Le slogan des magasins Carrefour « Les prix bas, la confiance en plus » est à mettre aux oubliettes ! Non seulement la formule « Prix bas » n’est qu’un leurre pour tromper le chaland, mais les salariés du Carrefour Ile-Napoléon, en grève en ce mercredi 13 juillet, n’ont plus confiance en leur direction. Mais quelle direction au fait ?

Ils étaient près d’une vingtaine de salariés, arborant chasubles siglés FO, CGT, à distribuer des tracts aux clients qui venaient faire leurs courses : ne voulant pas perturber le fonctionnement de l’entreprise, les grévistes se contentaient de distribuer un tract devant l’entrée, puis un peu plus tard, dans les locaux où se situe également la galerie marchande.

Le flyer déclinait en quelques phrases les revendications du personnel soutenant majoritairement le mouvement : « Préserver les conditions de travail, conserver les acquis, un temps de pause réel, le respect de la vie de famille, contre la polyvalence, les contrats CDD à la semaine, les changement d’horaires intempestifs…

LE MODÈLE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE CARREFOUR

Dans la recherche effrénée de profits, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, qui avait déjà sévi en son temps à la FNAC (on connaît les résultats de sa gestion ultralibérale !), Carrefour a trouvé le filon : mettre ses magasins en location-gérance et trouver des « managers » pour maximaliser les résultats. Comme cela ne se fait pas sans casse sociale, Carrefour pense s’en sortir les mains propres en faisant faire le sale boulot par les nouveaux gérants.

C’est un certain M. El Banouri qui s’y colle à l’Ile-Napoléon. Pour satisfaire les actionnaires du groupe et sûrement sa propre bourse, ce dernier a trouvé le moyen : pour gagner plus d’argent, c’est sur le social qu’il faut économiser. Première étape : ne plus appliquer les accords sociaux obtenus de haute lutte par les salariés de ce qui était en son temps le deuxième mondial de la distribution.

Fini la semaine de congé supplémentaire, les mercredis accordés au personnel pour s’occuper des enfants, précarité à tous étages avec une polyvalence prenant des allures d’absurdité…

M. El Banouri n’est pas issu des écoles de commerce, mais soutient qu’ “il aime” [le commerce]. Apparemment cet amour ne va pas jusqu’aux salariés qui lui font vertement savoir. Qu’il veuille appliquer la politique de rentabilité à court terme c’est peut-être son affaire, mais les salariés ne voient pas l’avenir uniquement à court terme.

Ce magasin aurait besoin d’investissements, de rénovation, d’une nouvelle vision d’avenir. Nous n’en sommes plus à l’époque où l’hyper était devenu le but de l’excursion familiale à la périphérie des villes, avec d’immense parking pour garer le maximum de bagnoles…

Les « consommateurs » cherchent autre chose que le système Carrefour ne peut pas leur offrir. A défaut d’avoir imaginer la consommation du futur, Carrefour dégringole dans la hiérarchie des grandes multinationales du secteur et cherche à parer au plus urgent.

UNE UBERISATION DE LA DISTRIBUTION

Cette évolution de la consommation change tout : les aspirations des clients à consommer local est en contradiction avec le système Carrefour qui est basé sur la pression sur les producteurs pour obtenir les prix les plus bas… ce qui conduit à une industrie agro-alimentaire que nous connaissons, méprisant les impacts climatiques et poussant à une productivité à outrance.

Avec un effet désastreux sur la qualité des produits et une détérioration sanitaire considérable.

A défaut d’avoir anticipé cette évolution, M. Bompard préconise une « ubérisation » de la distribution : précariser le social pour maximaliser les profits.

Il s’agit donc de mettre ses magasins en location-gérance dans lesquels le gérant doit imposer des gains de productivité à tout prix… ou n’importe quel prix !

Lié par un contrat (assez opaque car le contenu n’est pas diffusé), Carrefour continue d’alimenter ces magasins qui ne lui appartiennent plus (tout en arborant l’enseigne !) par sa centrale d’achat qui bien évidemment fixe unilatéralement les prix des produits mis à disposition.

Et reçoit, en outre, un loyer pour sa location gérance. Un projet gagnant-perdant à terme !

Car que reste-t-il comme marge de manœuvre au « gérant » ? Celui de faire des économies et c’est, comme toujours, le « social » qui en fera les frais.

Les salariés ne sont pas dupes ; les clients d’ailleurs non plus. Nous avons interrogé plusieurs d’entre eux et tous ont appuyé l’action des salariés et soutenant leur revendication de ne pas perdre des conquêtes sociales… bien modestes par rapport aux dividendes touchés par les actionnaires… qui n’ont pas levé leur petit doigt pour la bonne marche de l’entreprise… L’économie de marché dans toute sa splendeur…

IL Y A SALARIE ET SALARIES !

La rémunération d’Alexandre Bompard, le PDG, s’élève à 3,5 millions d’euros par an, auxquels il faut ajouter les actions « offertes » et autres menus avantages. Plus des bonus… Près de 8 millions en 2022 !

Mais pour les autres employés, leurs salaires sont pratiquement gelés. Ils reculent, même, au regard de l’inflation. Lors des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) de 2021, après une année de pandémie très éprouvante pour les salariés du groupe, la direction leur a d’abord proposé une augmentation de salaire de 0,3 %, soit moins de 10 centimes de l’heure, avant de leur concéder royalement 0,5 %. Or 80 % des caissières et des caissiers sont à temps partiel, et gagnent aux alentours de 800 euros par mois.

Les actionnaires, eux, sont à la fête : l’action Carrefour a bondit de 3,96% à la Bourse de Paris. Le groupe a annoncé avoir dégagé en 2021 un bénéfice net en forte hausse – de 67% – à 1,07 milliard d’euros.

C’est qui qui se gave ?

Michel Muller – Martin Wilhelm – Jean-Jacques Greiner

A écouter !

Une présentation audio des enjeux de la grève par des manifestants de Carrefour, au micro de Michel Muller :

Martin Wilhelm interroge les salariés sur ce qui a changé en termes de conditions de travail dans cet hypermarché :

Enfin Michel Muller interroge quelques clients du magasin à propos du mouvement de grève :

La galerie de Martin Wilhelm :

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