Invi­té du média pro-pou­tine Sput­nik­news France, le Mit­ter­ran­do­lâtre et ancien maire de Mul­house, Jean-Marie Bockel, y a fait éta­lage, depuis son jar­din, de sa pro­fonde et intime connais­sance du flo­ren­tin de Jar­nac, à pro­pos duquel il per­çoit sans doute une sorte de décalque de son propre parcours.

C’est-à-dire un homme aux « sin­cé­ri­tés suc­ces­sives » !

En mai 1981, alors que les élec­teurs fran­çais choi­sis­saient de « chan­ger la vie », emprun­té rien moins qu’à Rim­baud, et titre du pro­gramme de gou­ver­ne­ment du can­di­dat Fran­çois Mit­ter­rand, les grands alliés occi­den­taux viraient sévè­re­ment à droite sur l’échiquier poli­tique international.

Les États-Unis venaient d’élire le Pré­sident Répu­bli­cain Ronald Rea­gan, l’élue conser­va­trice Mar­ga­ret That­cher pre­nait la tête du Royaume-Uni en tant que Pre­mier ministre. Tant à l’étranger que sur le ter­ri­toire, dans un contexte de guerre froide durable, c’est peu dire que le socia­liste Mit­ter­rand inquié­tait idéologiquement.

Mais Jean-Marie Bockel, qui était au moins aus­si de gauche que sabo­tier du dimanche, relate au cours de l’émission les tra­jec­toires de Fran­çois Mit­ter­rand, d’extraction bour­geoise, en s’y pro­je­tant lui-même.

Et pré­cise com­bien le flo­ren­tin avait évi­dem­ment une concep­tion à géo­mé­trie très variable, et flot­tante, du socia­lisme, comme des mil­lions de ses sou­tiens ont pu le décou­vrir, à leurs dépens.

Lorsque Mit­ter­rand et Rea­gan entraient en fonc­tion, le G7 d’Ottawa, au Cana­da, fut pour le Pré­sident fran­çais l’occasion de remettre à son homo­logue amé­ri­cain un dos­sier de ren­sei­gne­ment top secret, et de lui signi­fier ain­si vers qui allait son allégeance.

Il s’agissait de l’affaire « Fare­well » du nom d’un colo­nel du KGB, Vla­di­mir Vetrov, lequel avait remis aux ser­vices de ren­sei­gne­ment fran­çais des infor­ma­tions sur les acti­vi­tés de la direc­tion tech­nique du KGB.

Le dos­sier conte­nait nombre de docu­ments secrets ain­si que l’identité de nom­breux agents du ren­sei­gne­ment, occu­pant des postes diplo­ma­tiques à tra­vers le monde.

Bockel com­mente : « En ren­dant ce ser­vice à Rea­gan, le Pré­sident Mit­ter­rand fai­sait la démons­tra­tion du camp dans lequel il se situait. Mit­ter­rand a tou­jours été consi­dé­ré comme un atlan­tiste et on a pu le voir en 1982, avec la polé­mique sur les fusées Per­shing ins­tal­lées à la fron­tière alle­mande et sa décla­ra­tion qui sous-enten­dait qu’il fal­lait choi­sir son camp. Dans un contexte où il y avait quatre com­mu­nistes au sein du gou­ver­ne­ment fran­çais –qui inquié­taient beau­coup de chefs de gou­ver­ne­ment de l’époque–, ce geste a tout de suite posi­tion­né les choses et ça a été un moment impor­tant »

Alors que le monde était pola­ri­sé entre les 2 blocs, Jean-Marie Bockel explique que Fran­çois Mit­ter­rand a tou­jours sui­vi son propre dessein :

« Son style était tota­le­ment prag­ma­tique. Il n’était pas du tout idéo­lo­giste [sic !]. Quand on connaît son par­cours, on le voit bien. On sait qu’il vient de l’extrême droite d’avant-guerre, que pen­dant la guerre, il s’est éva­dé et a rejoint le régime de Vichy parce qu’il pen­sait que c’était là que ça se pas­sait et que c’était à l’intérieur de ce régime qu’il pou­vait faire bou­ger les choses. Ensuite, en 1943, il bas­cule dans la Résis­tance, il a sou­te­nu le Gene­ral De Gaulle. On voit donc bien là une démarche extrê­me­ment prag­ma­tique.»

En somme, Mit­ter­rand était là où se trou­vaient ses inté­rêts. Il pou­vait aus­si bien adhé­rer à la col­la­bo­ra­tion dans l’objectif de « faire bou­ger les choses », puis, « bas­cu­ler » dans la Résis­tance, sans doute parce que les choses y bou­geaient un peu trop dan­ge­reu­se­ment pour lui.

C’est le grand art du prag­ma­tisme que de savoir retour­ner ses guêtres à la vitesse d’un transformiste. 

Mit­ter­rand est deve­nu ministre de la 4ème Répu­blique, défen­dant notam­ment l’Algérie fran­çaise avant d’en reve­nir, comme lors de la Seconde guerre mondiale. 

La for­mule est piquante et va comme un gant à la per­sonne de Bockel : socia­liste de droite, cen­triste de gauche, pro-amé­ri­cain jusque dans les aven­tures les plus dou­teuses (Guerre du Golfe), blai­riste, libé­ral de centre-gauche, dis­ciple de Bay­rou, Secré­taire d’Etat sous Sar­ko­zy, puis se décen­trant tou­jours mieux vers la droite, il choi­si­ra un authen­tique pre­mier adjoint de droite pour Mul­house, un cer­tain Jean Rott­ner, pour lui suc­cé­der. Le tout sans retour­ner aux urnes.

Et les mul­hou­siens qui ont voté pour un maire de gauche ? Ils ferment leur boite à camem­bert, tant ils manquent de pragmatisme !

A force de girouet­ter dans tous les sens, vient un moment où il faut bien sûr ten­ter de se jus­ti­fier, et même l’avocat qu’il est aurait du mal à expli­quer ses épan­che­ments tou­jours plus droi­tier : « Ça fait dix ans que j’œuvre, que je milite sans grand suc­cès pour la moder­ni­sa­tion du PS, pour y prô­ner en tout cas des idées davan­tage sociales-libé­rales, blai­ristes, des idées qui peut-être nous auraient per­mis d’ailleurs de gagner la pré­si­den­tielle si on avait su davan­tage les défendre ».

A pro­pos de la You­go­sla­vie et de Fran­çois Mit­ter­rand, Jean-Marie Bockel déclare que : « Il y a eu un moment où il pou­vait avoir l’espérance que l’ensemble [You­go­slave] tienne. Je pense que Mit­ter­rand fait par­tie de cette géné­ra­tion d’hommes poli­tiques qui consi­dé­raient qu’il était tou­jours pré­fé­rable d’éviter le chaos. Mal­heu­reu­se­ment, cela n’a pas marché ».

Quel dom­mage ! Mer­ci tou­te­fois d’avoir ten­té l’impossible…

Pour­tant, le chaos, et l’impasse, c’est pré­ci­sé­ment la situa­tion dans laquelle se retrouve le per­son­nel poli­tique de ce pays, et avec lui, la popu­la­tion qui en est tributaire.

Après des années de lave­ments néo­li­bé­raux à la Reagan/Thatcher/Blair, qui ont tant ins­pi­ré leurs homo­logues conti­nen­taux, on peut craindre que le mou­ve­ment de bal­ka­ni­sa­tion socio-éco­no­mique et poli­tique en marche à l’échelle euro­péenne, ne soit plus empê­ché très long­temps, tant la popu­la­tion est les­si­vée aux mêmes déter­gents économiques.

Mais Bockel, ne doit sans doute pas se consi­dé­rer comme fai­sant « par­tie de cette géné­ra­tion d’hommes poli­tiques qui consi­dé­raient qu’il était tou­jours pré­fé­rable d’éviter le chaos ».

Une bonne guerre, de temps en temps, est-ce aus­si « pré­fé­rable » que « prag­ma­tique » ?

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