Dans l’en­semble du spectre poli­tique, y com­pris à gauche, les consi­dé­ra­tions fiel­leuses, voire les haines, quant au sup­po­sé popu­lisme dif­fu­sé par le mou­ve­ment des gilets jaunes, ont main­te­nant de quoi redou­bler de force. 

Les voi­ci en effet qui res­sur­gissent à la faveur de la qua­tor­zième mani­fes­ta­tion contre le passe sani­taire et l’obligation vac­ci­nale des soi­gnants, à Mul­house tout du moins. Un ras­sem­ble­ment qui réunis­sait jus­qu’à 2000 per­sonnes. Idem à Stras­bourg, et plus de 500 à Colmar. 

Il est vrai que le contexte social, par­ti­cu­liè­re­ment ten­du, s’y prête. Prix des car­bu­rants et de l’éner­gie domes­tique au plus haut, réforme du chô­mage scan­da­leuse et inique, fis­ca­li­té tou­jours aus­si favo­rable aux grandes richesses… Ajou­tons à cela, pour ce qui relève de la dimen­sion sani­taire, plus de 15 000 soi­gnants sus­pen­dus (sans comp­ter ceux qui sont en arrêt mala­die), et la fin du rem­bour­se­ment des tests PCR aux seuls non-vaccinés… 

Les motifs de mobi­li­sa­tion sociale ne manquent donc pas. C’est bien pour­quoi la mani­fes­ta­tion mul­hou­sienne semble chan­ger pro­gres­si­ve­ment de nature. Elle se char­pente poli­ti­que­ment, et se renou­velle au fil des semaines.

Les obli­ga­tions vac­ci­nales se tra­duisent par des exclu­sions sociales et éco­no­miques. Le droit de vivre de son métier, dont l’exer­cice et le salaire vous est reti­ré par voie de décret, suc­cède au droit ne pas se vac­ci­ner. Le droit au ser­vice public et à son huma­ni­sa­tion, alors que l’illec­tro­nisme menace une frange impor­tante de la socié­té, et que la déma­té­ria­li­sa­tion des ser­vices publics s’élargit tou­jours davantage… 

Ces élé­ments com­plètent désor­mais les motifs et slo­gans liés au libre consen­te­ment au vac­cin, aux effets du passe sani­taire, ou aux demandes de réou­ver­ture de lits d’hôpitaux.

Les mani­fes­tants se sont notam­ment ras­sem­blés devant la Porte jeune, où quelques blouses blanches en masques neutres dan­saient sur Lose your­self, un titre du rap­peur amé­ri­cain Emi­nem.

On appre­nait par ailleurs cette semaine par voie de presse, l’exas­pé­ra­tion hou­leuse de quelques-uns par­mi les com­mer­çants, au sujet des mani­fes­tants du same­di sur la place publique mul­hou­sienne, depuis le mois de juillet. 

Le mana­ger du com­merce et divers bou­ti­quiers y évoquent un « car­na­val », empê­chant les consom­ma­teurs dis­ci­pli­nés de pra­ti­quer la trans­hu­mance consu­mé­riste des fins de semaine, et accusent à mots peu cou­verts les mani­fes­tants d’empoisonner leur congé­nères en ne por­tant pas de masque. 

« Ce n’est plus sup­por­table ». « Les cor­tèges anti-passe sani­taire, qui inves­tissent la ville chaque same­di après-midi depuis le 17 juillet, vident les com­merces », s’in­quiète Fré­dé­ric Mar­quet, le top mana­ger du com­merce local. 

Un peu comme dans le roman « Le ventre de Paris », où Zola dépei­gnait cru­ment l’ab­sence totale d’empathie et de com­pas­sion pour les plus faibles, de la part de la majo­ri­té des com­mer­çants d’un Empire, au cours duquel tout repo­sait sur l’ac­cu­mu­la­tion et l’a­vi­di­té, le panel de des­pe­ra­dos de la caisse enre­gis­treuse mul­hou­siens frôle quel­que­fois l’é­ther du risible autocentré.

N’y a‑t-il aucune valeur qui vaille de lut­ter, hor­mis l’accroissement d’un chiffre d’af­faires ? Une socié­té frac­tion­né, dis­cri­mi­nante et inéga­li­taire parait-elle ain­si éco­no­mi­que­ment profitable ? 

Appa­rem­ment oui, du moins pour l’un d’eux. Tout prêt à sacri­fier sang et eau dans l’es­poir de maxi­mi­ser ses ventes de sweat shirts chi­nois : « S’il faut qu’on fasse un bar­rage humain de com­mer­çants, on le fera… ». Les gilets jaunes, qui se mobi­lisent à nou­veau, au plus grand sup­plice de nos débi­tants, se déci­de­ront-ils à rele­ver le défi ? Vive­ment same­di prochain !

Cela dit, il se mur­mure, d’a­près une source com­mer­çante, que le sieur Mar­quet serait à lui seul l’ai­guillon de l’exas­pé­ra­tion commerçante…

Comme un pied de nez aux mar­chands du centre-ville, les mani­fes­tants se réunis­saient enfin au pied du par­vis du Temple Saint-Étienne, cœur du centre-ville, pour quelques décla­ra­tions supplémentaires. 

Ci-des­sous la gale­rie pho­to­gra­phique de Mar­tin Wilhelm 

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