Quand il n’est pas le ministre-syndicaliste policier qui menace de porter plainte, parce que Audrey Pulvar, candidate PS à Paris, a jugé « glaçante » une manifestation de flics, Gérald Darmanin, syndicaliste-ministre, et réciproquement, ne se soucie même plus de s’en tenir à son rôle institutionnel actuel, qui est notamment celui d’assurer la sincérité des élections, et donc le traitement égalitaire des candidats, en s’en prenant à l’une des candidates en lice.
Mais le confusionnisme politique n’a semble-t-il pas de limites, surtout en matière d’absurdie. Ainsi, Gégé simple flic s’est aussi voulu prescripteur à l’endroit des villes de France qui ont encore la chance de disposer de machines à voter…
On votera en effet simultanément pour deux scrutins différents les 20 et 27 juin 2021, évènement rarissime en France. Et à Mulhouse et Riedisheim, les scrutins auront lieu sur d’antédiluviennes machines à fauter, pardon, voter. Cela risque donc d’être également une élection aux allures d’évènement sportif, tant de multiples efforts de pédagogie devront être menés auprès de l’électorat.
Pour parer à toute bévue, les services du Ministère de l’Intérieur ont publié le 14 mai une circulaire sur l’utilisation des machines à voter à l’occasion des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021.
Le document, signé de la main même de Gégé simple flic, rappelle en introduction que « les machines à voter font l’objet depuis 2008 d’un moratoire qui a gelé leur périmètre de déploiement, et reste en vigueur aujourd’hui ».
Une situation juridique aberrante, puisque le moratoire partait du présupposé que la sincérité d’une élection, dont on a compris qu’elle n’était pas la préoccupation première de Gégé-la-bleusaille, ne pouvait être garanti par les ordinateurs de vote, et que les scrutins utilisant ces machines ont connu de nombreux incidents techniques.
Ce faisant, les municipalités qui ont adopté cette technologie aussi dangereuse démocratiquement, qu’obsolète technologiquement, continuent à s’en servir, notamment dans les exécutifs où il n’y a pas eu d’alternance politique depuis leur instauration, tandis que le gouvernement, qui souhaite instaurer le vote par anticipation en 2022, voudrait les remettre au goût du jour…
En 2017, 66 communes en étaient équipées, représentant au total 1,39 million d’électeurs inscrits, soit 3% du corps électoral. Mais les tenants du push bouton civique s’organisent pour tenir le fortin, y compris par des arguments aussi spécieux qu’ampoulés.
Une tribune a même été publiée récemment dans Le Monde. Intitulée « En temps de Covid, la machine à voter est une solution plus fiable que le vote par Internet ou par correspondance », elle est signée par les 33 maires mohicans qui soumettent toujours leur citoyens à ce traitement civique dégradant, opaque et automatisé.
Soutenus également par l’association des villes pour le vote électronique (AVVE). Une coquille vide, à en juger par leur site internet, simple façade dont toutes les rubriques aboutissent sur un message d’erreur ! Un hommage (volontaire ?) à l’ordinateur de vote, en somme…
La presque maire de Mulhouse, Michèle LUTZ, figure en tant que signataire, parmi d’autres adeptes habituels de la démocratie du bouton pressoir, tels André SANTINI, maire d’Issy-les-Moulineaux, ou Jacques BOMPARD, maire d’Orange.
Bouton anti-covid
L’argumentaire consiste essentiellement, en s’appuyant sur un rapport sénatorial favorable de 2018, dont un scientifique entendu dans ce cadre demande que son nom soit soustrait, qui lui même était précédé d’un rapport d’information, défavorable, en 2014, à dénoncer « Les atermoiements de l’Etat [qui] agacent et épuisent, alors que va s’ajouter prochainement le problème de l’obsolescence des machines ».
L’obsolescence des machines ! Quel doux euphémisme, quand on sait que ces ordinateurs sont installés depuis plus de 15 ans en moyenne (2007 à Mulhouse et Riedisheim), et que la technologie des modèles Nedap (utilisée également à Mulhouse et Riedisheim) repose sur un processeur (le Motorola 68000), qui a été produit entre 1984 et 1994 !
Et que se passerait-il, alors, si l’Etat ne suivait pas, selon eux ? « Un problème qui pousserait à terme les communes à revenir à une organisation du vote par papier ». Quelle horreur, un vote par bulletin papier ! Et pourquoi pas des scrutateurs humains au surplus !
Dans le même esprit, la ville de Chatenay-Malabry (dont le maire, Carl SEGAUD, est bien sûr signataire de la tribune), réussit même la performance de présenter le vote électronique comme un « véritable atout en matière de sécurisation sanitaire. Grâce à ces appareils, l’électeur n’a plus besoin de manipuler des bulletins en papier mais doit simplement se présenter dans un isoloir, appuyer sur une touche qui correspond à son choix et son vote est comptabilisé par la machine, qui est en fait une grosse calculatrice » !
Prenez garde, (é)lectrices, (é)lecteurs : sachez bien que le support papier propage le virus, tandis que les boutons poussoirs du vote électronique en sont des repoussoirs naturels ! C’est garanti par le professeur Didier Raoult ?
On suppose qu’un préposé à la chiffonnette et au spray désinfectant se fera un devoir de récurer la machine à chaque passage d’électeur…
Pour en revenir à la circulaire de Gérald Darmanin, le document laisse aux maires 3 configurations possibles pour se sortir du dilemme auquel ils sont confrontés, par le caractère simultané des scrutins régionaux et départementaux.
- Solution 1 : ils peuvent utiliser la même machine pour permettre aux électeurs de voter successivement pour les deux scrutins. C’est ce qu’ont choisi de faire les villes de Mulhouse et Riedisheim.
L’interface, qui promet de participer d’une certaine confusion, voire d’une confusion certaine (notamment pour les personnes âgées), devrait donc ressembler à une sorte de placard comme celui-là :
- Solution 2 : les électeurs votent sur une machine pour un scrutin et à l’urne pour l’autre scrutin. Pour le cas où les machines venaient probablement à manquer, compte tenu la difficulté qu’il y a à remplacer des pièces électroniques obsolètes.
- Solution 3 : les électeurs votent sur deux machines. chacune étant affectée à un scrutin. Une situation improbable, étant donné le peu de disponibilités supplémentaires en matériels fonctionnels.
Hélas, il ne figure pas de solution 4, consistant à en finir tout simplement avec le principe de ces boites noires démocratiques, dont absolument personne ne peut contrôler la régularité effective du scrutin, et le contournement éventuel.
Cette gymnastique électorale est parait-il règlementaire. Quoi qu’il en soit, les électeurs ne sont pas invités à décider eux-mêmes des modalités de scrutin qui leur paraitra préférable, et surtout incontestable.
Et que l’on ne vienne pas soutenir qu’un piratage physique est impossible sur les machines utilisées à Mulhouse ou Riedisheim. On peut, au contraire, parfaitement réaliser une horreur démocratique en 60 secondes, preuve vidéo à l’appui :
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