Militant pionnier de l’écologie depuis quelques décennies, et activiste intransigeant, les habitants de la vallée de la Thur viennent de perdre l’une des voix les plus singulières de son paysage social.
Alors qu’il nous lisait et suivait seulement à distance, la rédaction de l’Alterpresse68 a récemment vu débarquer sa silhouette bonhomme, une moustache blanchie au style chevron, et un œil piquant, ou torve, selon l’humeur du moment, en dépit de la maladie qui l’affaiblissait depuis des mois.
C’est que Daniel était aussi débonnaire, bienveillant, doux et serviable, qu’il pouvait être fulminant.
En situation d’indignation et de colère devant l’injustice, disposition d’esprit qui le portait assez spontanément, mieux valait éviter de se trouver emporté par la bourrasque du gaillard.
Quelques puissants, parmi lesquels des figures politiques locales et nationales, qu’il aura pu rencontrer et côtoyer tout le long de sa riche vie, tout comme une palanquée de spadassins du néolibéralisme destructeur de communautés et pourvoyeurs de chômage de masse, ont eu la malchance de sentir le vent du boulet walterien s’écraser sur eux, tel un sac à purin.
Et s’ils ne furent pas dispersés, façon puzzle, ils n’ont certes pas oublié les redoutables savons qu’il avait pour coutume d’offrir gracieusement à la ribambelle d’homoncules qu’il a pu croiser sur les chemins de la vie.
Dès lors, impossible de résumer un chemin de vie comme le sien, tant il est protéiforme, sinon rappeler quelques éléments fondamentaux, et dire son engagement en défense de notre média.
Délégué syndical, secrétaire ou trésorier de son comité d’entreprise, pendant 35 ans, meneur de grève, au sein de « Air industrie » (où se tint l’essentiel de sa carrière), agitateur en écologie sociale, en tant que militant pour la défense de la nature, des services publics, des chômeurs, Daniel incarnait toutes les facettes des luttes émancipatrices.
La plus importante et conséquente, passera sans doute par la fondation, il y a 30 ans, le 13 juin 1992 exactement, de l’association écologiste Thur Écologie & Transports, laquelle se substituait à l’informel « Comité contre les excès routiers dans la vallée de la Thur ».
Parmi ses derniers faits d’armes au sein de l’association, parmi beaucoup d’autres : la question de l’eau, que ce soit au travers des risques d’inondations, des conséquences de la fuite en avant urbanistique, ainsi que l’organisation d’une marche pour le climat avec l’association Alsace Nature, emmenée par son ami Albert Gasser.
Beaucoup parmi nous ne connaissaient pas, en revanche, son engagement pour le sport associatif.
Dans un message adressé à ses membres sur Facebook, le handball club de Thann-Steinbach déplore sa disparition, en rappelant les 51 années d’engagement au service de l’association sportive dont il était le co-fondateur.
A propos de méconnaissance, lors de la cérémonie d’adieux à Daniel, en l’église de Saint-Amarin, pleine comme un œuf, nombre de ses amis s’étonnèrent d’assister à une messe catholique des plus orthodoxes.
C’est méconnaitre ses déclarations publiques, lui qui disait volontiers pratiquer sa foi au quotidien au travers d’une quête de l’intérêt général. Et se revendiquait au demeurant de l’œuvre sociale de l’évêque catholique brésilien Hélder Pessoa Câmara, connu pour sa lutte contre la pauvreté à travers le monde.
Pour ce qui nous concerne, lorsque notre journal avait fustigé vertement le contrôle social infantilisant et l’attentat aux libertés exercé par le gouvernement, à l’occasion de l’épidémie de covid, il était venu nous soutenir, quand il ne voyait que résignation et lâcheté dans les médias et, pis encore, chez certains de ses amis révolutionnaires…
Alors qu’Alterpresse68 était stupidement attaqué au prétexte d’ une accusation de diffamation par un industriel du déchet, plutôt soucieux de se livrer à une procédure bâillon (qu’il a bien entendu perdu mais nous a couté près de 2000 euros en frais de défense), il s’était fait un devoir de réunir au plus tôt de l’argent pour nous aider à passer le cap.
Daniel était passé moins d’un mois avant son décès pour nous offrir un livre, parmi les cadeaux et l’affection dont il nous entourait, et les suggestions d’articles qu’il nous soumettait régulièrement.
Nelson Mandela aimait à répéter que, dans la vie, il ne perdait jamais. Soit il gagnait, soit il apprenait.
Si Daniel a perdu son combat contre le crabe, il a gagné notre estime à jamais, et nous apprend à soutenir l’engagement fraternel dont il a été un infatigable promoteur.
Vous pourrez trouver de plus amples détails sur sa trajectoire personnelle et professionnelle, sur le site de l’association Thur écologie & transports.