Nous accueillons aujourd’hui une tribune rédigée par nos amis de Thur Ecologie Transports.
Il était une fois une charmante vallée desservie dès 1841 par de bruyantes machines crachant feu et fumées de Mulhouse à Thann… Et progressivement jusqu’à Wesserling, puis Kruth.
Au tournant des années 1950, ces rutilantes et brinquebalantes machines sont remplacées par des autorails rouges et jaunes, les fameux X 4300. Une fois arrivés à pleine vitesse, ils devaient freiner, histoire de ne pas rater l’arrêt suivant… Ils finiront par rendre l’âme, avec des boîtes de vitesse crachant leurs engrenages et un embrayage patinant à chaque départ.
Gros succès, en 1980, avec la mise en place de l’arrêt Thann-Nord dont le mérite revient à l’action de Association pour le Développement Ferroviaire dans Ia Vallée de la Thur.
Dans les années 90, arrivent les célèbres X 73500, surnommés aussi »les petites baleines ». Grâce à un remarquable confort, des temps de parcours améliorés (51 min entre Kruth et Mulhouse) et une augmentation conséquente du nombre de circulations, des usagers de plus en plus nombreux sont conquis. Le succès est au rendez-vous et la pérennité de la ligne ainsi assurée.
Mais un jour, sans que personne ne lui demande rien, un personnage au bagout impressionnant, bardé de titres civils et militaires, se pique d’offrir à la ligne et aux péquenots de la vallée, le premier Tram-Train de France. Ce personnage serait capable de vendre du sable à des bédouins du désert… C’est dire son entregent !
Nous allions voir ce que nous allions voir… La ligne Kruth-Mulhouse serait desservie de bout en bout, de 5h à 23h, tous les ¼ d’h et ce nouveau joujou allait relier les paysans à la ville encore plus vite que le TER, tout en desservant le centre de l’immense métropole.
Sitôt dit, la machine technocratique se met en branle pour pondre la 8ième merveille du monde. Entouré de ses courtisans habituels, notre bateleur subjugue la majorité de l’intelligentsia locale et quelques rois (roitelets) et reines locales qui se laissent séduire par le beau parleur qui n’y connaît que dalle à notre ligne. Mais qu’importe ! Pourvu qu’on ait l’ivresse…
Sans le sou, il va alors quémander à l’un de ses adversaires qui détient les cordons de la bourse, quelque budget pour financer son projet. A titre d’échange de bon procédé, il lui promet un beau lot dont lui-même jouit depuis des années.
Appel est alors fait à la crème des plus beaux corps de métiers de France : polytechniciens, énarques, ingénieurs du prestigieux corps des mines, etc., experts en éclairage de galeries, et qui promettent la lumière sur la ligne même en plein jour.
Presque seule, une association de pieds nickelés, soutenue par de rares élus et animée par un président à la vue basse, ose émettre des réserves, des doutes et même plus.
Mais voilà, le sort en était jeté….
Dès 2010, le nombre de circulations doublerait entre Mulhouse et Thann, augmenterait de 60 % entre Thann et Kruth : des milliers de clients venus de Mulhouse, qui manquent cruellement de commerces, allaient s’abattre comme une nuée de sauterelles sur les commerces, restaurants et bistrots thannois.
Un arrêt serait même prévu spécialement en centre-ville ; les automobilistes abandonneraient alors leurs chères voitures.
Devant un tel afflux, le SITRAM se verrait dans l’obligation de doubler les rames du « Drame-Train » à certaines heures. La rentabilité financière serait enviée par toutes les lignes de France et de Navarre. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
11 ans plus tard, le constat est amer. La bande de pieds nickelés avait plutôt vu juste !
La fréquentation est en berne et n’a JAMAIS atteint le niveau prévu !
AUCUN automobiliste n’a été séduit par le confort rudimentaire du « Drame-train » qui ressemble plutôt à celui des banquettes en bois du siècle dernier !
Preuve de l’inconfort et du peu d’intérêt du matériel Avento, le conseil d’administration Île-de-France Mobilité vient de mettre au rebut ces tram-trains acquis en 2006 pour équiper la ligne Aulnay-Bondy (Rail Passion n°278, Déc. 2021). Seuls les »ploucs » de Thann-Mulhouse continueront à utiliser ces »brouettes » inconfortables au possible…
SEUL RÉSULTAT INCONTESTABLE, UN MÉCONTENTEMENT PRESQUE UNANIME, AUSSI BIEN DES AUTOMOBILISTES QUE DES USAGERS D’UN TRAIN CLASSIQUE !
Pire, les usagers de la vallée désertent petit à petit la ligne, écœurés par la rupture de charge à Thann, les incidents à répétition, les pannes, les retards, voire les suppressions de trains.
Pour couronner le tout, une grille tarifaire qui laisse à désirer, des distributeurs de billets récalcitrants, et des conditions de transport souvent indignes (1 seule rame, là où il en faudrait 2, sinon 3 en heures de pointe) ont eu raison des usagers. Avec en corollaire, des circulations de 2, voire 3 rames en heures creuses, qui renforcent l’image de »train sans usagers »…
Et comme si cela ne suffisait pas, les usagers et surtout les rares occasionnels, tombent sur des contrôleurs tatillons leur cherchant des poux sur la tête, avec souvent des amendes salées à la clé, dissuadant davantage encore les citoyens les plus téméraires de prendre le train. Chaque usager serait-il considéré comme un fraudeur potentiel ?
Ne parlons pas du bilan financier qui doit tout simplement être désastreux ! A quand le retour d’un vrai service public digne de son passé ?
Alors comment réagir face aux autorités ferroviaires qui ne font rien pour redévelopper le transport collectif ?
Une lueur d’espoir quand même avec l’annonce par la Région Grand Est d’une enveloppe estimée par la SNCF à 29 millions d’euros (DNA du 04/02/2022) pour la régénération de la ligne entre 2020–2028.
Et qui sait ? Verrons-nous bientôt notre ligne desservie par des Régiolis hybride ? Et rêvons un peu, à hydrogène (DNA du 18/02/2022) ?
Nous ferons des propositions dans un proche avenir…