même”, soit pouvoir répéter et créer dans tous les lieux actuellement fermés, en veillant à ce que ces moyens génèrent des fiches de paie, pour compenser, incidemment, les pertes subies par les organismes sociaux.
Cette absence de fiches de paie a pour conséquence d’empêcher l’accès aux indemnités maternité et maladie, elle lèse les droits sociaux des personnels de la culture, dont la retraite, constituée en majeure partie dans ces secteurs de son volet complémentaire.
Une autre revendication fondamentale est, bien sûr, la prolongation sans conditions de l’indemnisation chômage, et, en corolaire, l’abandon de la “réforme” de l’assurance-chômage.
Selon le syndicat, l’ouverture des salles ne règlera pas tout, et surtout pas pour tout le monde. Les dégâts de taille restent à être réparés, notamment pour ceux et celles qui n’étaient pas en ouverture de droits en mars 2020, pour les artistes non-salariés (plasticiens, auteurs-compositeurs).
CEUX QUE VEULENT LES OCCUPANTS DU TNS
La CGT constate, avec intérêt, que les étudiants occupant le TNS ont élargi leurs demandes bien au-delà de la simple ouverture des salles.
Ainsi s’ils placent en tête de liste la réouverture des lieux de cultures dans le respect des consignes sanitaires ils ajoutent la prolongation de l’année blanche, son élargissement à tous.te.s les travailleur.se.s précaires, extras et saisonnier.ère.s entre autres, qui subissent les effets, à la fois de la crise et des politiques patronales, ainsi qu’une baisse du seuil d’heures minimum d’accès à l’indemnisation chômage pour les primo-entrant.e.s ou intermittent.e.s en rupture de droits.
Suivent :
- la demande de mesures d’urgence face à la précarité financière et psychologique des étudiant.e.s,
- un plan d’accompagnement des étudiant.e.s du secteur culturel en cours d’étude et à la sortie pour leur permettre d’accéder à l’emploi,
- des mesures de toute urgence pour garantir l’accès à tous.tes les travailleur.e.s à l’emploi discontinu et auteur.rices aux congés maternité et maladie indemnisés
- Le retrait pur et simple de la réforme de l’assurance chômage
- un financement du secteur culturel passant par un plan massif de soutien à l’emploi en concertation avec les organisations représentatives des salarié.e.s de la culture
- des moyens pour garantir les droits sociaux – retraite, formation, médecine du travail, congés payés etc. – dont les caisses sont menacées par l’arrêt des cotisations
Alors, pourquoi les médias occultent toutes ces revendications qui sont fondamentales pour assurer les salariés de ces secteurs de conditions sociales positives afin d’assurer leur travail de création et de diffusion culturelles sereinement ?
Parce que la Ministre de la Culture, elle, ne met que la réouverture des salles en avant ? Peut-être pense-t-elle que ce sera la tâche la plus aisée à assumer dès que l’Elysée lui en donnera l’ordre ? Car, sur le fond, ce gouvernement n’a aucune envie de changer quoi que ce soit à son entreprise de démolition sociales qu’il a entrepris depuis l’élection d’Emmanuel Macron… Parce que la réouverture va calmer une partie de l’activité culturelle, les patrons de salle pour qui cela suffirait à faire leur bonheur ?
Ce qui se passe à l’Odéon à Paris, au TNS à Strasbourg et partout ailleurs (car le mouvement semble s’étendre), est une démonstration que les étudiants ne se contentent pas de déclarations tonitruantes, mais s’engagent dans des actions concrètes pour faire valoir leurs exigences… Le théâtre gesticulé n’est pas de nature à inquiéter les pouvoirs, l’engagement public des acteurs culturels est d’un autre acabit…
Michel Muller, Daniel Muringer