La date initiale de levée du passe sanitaire avait été fixée au 15 novembre. La prolongation de l’état d’urgence et du passe sanitaire, votée jusqu’au 31 juillet 2022, par 118 voix contre 89, soit 370 députés absents, et rejetée par le Sénat, rend la situation des plus de 15 000 soignants suspendus absolument inextricable.
Deux situations, à la fois juridique et administrative vont en effet les obliger à prendre des décisions difficiles dans les prochains temps.
D’abord la perspective d’une résolution judiciaire de leur suspension, mise en branle par l’avocat mulhousien André Chamy (nous en parlions ici), s’annonce déjà nettement compromise par la décision du Tribunal judiciaire de Colmar, et qui était hélas à prévoir.
L’ordonnance du juge des référés publiée aujourd’hui, et relative au recours collectif de plus de 80 personnes (soignants, agents hospitaliers et pompiers) contre l’obligation vaccinale dans l’exercice de leur profession, conclut à l’incompétence du tribunal, et renvoie vers la justice administrative, dont on sait qu’elle ne transigera pas plus que ne l’a fait le Conseil d’État jusqu’à présent.
L’avocat André Chamy avait plaidé « la voie de fait commise par l’État qui, via l’obligation vaccinale, empêche les soignants de travailler ». Choqué par la décision, il fera appel et espère être entendu par une juridiction supérieure. Il déclare notamment que : « L’être humain est aujourd’hui privé de son consentement, c’est-à-dire ce qui fait de lui un humain ».
D’autres procédures du même acabit sont en cours, dont une à Mulhouse.
Sur les conséquences économiques et humaines de cette suspension, notre confrère Rue89Strasbourg a publié un bon article, à découvrir ici.
Par ailleurs, se pose la question d’un minimum vital dont pourraient bénéficier les personnels suspendus, qui par nature ne peuvent en aucun cas percevoir une allocation chômage, non pas tant parce qu’ils sont suspendus, que tout d’abord parce qu’un fonctionnaire ne cotise pas à la caisse chômage des salariés du privé, l’UNEDIC.
Dans son infini munificence, et son hypocrisie sans pareille, le gouvernement a toutefois condescendu que les personnels suspendus, toujours salariés de l’État, devaient pouvoir toucher le RSA, allocation minimale financé par la solidarité nationale.
Un RSA pour soignants rejeté…
Tel n’est toutefois pas l’avis d’une quinzaine de présidents socialistes de conseils départementaux, lesquels sont chargés de son versement, via les caisses d’allocation familiale (CAF). Ils se sont donc fendus d’une lettre au Premier ministre Jean Castex.
Les élus y expriment leur « désaccord sur cette décision » qui transforme le RSA, « dispositif de solidarité destiné aux personnes dans l’impossibilité d’avoir des revenus d’activité, en allocation-chômage ou en exutoire de la politique sanitaire nationale ».
Auprès de nos confrères de Sud-Ouest, Xavier Fortinon, président du Conseil départemental des Landes déclare que : « L’État prend une décision qui doit être assumée par d’autres (…). C’est incohérent et injuste ».
Ne voyez évidemment nulle mesquinerie comptable dans de telles considérations. Fabien Bazin, le président du Conseil départemental de la Nièvre, l’annonce sur Europe1, le poing social-démocrate le long du coeur : « Ce n’est pas une question d’argent, mais de principe ». Et l’on sait combien les socialistes sont hommes à principes, dextro-giratoires de préférence.
Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de la Gironde s’inquiète quant à lui d’une question d’égalité de première importance : « Un cadre non vacciné et jusqu’ici bien payé touchera le RSA comme une personne en difficulté. Il y a une rupture d’égalité républicaine ». Ventrebleu !
Il est vrai que quand elle dessert les mieux lotis, la rupture d’égalité est volontiers dénoncée par les élus socialistes. Quand il s’agira, à l’inverse, d’extraire les plus modestes des trappes à pauvreté et/ou des temps partiels forcés, dont ils sont faits prisonniers, la rupture d’égalité n’est alors plus qu’un sujet subalterne.
Interviewée sur une chaine d’information continue, Aurore Bergé, députée des Yvelines, et présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée nationale, a indiqué comprendre leur position :
« Oui, la question portée par certains présidents de conseils départementaux est légitime. A partir du moment où on fait le choix de refuser de se faire vacciner alors même qu’on travaille dans un milieu à risque et qu’on peut potentiellement contaminer, on se retranche d’une règle. Je peux comprendre les réticences ».
Il est dès lors intéressant de constater que Bergé invoque le choix des soignants, fondé sur la fable que le vaccin permettrait d’entraver la diffusion du virus à l’hôpital, alors que le récent exemple du CHU de Bordeaux prouve le contraire, quand les présidents des conseils départementaux s’inquiètent surtout des dotations d’État aux départements, relatives au RSA, lesquelles couvrent rarement la trajectoire et l’amplitude des dépenses sociales engagées par les collectivités.
C’est tout l’enjeu de la recentralisation du RSA (votée en juillet 2021 par le Sénat), réclamée notamment par le département de la Seine-Saint-Denis, actuellement en grande difficulté pour financer ce dispositif, tout en gardant la compétence de l’insertion qui lui est liée.
Afin de secourir matériellement les soignants, les présidents de conseils départementaux invoquent la solidarité nationale, et la mise en place d’une « allocation chômage temporaire ». Une solution « plus juste », selon Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de la Gironde. Au Parisien, Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis, indique que cela permettrait aux personnes concernées de percevoir « environ 70 % du dernier salaire ».
Et la Collectivité européenne d’Alsace, qu’en pense-t-elle ?
Elle s’en tient à une déclaration de principe, à la question posée par notre confrère de Rue89Strasbourg :
« Le RSA n’est pas une allocation versée sans contrepartie. Il s’agit d’une allocation différentielle, faisant l’objet d’un accompagnement du bénéficiaire, formalisé par la signature d’un contrat d’engagement réciproque avec la collectivité. Les Départements étant totalement souverains pour apprécier les situations individuelles, nous allons apprécier ces situations au cas par cas. »
…et juridiquement improbable à mettre en oeuvre
Le gouvernement, quant à lui, s’en lave les mains à la solution hydroalcoolique et botte en touche. Il ne veut surtout pas s’embarrasser d’une nouvelle règlementation de circonstance, qui ne ferait qu’illustrer davantage son irresponsabilité économique et sociale en la matière.
Il se contente donc de rappeler que toute personne sans ressource peut avoir droit à la solidarité nationale, et que ce ne sont pas les conseils départementaux qui choisissent à qui s’applique le RSA…
Certes, mais que dit précisément l’état du droit, à ce sujet ?
Pour ce faire, ouvrons le Code de l’action sociale et des familles, à l’article L.262–4, ce que beaucoup n’ont pas pris la peine de faire avant de s’exprimer.
On peut y lire que « Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes » :
1° Être âgé de plus de vingt-cinq ans ou assumer la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître ;
2° Être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable :
a) Aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d’un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents ;
b) Aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l’article L. 262–9, qui doivent remplir les conditions de régularité du séjour mentionnées à l’article L. 512–2 du code de la sécurité sociale ;
3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l’article L. 124–1 du code de l’éducation. Cette condition n’est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l’article L. 262–9 du présent code ;
4° Ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité. Cette condition n’est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l’article L. 262–9.
Le point 4 permet ainsi de relativiser immédiatement les flots de commentaires et de considérations éparses sur la nécessité de verser ou non le RSA au personnel soignant suspendu. Il rend surtout absurde le débat dont nous avons rendu compte précédemment, entre les responsables des exécutifs départementaux, et les représentants de l’État.
Comme si aucun parmi eux n’avaient pris la peine d’ouvrir un Code de l’action sociale, alors même qu’ils en sont les garants et débiteurs !
En clair, en l’état du droit actuel, les tribunaux devant lesquels des personnes ou collectifs iraient solliciter le bénéfice du RSA (alors que les conseils départementaux s’y refusent), vont sans doute assimiler leur situation professionnelle à celle évoquée au point 4 de l’article L.262–4 du Code de l’action sociale : à savoir qu’ils sont, de fait, en congé sans solde, puisque suspendus sans être licenciés !
D’où l’impossibilité légale de percevoir le RSA…
Et la nécessité d’une législation de circonstance, pour sortir de la nasse administrative, dont la majorité ne voudra pas. A moins qu’elle ne consente une modification du droit en vigueur, ou ne se résolve, moyennant un éclair de lucidité inespéré, comme l’a fait récemment le Premier ministre Québecois, à autoriser le retour au travail de ces personnels dont on a tant besoin…
attendez voir vous avez du personnel soignant qui refuse de se faire vacciner et bien ils ont montré à tout le monde qu’ils ont pas les compétences d’exercer leur métier et puis il faudrait encore les indemniser ces gens-là !!!! refuser les vaccins quand on est dans le milieu médical c’est comme ne pas vouloir se laver les mains ne pas vouloir se désinfecter avant de faire des soins c’est être tout simplement incompétent un moment il faut que ces gens assume. c’est eux qui se sont mis dans cette situation et ce n’est pas à la société je l’ai prendre en charge