Une partie de notre équipe se trouvait au Parlement européen cette semaine pour assister à une journée de la session plénière de juillet.
Mercredi 6 juillet, les députés européens approuvaient donc la proposition de la Commission européenne d’inclure le gaz et le nucléaire dans la « taxonomie verte ».
La taxonomie européenne désigne la classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement. Son objectif avoué est d’orienter les investissements privés vers les activités « vertes », c’est à dire non ou moins émettrices de CO2.
Manifestations de militants écologistes (Extinction Rébellion, Greenpeace, Sortir du nucléaire), contre un rassemblement formé par des lobbyistes du nucléaire, dont le porte-parolat allait à Myrto Tripathi, fondatrice de l’association Les Voix du nucléaire, et accessoirement ancienne responsable en charge de la vente du réacteur nucléaire EPR de troisième génération à l’export… après une dizaine d’année chez AREVA dans des fonctions stratégiques et commerciales.
Des organisations non gouvernementales et écologistes organisaient une chaine humaine autour du Parlement. Quand nous sommes arrivés sur place, les pros et anti étaient séparées par une modeste route qui mène aux bâtiments parlementaires, cernée de plusieurs dizaines de cars de CRS…
Les deux camps prétendaient lutter contre le réchauffement climatique. Les pros nucléaire s’appuyant d’abord sur la dimension bling-bling, et les nombreuses personnalités publiques (stars de cinéma, entrepreneurs à succès, leader spirituels…) pour faire avancer « la cause ».
Les anti avaient choisi la dimension festive et internationale de la lutte. On y comptait des italiens, des allemands, français et polonais, lancés dans quelques danses frénétiques.
Généalogie d’une idée pas vraiment rayonnante
Initialement instaurée en 2020, une nouvelle classification a été proposée par la Commission européenne le 31 décembre 2021. Celle-ci intègre les énergies du gaz et du nucléaire, qui ont, selon la Commission, « un rôle à jouer pour faciliter le passage aux énergies renouvelables » et à la neutralité climatique.
Le débat entre parlementaires, formel, polarisé, et d’un niveau assez médiocre a eu lieu le mardi 5 juillet au sein de hémicycle.
Pour le député européen Europe-Écologie les Verts, Claude Gruffat : « Ce vote est une défaite majeure pour le Parlement européen, pour l’écologie et le climat. Nous nous faisons voler la transition énergétique par les lobbies industriels ».
Tandis que pour le député européen Renew (LREM et satellites) Christophe Grudler, le nucléaire est une énergie « décarbonée », comme toutes les autres énergies renouvelables, comme chacun sait.
En l’espèce, à Strasbourg, les députés européens étaient appelés à se prononcer sur une proposition parlementaire émanant de la gauche et des écologistes, visant à rejeter l’inclusion des activités nucléaires et gazières de la liste des activités durables sur le plan environnemental.
Cette proposition de résolution, rédigée dans un style juridique remarquablement amphigourique et abscons, pour qui n’en possède pas les clés de compréhension institutionnelles et les éléments de contexte. Voyez plutôt ci-dessous :
PROPOSITION-DE-RESOLUTION278 députés ont voté en faveur de la résolution, 328 contre et 33 se sont abstenus. « Une majorité absolue de 353 voix était nécessaire pour rejeter la proposition de la Commission ». Si ni le Parlement ni le Conseil ne s’oppose à la proposition d’ici le 11 juillet 2022, l’acte délégué sur la taxonomie entrera en vigueur et s’appliquera à partir du 1er janvier 2023.
L’argumentation de la Commission (à l’initiative donc de cette inclusion) est la suivante :
« La Commission estimant que les investissements privés dans les activités gazières et nucléaires ont un rôle à jouer dans la transition écologique, elle a proposé d’ajouter certains gaz fossiles ainsi que l’énergie nucléaire à la liste des activités transitoires qui contribuent à atténuer le changement climatique. L’inclusion de ces activités sera limitée dans le temps et dépendra de conditions spécifiques et d’exigences de transparence ».
La Commission européenne intègre le gaz et le nucléaire dans cette taxonomie au mois de février, sous certaines conditions, en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Par ailleurs, les nouveaux projets de centrales nucléaires seront éligibles à ces financements verts la jusqu’en 2045 et la prorogation par mise à niveau des installations nucléaires existantes seront éligibles jusqu’en 2040…
Les français ont été pilotes dans l’inclusion du nucléaire. L’Allemagne a quant à elle largement plaidé pour l’intégration du gaz dans la taxonomie.
« La Commission estimant que les investissements privés dans les activités gazières et nucléaires ont un rôle à jouer dans la transition écologique », à condition que le volume de diffusion du CO2 soit limité…
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une démonstration politique assez édifiante de ce que les logiques et intérêts nationaux prévalent toujours et encore sur une quelconque unité paneuropéenne.
Le Parlement ou le Conseil ne s’opposant pas à la proposition d’ici le 11 juillet 2022, l’acte délégué sur la taxonomie entrera en vigueur et s’appliquera à compter du 1er janvier 2023.
Kafka, maitre du donjon européen
Qu’il est difficile de faire son métier lorsqu’on a le malheur de se présenter au contrôle d’accès avec une carte d’identité échue (de moins de 5 ans donc toujours valable en France). L’un de nous a le malheur de renouveler sa carte et utilisait donc un passeport (échu depuis 1 an). Après une avoinée de la part du vigile belge, on nous demande d’attendre et de laisser passer nos confrères.
Après quelques palabres avec le service d’accréditation, on nous autorise à rentrer, à charge pour le titulaire du passeport d’aller chercher son permis de conduire dans sa voiture… et d’aller passer à nouveau les contrôles du côté de l’entrée Weiss, entrée principale.
Après 3 heures sur le lieux, où nous assitons au rejet de la résolution dans l’hémicycle, nous décidons de partir.
Malheur à nous : nous souhaitions rejoindre le côté opposé à l’entrée principale, où se trouve notre véhicule.
Nous errons entre couloirs, coursives, questions à des agents, escaliers infinis, puis on nous indique : la sortie est en bas à gauche. Persuadés d’être enfin libérés, nous n’avons plus qu’à franchir un tourniquet après avoir toutefois scanné nos accréditations.
C’était sans compter une nouvelle fois sur la vigilance kafkaïenne de nos amis agents de sécurité.
Nous nous retrouvons ce faisant sur le trottoir à l’extérieur du bâtiment, et là une femme en livrée de maitre d’hôtel nous alpague :
- Vous ne pouvez pas sortir ici !
- Mais nous sommes déjà dehors !
- C’est le règlement. Veuillez rentrer à nouveau et sortir de l’autre côté…
Nous avons refusé de rentrer pour avoir le droit de sortir : Kafka n’est pas toujours maitre de son domaine…
La galerie photographique et toutes les photos sont signées de Martin Wilhelm.
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