Ce 29 septembre, la CGT, Solidaire, la FSU, l’UNEF, la VL, la FIDEL et la MNL appellent à une journée de grèves et de manifestations dans toute la France le pouvoir d’achat, les droits des travailleurs et contre la réforme des retraites. À Mulhouse, la manifestation se déroulera à 14 h, place de la Bourse.

Est-ce que ce mouvement sera le moyen de faire converger les multiples mouvements citoyens et de travailleurs qui se développent un peu partout en France (et en Europe !) contre une politique qui conduit à court terme à un effondrement total les modèles sociaux solidaires construits au cours de dizaines d’années par l’action conjuguée des syndicats et des mouvements associatifs ? Voilà le sujet.

UNE SITUATION SOCIALE QUI VA DE MAL EN PIS

Le 16e baromètre sur la pauvreté et la précarité sociale dévoilé par le Secours populaire en atteste : avec l’envolée des prix et la pression sur les revenus, pour beaucoup les conditions de vie se sont détériorées en 2022 ; et ce, dans des proportions rarement observées. Une situation d’autant plus dure qu’elle succède à deux années où les niveaux de vie avaient été marqués par le choc de la crise sanitaire et notamment la « récession historique » de 2020.

Le SPF note : « La flambée des prix dans le domaine du transport, de l’énergie ou de l’alimentation affecte l’ensemble des Français, mais frappe particulièrement les ménages dont les ressources se trouvent dans le bas de l’échelle des revenus. Les deux tiers de ces personnes ont du mal à faire face à cet ensemble de dépenses essentielles. Dans le détail, 67 % se déclarent fragilisés par les frais de transport et sont encore 65 % dans cette situation pour les dépenses d’énergie et à nouveau la même proportion quand il s’agit de consommer des fruits et légumes frais tous les jours. Par rapport à 2021, ces chiffres sont en forte hausse, de respectivement 18 points, 15 points et 13 points. (…)

Pour les foyers se situant en bas de l’échelle des revenus, la solvabilité se dégrade encore : à force de découverts, plus du quart (26 %) redoute de basculer directement dans la précarité. »

L’INFLATION APPAUVRISSANT LES PLUS PAUVRES… MAIS PAS QUE…

L’inflation, due avant tout à la politique monétaire impulsée par la Banque Centrale européenne, répondant au « quoi qu’il en coûte » dont Macron n’était pas le seul adepte, va sûrement continuer, rappellent de multiples économistes. Selon Eurostat, en août 2022, les prix à la consommation augmentent de 5,8 % sur un an en France au 31 août 2022. Le taux d’inflation annuel de la zone euro en hausse à 9,1 %. Apparemment, nous nous en sortons mieux que les autres. Chiffre trompeur, car c’est au prix des dépenses publiques phénoménales pour le « bouclier énergétique ». Si cela semble positif dans l’immédiat, la facture nous sera présentée et est omniprésente dans la politique sociale gouvernementale actuelle et à venir.

D’autant plus que ce chiffre d’inflation est une moyenne. Les produits les plus achetés par les ménages, par exemple l’alimentation, augmentent de 10,2% selon Que Choisir qui explicite : « La hausse des prix en grande surface dépasse désormais la barre des 10 %. L’inflation atteint 9,5 % dans les rayons alimentation, et 15 % pour les produits d’hygiène-droguerie-beauté.

La situation se dégrade de mois en mois concernant l’équipement de la maison, les dépenses liées au logement ainsi que les transports : ces catégories enregistrent des hausses de prix de 7 %. »

Voilà le vrai impact sur les revenus des Français et qui conduit à une paupérisation accrue des ménages et pas seulement des plus pauvres. Les revenus moyens prennent également de plein fouet ces augmentations que les 5,6% affichés par l’INSEE essaient de masquer.

UNE INFLATION QUI VA DURER

L’excellent mensuel Alternatives Economiques a réalisé un dossier sur l’inflation dans son numéro de septembre. Son constat est clair : « Au-delà de l’énergie, l’inflation est aussi une preuve que l’organisation mondiale des échanges organisée depuis la fin des années 1950, avec une accélération dans les années 1990, est source de fragilités et de dépendances plus que de paix et de prospérité ».

Dans les faits, cette mondialisation a conduit à une nouvelle crise profonde du capitalisme que les instruments de régulation (FMI, OMC, Banque mondiale…) ne peuvent plus juguler. Et qui aggrave les écarts dans le partage des richesses entre entreprises et individus, entre riches et pauvres dans la population, entre les pays développés et en voie de développement. L’émergence de nouvelles puissances économiques, accumulant des réserves financières considérables, rajoutent encore à ce désordre.

Qui connait les pays qui possèdent la phénoménale dette des États-Unis que le Trésor américain fixe à 30.000 milliards de dollars ?

Une partie de cette dette est détenue à l’étranger par le Japon (1340 milliards) et la Chine (1080 milliards de dollars). Mais tant que le dollar reste la principale monnaie d’échange dans le monde, les USA n’ont pas grand-chose à craindre. Le reste du monde, si…

Car la crise énergétique est un moyen pour les USA d’accroître les profits des entreprises US de ce secteur. En gros, la place prise par le gaz de schiste des USA pour compenser la réduction des importations venant de Russie, permets de faire entrer des devises qui manquaient cruellement. Ce que nous payons au prix d’une augmentation phénoménale du carburant aux pompes.

Et cela n’est pas près de s’arrêter d’autant que le raisonnement vaut aussi pour le coût des matières premières particulièrement pour les pays européens.

L’EXEMPLE DU LITHIUM : +358% EN UN AN !

On connaît ce métal indispensable pour la fabrication des batteries, entre autres pour le secteur automobile. C’est donc une ressource essentielle à la transition écologique.

Or, le lithium atteint des prix faramineux : la tonne se vend ainsi 358% plus cher qu’il y a un an. En cause, les exigences des constructeurs automobiles, qui veulent sécuriser leurs approvisionnements.

Les exploitations se concentrent sur quatre pays : l’Australie, le Chili, la Chine, et l’Argentine. Et le lancement de nouvelles mines est long : de 6 à 19 ans. Et selon l’Agence Internationale de l’Énergie, la demande mondiale pourrait encore quadrupler d’ici à 2030.

ET DEVINEZ QUI PAYE LA CRISE DU CAPITALISME,

Après qu’en 2008, les États aient pris en charge les dettes suite à la faillite du système bancaire amplifiant d’une manière considérable les dettes publiques, ils subissent un nouvel avatar du système en devant prendre en charge les conséquences de l’inflation. Et les bonnes vieilles recettes refont surface : il faut de l’austérité, réduire les dépenses publiques et celles des ménages. Et surtout ne pas entamer les marges des entreprises, piliers du système économique capitaliste.

Premiers domaines dans le viseur : les salaires. Il ne faut surtout pas augmenter les salaires. Au contraire, il faut les précariser, les individualiser, les moduler. Mais comme la question du pouvoir d’achat se pose avec un risque de mobilisation sociale, il faut bien faire quelque chose.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat adoptées par le Parlement cet été sont un exemple flagrant de l’imposture qui caractérise ce gouvernement. On peut la résumer comme le fait Alternatives économiques sous le titre de « Les primes plutôt que les salaires ». Le mensuel explicite que les primes sont bien évidemment plus favorables aux entreprises, car elles ne sont pas durables, elles peuvent être réduites voire disparaître. Évidemment « le salarié dont les fins de mois sont difficiles pourra se laisser tenter, car les primes sont en général moins taxées (sous forme de cotisations sociales ou d’impôts) que les augmentations de salaire. »

Il sera pourtant le perdant à terme : cette méthode conduira immanquablement à permettre au patron de réduire le salaire fixe et de remplacer la perte par le versement de primes… qui seront aléatoires, car soumises à condition. Par exemple, le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise.

L’ENJEU DE LA RÉFORME DES RETRAITES

Pourquoi Macron s’entête-t-il à vouloir imposer une réforme du système des retraites par la force s’il le faut. Alors qu’il n’y a pas urgence !

La politique sociale d’Emmanuel Macron a conduit, selon la Cour des Comptes, à la baisse des prélèvements obligatoires de 40 milliards d’euros en 2018-2019 suivie de 25 milliards entre 2019 et 2021. S’y ajoutent les mesures d’exonération et l’effet des primes non soumises à prélèvement chiffrés à une quinzaine de milliards (Alternatives économiques, sept. 2022).

Ce sont donc 80 milliards d’euros qui manquent pour financer le modèle social français, dont les retraites. Les raisons invoquées et assénées par tous les médias officiels de l’effet baby-boomeurs sur le déficit des caisses de la retraite sont donc un leurre. En réalité, ce sont la réduction des salaires et des revenus sociaux qui en sont la vraie raison.

VERS UNE INDIVIDUALISATION DES SALAIRES ET GARANTIES SOCIALES

Cette politique a un avantage certain pour le pouvoir économique et politique : briser la solidarité entre les citoyens, car une individualisation des salaires au bon vouloir du patron rend totalement inopérant ce qui était jusque là la base du système de rémunération : la référence à une grille de salaire paritaire dans les branches et un salaire minimum fixé par la loi.

Réduire les avantages de la retraite solidaire entraîne une conséquence autant idéologique qu’économique : faire comprendre aux plus jeunes générations que leurs retraites ne seront plus garanties (contrairement à ces nantis de pensionnés actuels) et qu’il vaut mieux investir dans un système individuel d’assurance privée de retraite.

Ce lent détricotement de nos conquêtes sociales atteint à présent un stade irréversible si les réformes de M. Macron passent.

DES MOBILISATIONS A L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

Depuis des mois, des salariés et citoyens se révoltent et mènent des actions. Les médias ont tiré les enseignements des gilets jaunes : comme ils avaient largement parlé de ce mouvement, celui-ci s’est développé en partie grâce à la médiatisation.

Là, tous les médias restent très discrets, voire silencieux sur les grèves et manifestations locales qui font florès. En réalité, tous les pays européens connaissent des mobilisations de ce type.

Nur über höhere Löhne (und höhere Sozialleistungen) kann man die Differenz ausgleichen : ce n’est que par l’augmentation des salaires (et des prestations sociales) qu’on peut supprimer les différences (entre inflation et revenus) : voilà l’analyse de Frank Werneke, président du grand syndicat, Verdi, en Allemagne. Syndicat qui mène depuis des mois des grèves d’avertissement pour obtenir des augmentations de salaires. Pas de primes, des salaires !

En Grande-Bretagne, un mouvement « Don’t pay » (ne payez pas) pour ne pas honorer les factures d’énergie est en train de se développer et apporte une nouvelle dimension à la protestation sociale, celle d’une forme de désobéissance civile… que les syndicats britanniques ne rejettent pas.

Sans entrer dans une litanie des mouvements syndicaux en cours dans la quasi-totalité des pays européens se pose la question de l’efficacité des appels à la lutte des syndicats.

Pourtant, ce sont bien les seules organisations à même de créer des réactions assez puissantes pour infléchir ces politiques sociales identiques dans tous les pays, puisqu’impulsées par la Commission européenne. La Confédération européenne des syndicats le reconnaît : son secrétaire confédéral Ludovic Voet déclare que « ce ne sont pas les actionnaires qui subissent l’inflation, mais bel et bien les salariés » (L’Humanité magazine du 22 septembre).

Pourtant l’unité manque encore dans le mouvement syndicat : ainsi, la CFDT, la CFTC, la CGC, FO et l’UNSA ne sont pas parties prenantes de l’appel du 29 septembre malgré les gesticulations menaçantes… jamais suivies d’effets. Faudra-t-il que ce soit trop tard pour qu’elles s’émeuvent un peu plus ? Plus sûrement, ce sera quand les citoyens les obligeront à se mouiller qu’un espoir d’unité pourra voir le jour dans le syndicalisme. Un des enjeux de plus pour les grèves et manifestations du 29 septembre 2022…

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