Tout d’abord, un rap­pel des faits actuel­le­ment établis :

Le Mul­house Olym­pic nata­tion (MON) « a été mis en exa­men pour des faits de ten­ta­tive d’escroquerie com­mis en 2016, et pla­cé sous le sta­tut de témoin assis­té en ce qui concerne des faits d’escroquerie remon­tant à 2014–2016 », a décla­ré à l’AFP la pro­cu­reure de la Répu­blique de Mul­house, Edwige Roux-Morizot.

Dans le cadre de la même infor­ma­tion judi­ciaire, Charles Laurent Hor­ter, fon­da­teur et pré­sident du club jusqu’en 2017, a été pla­cé sous le sta­tut de témoin assis­té pour les mêmes faits.

Pour­quoi ce sta­tut de « témoin assis­té », inter­mé­diaire entre celui de simple témoin et de mis en exa­men ? Mys­tères et bulles de chlore.

Tou­jours est-il que la pro­tes­ta­tion d’innocence de la famille Hor­ter sui­vra aussitôt :

« Le MON conteste l’existence d’une infrac­tion pénale, et met­tra tout en œuvre pour prou­ver sa bonne foi », a décla­ré Franck Hor­ter, le fils de Charles Laurent Hor­ter, par l’intermédiaire de son avo­cat, Me Pierre Schultz.

L’information judi­ciaire avait été ouverte en 2018 après la plainte, avec consti­tu­tion de par­tie civile, des parents d’une jeune fille entraî­née au MON de 2014 et 2016. La pre­mière plainte (simple) du couple avait fait l’objet d’un clas­se­ment sans suite en 2017.

Par ailleurs, après une confron­ta­tion avec les par­ties, la pro­cu­reure de la Répu­blique de Mul­house indique que « le juge d’instruction attend d’éventuelles demandes d’actes de la part des parties ».

Ce qui signi­fie que des élé­ments sus­cep­tibles de rami­fier davan­tage cette affaire et d’en faire sur­gir une quan­ti­té signi­fi­ca­tive d’éléments à charge (ou décharge) sont espé­rés du côté des investigateurs.

En outre, des lettres ano­nymes étaient adres­sées à la pro­cu­reure de la Répu­blique en 2019. Elles dénon­çaient l’opacité du fonc­tion­ne­ment du MON et moti­vèrent l’ouverture d’une enquête pré­li­mi­naire confiée à la cel­lule finan­cière de l’antenne mul­hou­sienne de la DIPJ de Strasbourg.

Franck Hor­ter, qui avait suc­cé­dé à son père Laurent à la pré­si­dence du club, y était accu­sé, avec toute sa famille, de « siphon­ner » les aides publiques, via un maillage de sociétés.

Il pou­vait notam­ment s’agir de socié­tés immo­bi­lières et com­mer­ciales refac­tu­rant des conseils à l’association MON, de détour­ne­ments de sub­ven­tions ou de conven­tions opaques contrac­tées avec Mul­house Alsace agglomération.

L’information judi­ciaire rela­tive à cet aspect de l’affaire MON a été ouverte en jan­vier 2020, et devrait être clô­tu­rée « d’ici la fin de l’année 2021 ». Elle est « tou­jours en cours, elle concerne d’autres faits, plus impor­tants, plus éten­dus », selon la Procureure.

« C’est une enquête éco­no­mique et finan­cière assez com­plexe, qui concerne les acti­vi­tés d’un point de vue géné­ral du MON. On n’est pas du tout à la fin de l’enquête », pré­cise-t-elle encore. 

Le signal est fort : il semble y avoir beau­coup de matière à bras­ser, et il n’est visi­ble­ment pas ques­tion de bâcler le tra­vail alors que les eaux pro­mettent d’être poissonneuses…

L’avancement des inves­ti­ga­tions est pla­cé sous la res­pon­sa­bi­li­té de la sec­tion finan­cière de la police judi­ciaire de Mul­house, sous la direc­tion du parquet.

Mais d’enquête éco­no­mique et finan­cière il n’est pas sim­ple­ment ques­tion pour la seule jus­tice. Les bailleurs de fonds publics, qui ont tou­jours consti­tué l’essentiel des actifs du club se sont mani­fes­tés, l’air mar­ri (sur­tout à M2A), mais sur­tout contraints par les pro­cé­dures en cours.

La région Grand Est avait déjà réagi quelques mois aupa­ra­vant en rédui­sant le mon­tant de ses sub­ven­tions, et en dili­gen­tant un audit auprès du cabi­net Deloitte, dont le rap­port est paru lui en 2020.

Ci-des­sus, un extrait du rap­port d’au­dit Deloitte pour le Grand Est

Chose émi­nem­ment remar­quable, l’ensemble du docu­ment fut rapi­de­ment ren­du public. Mais si l’on consi­dère le poten­tiel inté­rêt poli­tique d’un tel rap­port d’audit, sachant que la Région est diri­gée par Jean Rott­ner, vice-maire de Mul­house, qui dut ava­ler un tube d’antipyrétique en décou­vrant que Franck Hor­ter (pré­sident du MON) se pré­sen­tait sur la liste de son oppo­sante (et ancienne adjointe), Lara Mil­lion, lors des der­nières élec­tions muni­ci­pales à Mul­house, on com­pren­dra mieux les rai­sons de la célé­ri­té du Grand Est à publier le rapport !

Ce sont des choix à géo­mé­trie très variable, dont Rott­ner est cou­tu­mier. Ain­si, le même homme, éga­le­ment pré­sident du conseil de sur­veillance de grou­pe­ment hos­pi­ta­lier de Mul­house (GHRMSA), nous avait contraint à recou­rir à la com­mis­sion d’accès aux docu­ments admi­nis­tra­tif (CADA), à Paris, afin d’obtenir un droit d’accès aux pro­cès-ver­baux dudit conseil de sur­veillance, alors que la direc­tion de l’établissement de san­té refu­sait obs­ti­né­ment, et en toute illé­ga­li­té, de nous les remettre…

Quant aux élus de M2A, ils doivent se confron­ter à la situa­tion, en tant que col­lec­ti­vi­té qui consti­tue le pre­mier bailleur et contri­bu­teur au bud­get du Mul­house Olym­pic nata­tion, avec plus de 480 000 euros de moyenne ver­sés annuellement.

Interventions, embargo et commentaires sur un audit invisible 

L’état de dégra­da­tion des comptes de l’association MON est si mar­qué, les rumeurs de détour­ne­ment ou d’abus divers si pré­gnants, que l’agglomération n’a pas eu d’autre choix que de faire dili­gen­ter, elle aus­si, un rap­port d’audit.

Le cabi­net Ernst & Young a donc été choi­si pour l’effectuer, et a ren­du ses conclu­sions voi­ci quelques semaines. 

Et qu’ad­vint-il ?

Quelques infor­ma­tions spo­ra­diques ont fait jour ; Daniel Bux, délé­gué aux sports auprès de M2A a com­men­cé à les dis­til­ler auprès du double jour­nal unique alsa­cien, lequel s’est empres­sé de les relayer sans cher­cher à les étayer, comme de tradition.

Pour­tant, il y aurait de quoi s’extirper de la naph­ta­line jour­na­lis­tique, sachant que les conclu­sions de l’audit impac­te­ront pro­fon­dé­ment le fonc­tion­ne­ment de la structure.

Bux a fait savoir que l’objectif de l’audit était « d’établir un diag­nos­tic pré­cis sur le plan finan­cier, fis­cal et juri­dique concer­nant les deux struc­tures, MON asso­cia­tion et la SARL MON Club. Ce diag­nos­tic concerne l’utilisation des sub­ven­tions de la col­lec­ti­vi­té, le conte­nu des conven­tions qui ne sont plus en phase avec l’évolution du contexte légis­la­tif et les rela­tions entre les deux structures ».

Enfin, d’effectuer des « pré­co­ni­sa­tions pour faire évo­luer le modèle économique ».

Tra­duc­tion pré­vi­sible : la double struc­ture asso­cia­tive et com­mer­ciale est une aber­ra­tion désor­mais intenable.

Une nou­velle conven­tion lim­pide de trans­pa­rence est à l’étude, pro­mis juré, par laquelle la struc­ture com­mer­ciale dis­pa­rai­tra pure­ment et simplement.

Par­mi les pré­co­ni­sa­tions de l’audit figu­re­raient sur­tout une reprise en régie propre, par le ser­vice des sports de la collectivité.

C’est d’ailleurs la piste que pri­vi­lé­gie offi­ciel­le­ment Daniel Bux, mais à par­tir de 2022 : « Cela per­met­trait de main­te­nir notre objec­tif de nata­tion de haut niveau à Mul­house. L’établissement devien­drait un éta­blis­se­ment associatif. »

Certes. Mais n’est-ce pas pré­ci­sé­ment ce qu’il est déjà cen­sé être ?

Hélas, les citoyens, et à tra­vers eux leurs repré­sen­tants au conseil d’agglomération, sont pla­cés au pied du mur, et trai­tés en par­fait demeurés. 

Ain­si a‑t-on vu rebon­dir le sujet dès les pre­mières minutes, lors de la réunion du conseil d’agglomération du 31 mai 2021, à la faveur de l’élu d’opposition Joseph Simeo­ni (groupe « Mul­house cause com­mune »), qui s’est inter­ro­gé à ce pro­pos auprès de Fabian Jor­dan, pré­sident en exer­cice de l’agglomération mul­hou­sienne, comme on le voit ci-dessous :

Une fois n’est pas cou­tume, Jor­dan bafouille quelques lieux com­muns en guise de réponse, et ren­voie vers un pro­chain conseil où il sera tou­jours ques­tion d’en par­ler ; d’autant que Daniel Bux, délé­gué aux sports, est absent de l’assemblée plénière.

En somme, un élu aura ten­té d’évoquer une affaire poli­ti­que­ment acca­blante pour la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale, sans avoir accès aux élé­ments docu­men­taires four­nis par le rap­port d’audit.

C’est qu’il n’est en effet pas venu à Fabian Jor­dan l’idée démo­cra­ti­que­ment lumi­neuse de dif­fu­ser préa­la­ble­ment le rap­port, à tout le moins aux élus, alors qu’il est dis­po­nible depuis quelques semaines. La qua­si-tota­li­té des élus, dont peut-être d’abord ceux de l’opposition, n’en dis­po­sant pas.

De manière ana­logue, M2A refuse de nous le remettre, alors qu’il s’agit sans aucun doute d’un docu­ment public, d’intérêt public, que tout citoyen habi­tant l’ère de l’agglomération mul­hou­sienne devrait pou­voir consul­ter librement.

Ceci explique sans doute l’omerta dans laquelle on tient les élus : leur dif­fu­ser le rap­port d’audit, c’est s’assurer que la presse le rece­vra aus­si­tôt. D’où une ques­tion : com­bien de temps l’exécutif de M2A met­tra-t-il de temps à com­prendre qu’il ne pour­ra en aucun cas le sous­traire durablement ?

A moins qu’il ne s’a­gisse de ména­ger encore les membres de la famille Horter ? 

On sait par ailleurs que quelques per­sonnes, par­mi les familles plai­gnantes, en dis­posent éga­le­ment, mais elles ont choi­si de res­pec­ter un embar­go, à la faveur d’un ou plu­sieurs médias nationaux. 

Nous pen­sons qu’elles ont tort, car notre éche­lon est le mieux dimen­sion­né pour être le plus réac­tif, et notre indé­pen­dance édi­to­riale est la garan­tie que rien ne sau­rait être dis­si­mu­lé à l’opinion publique.

Quant au ser­vice com­mu­ni­ca­tion de M2A que nous avons inter­pel­lé par deux fois, il nous a dit réflé­chir à sa dif­fu­sion, mais a « sol­li­ci­té [son] ser­vice juri­dique pour [s]assu­rer que ce docu­ment pou­vait être dif­fu­sé en l’état ».

Avec un peu de chance, une ver­sion caviar­dée nous serait remise ?

En espé­rant le pro­chain qui­tus juri­dique de la part de M2A, nous dépo­sons plainte auprès de la com­mis­sion d’accès aux docu­ment admi­nis­tra­tifs (CADA), à Paris, ain­si que nous l’avions fait en vue d’obtenir copie des pro­cès-ver­baux du conseil de sur­veillance du grou­pe­ment hos­pi­ta­lier de Mul­house (GHRMSA), il y a quelques mois.

MAJ du 07 juin : la trans­mis­sion du rap­port nous est refu­sée, au motif qu’il ne s’a­git que d’un docu­ment préparatoire…

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